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Boissons du sportif : Osmolarité – osmolalité, les principes

Dr Paule Nathan (Médecin du sport, endocrinologue, diabétologue, nutritionniste, Paris)

Au cours des efforts intenses et de longue durée, la déshydratation et l’épuisement des réserves en glucose des muscles sont parmi les principaux facteurs qui contribuent à l’apparition de la fatigue. Si le sportif a acquis la notion de compenser les déperditions au cours et après l’effort par des “cocktails” ou boissons de l’effort, il faut l’éduquer car, selon la composition de la boisson, il pourra obtenir des contre-performances selon qu’elle soit hypertonique ou hypotonique. Quelques règles s’imposent ainsi qu’une bonne information du sportif qu’il soit professionnel ou amateur. Il ne devrait plus y avoir d’accident de déshydratation.

Les boissons dans l’estomac

En dehors de l’alcool, l’absorption des nutriments et des liquides est faible. C’est un lieu de dégradation des aliments par les sucs digestifs et l’acide chlorhydrique. C’est la composition et le volume du bol alimentaire qui vont faire que le temps de vidange de l’estomac sera plus ou moins long, entre 1 et 4 heures. Ce sont les glucides et les liquides qui ont une absorption plus rapide. Le temps et la vitesse de la vidange gastrique sont soumis à une régulation hormonale centrale rétroactive qui fait que quand l’estomac est trop distendu du fait d’un contenu gastrique trop important, les signaux hormonaux font qu’il y a des influx pour induire le relâchement du sphincter pylorique. A l’inverse, un contenu trop important dans la première portion de l’intestin ou une concentration trop élevée de solutions acides ralentit de manière réflexe fortement la vidange gastrique. La température d’une boisson influence la vitesse d’arrivée d’eau dans l’intestin c’est pourquoi on recommande de consommer des boissons à température fraîche entre 10 et 15° plutôt que froide à 4 °C sorties du réfrigérateur. Une boisson trop froide peut donner des lourdeurs et/ ou crampes d’estomac.

Les boissons dans l’intestin : importance de l’osmolalité (osmolarité)

Une fois la barrière pylorique franchie, la majorité de l’eau apportée par les boissons et celle contenue dans les aliments sont absorbées au niveau de l’intestin grêle par les phénomènes biophysiques de simple diffusion osmotique. N’entre en jeu aucun phénomène actif. L’osmose est un phénomène permanent dans l’organisme, elle permet de régler les mouvements d’eau à travers les membranes cellulaires semi-perméables, déterminés selon l’osmolarité des milieux intracellulaire, extracellulaire et plasmatique.

Le principe de l’osmose est simple : les échanges d’eau à travers les membranes cellulaires sont déterminés par l’osmolalité des différents secteurs de part et d’autre des membranes. L’eau a un passage libre à travers les membranes cellulaires et se déplace du milieu hypotonique, le moins concentré, vers le milieu hypertonique, le plus concentré. Si les deux milieux sont isotoniques le mouvement d’eau global est nul. Si on ajoute dans un secteur un soluté qui augmente la concentration de ce secteur le rendant hypertonique, il y aura un ajustement avec l’autre secteur par passage d’eau de celui-ci vers celui auquel on a ajouté du soluté. Le premier secteur vera augmenter son volume d’eau tandis que le deuxième en subira une baisse avec un effet de concentration de son secteur jusqu’à égalisation des deux secteurs en concentration du soluté. On définit une particule osmotiquement active comme une particule qui ne diffuse pas mais entraîne un déplacement d’eau, l’osmolarité d’une solution comme le nombre de particules par litre de solution (unité en mosmol/l) et l’osmolalité par le nombre de particules par kilos d’eau de cette solution (mosmol/kg d’eau). En pratique pour le plasma l’osmolarité est égale à l’osmolalité.

L’osmolarité plasmatique permet une appréciation de la concentration des métabolites dans le plasma. Chez le sujet sain, elle est de 305 +/- 5 mosm/l. On prend en compte les ions et les protéines, glucose et urée interviennent peu (Tab. 1).

Tableau 1 – Les ions.

Dans l’organisme entre les différents compartiments, il y a un ajustement rapide de l’eau mais plus ou moins retardé par rapport à l’eau pour les protéines et certains ions qui n’obéissent pas à la diffusion passive de l’osmose. Ceci explique de possibles variations importantes de volume entre différents compartiments, par la suite ceux-ci s’équilibrent jusqu’à ajustement de la pression osmotique entre les deux compartiments.

Au niveau cellulaire :

  • Une solution isotonique (iso-osmolaire) n’induit pas de mouvement d’eau à l’intérieur de la cellule, elle garde sa forme et sa tonicité.
  • Une solution hypertonique qui induit une hyperosmolalité extracellulaire entraînera pour équilibrer les pressions osmotiques un transfert d’eau par osmose de la cellule vers le milieu extérieur, la cellule se déshydrate et rétrécie. Et selon l’intensité des ajustements osmotiques, un oedème pourra se former dans les tissus. Ainsi, si le sportif boit une boisson hypertonique fortement concentrée, déterminée par son osmolalité supérieure au plasma (soit supérieure à 300 mOsm.kg-1), l’apport fortement hypertonique va induire le temps de leur absorption qui est lente un climat hypertonique au sein de l’intestin entraînant une fuite d’eau des milieux cellulaires vers la lumière intestinale, retardant l’absorption donc entravant l’hydratation avec possibilité de crampes intestinales. Le risque pour le sportif est extrême lors des efforts de longue durée effectués en ambiance chaude. C’est pourquoi il faut éduquer le sportif à se méfier des comprimés de sel, des mélanges concentrés d’acides aminés et des boissons de l’effort concentrées, mélanges détonnant qui nécessitent une prévention par un dialogue et une éducation du sportif par les soignants.
  • Une solution qui entraîne une hypoosmolalité extracelullaire va faire un transfert d’eau en intracellulaire et peut la faire éclater.

Les boissons de l’effort, une composition adaptée pour une absorption efficace

 

  • Avoir un goût agréable qui plaît au sportif, pas de stress nutritionnel ; les qualités gustatives et la couleur de la boisson peuvent influencer les quantités bues à l’effort.
  • Etre d’absorption rapide pour ne pas pénaliser la continuité de l’effort.
  • Maintenir une osmolalité et le volume extracellulaire stable. Les boissons pour le sport sont isotoniques ou hypotoniques, pour faciliter leur absorption au niveau intestinal.
  • Neutre sur le plan intestinal pour ne pas provoquer des troubles gastrointestinaux nuisibles physiologiquement et psychologiquement.

Mise au point : ne pas confondre boissons énergétiques et énergisantes

Les boissons énergétiques

Les boissons énergétiques sont des boissons de l’effort et sont soumises à la législation des compléments alimentaires encadrée par la directive 2002/46/CE du Parlement européen, transposée par le décret du 20 mars 2006. La réglementation établit une liste positive progressivement établie des ingrédients pouvant entrer dans leur composition, actuellement ciblée sur les vitamines et minéraux au niveau européen, élargie au niveau national par des doses journalières maximales à ne pas dépasser et des recommandations au sujet de diverses substances telles que les plantes. Les boissons énergétiques ne sont en aucun cas des médicaments et ne doivent pas dépasser les apports journaliers recommandés. Elles sont élaborées pour répondre aux besoins spécifiques du sportif qui fournit une dépense musculaire intense. Certaines sont orientées vers la récupération après l’effort.

Ce sont des boissons spécifiques pour le sportif. Glucidiques complémentaires de l’effort, leur composition ne doit être ni acide, ni gazeuse, ni trop sucrée avec une osmolalité aux alentours de 390 mol/litre pour être correctement assimilées. Les apports glucidiques (généralement du dextrose, fructose, des maltodextrines) sont à raison de 6 % à 8 % par litre avec apport de potassium, calcium, sodium, phosphore, magnésium à des taux très faibles. Les vitamines sont des vitamines B essentiellement. L’osmolarité est aux alentours de 390 millimoles par litre pour permettre une meilleure assimilation. Les boissons de récupération assurent après l’exercice la restauration des pertes liées à l’effort.Ce sont des eaux bicarbonatées riches en sels minéraux pour compenser les pertes et lutter contre l’acidose par accumulation d’acide lactique. Elles peuvent permettre aussi de lutter contre les crampes.

Les boissons énergétiques sont réservées pour des activités intenses et prolongées comme des tournois, des randonnées, et si le sportif est sujet aux crampes pendant l’effort, aussi en cas de sueurs importantes du fait de la perte hydrique et de la perte en minéraux. Elles permettent aussi de stabiliser la glycémie avant et au cours de l’effort si nécessaire. Mais attention, leur mauvaise utilisation peut être à l’origine d’excès en apports glucidiques responsables d’hypoglycémie réactionnelle avec coup de barre, contre performance pour un sportif et pérennisation de compulsion vers les aliments sucrés. Elles peuvent être aussi un leurre pour ne pas se concentrer sur la nécessité d’une alimentation équilibrée pour optimiser la performance sportive.

 

Les boissons énergisantes

Les boissons énergisantes ne sont pas soumises à la réglementation des boissons énergétiques. Elles sont composées le plus souvent par de la taurine remplacée par l’arginine dans certaines préparations,de la caféine, du guarana, du glucuronolactone, du ginseng, des vitamines surtout du groupe B. Les boissons énergisantes sont considérées comme ayant des propriétés stimulantes de l’effort physique et intellectuel tout en corrigeant les besoins de réhydratation. Certains s’en servent pour des efforts sportifs d’autres pour tenir le coup par exemple en vue d’une soirée qui va se prolonger dans la nuit ou pour éviter la fatigue d’un long voyage. Leur consommation augmente. Mais pour l’utilisation en médecine du sport, leurs apports en glucides sont trop importants. Leur taux supérieur à celui des boissons énergétiques peut surtout engendrer une hypoglycémie réactionnelle avec contre-performance lors de leur consommation avant l’effort. Elles ont une osmolarité forte. Ce qui peut gèner la vidange gastrique, l’absorption intestinale, les échanges transmembranaires et une assimilation optimale (bien citée dans le projet de Direction européenne). Qu’en dit la société française de nutrition du sport ? « Les boissons énergisantes étant de plus en plus prisées des sportifs, la SFNS se préoccupe de la toxicité potentielle de ce type de boisson, et de son usage excessif et inadapté dans le milieu sportif ». Le Comité Scientifique a rédigé un document fixant d’une part leur niveau de toxicité réelle, et délimitant d’autre part la position de notre société visà- vis de l’usage de ces boissons lors d’une pratique physique (avant, pendant et après). Notre objectif est d’apporter une information éclairée et des recommandations pratiques de consommation chez les sportifs. L’autorisation de commercialisation à partir du 15 juillet 2008 sur le marché français de boissons énergisantes, fait craindre des abus de consommation chez les sportifs, en raison des allégations portant sur l’amélioration des performances et des besoins de réhydratation en particulier en climat chaud. Depuis mai 2008, les versions “sans taurine“ de ces boissons font déjà l’objet d’une forte consommation. L’éventuelle présence ou absence de toxicité de ces boissons lors des différents types d’effort sportif nécessite d’être documentée, pour proposer une information éclairée des consommateurs.

Un texte référentiel a été rédigé en juin 2008 par les membres du Comité scientifique (consultable sur le site: www.nutritiondusport.fr). La position de la SFNS vis-à-vis des boissons énergisantes chez le sportif est claire. La littérature ne permet pas d’attribuer à ces boissons un effet positif sur l’amélioration des performances physiques ou psychiques, ni d’amélioration des défenses anti-oxydantes. L’impact sur la santé et la toxicité restent à préciser. Elles ne présentent pas d’intérêt nutritionnel démontré et ne répondent pas aux critères spécifiques des boissons énergétiques définis au plan réglementaire. Elles sont inadaptées et déconseillées pour la réhydratation ; le risque de déshydratation accentuée lié à l’hyperosmolarité et la présence de certaines molécules peuvent même augmenter le risque de blessure. La fuite potentielle de calcium, magnésium et potassium est un facteur de risque de trouble du rythme cardiaque. La caféine augmente le risque de troubles du rythme cardiaque à l’effort. L’apport glucidique est inadapté à l’effort ; la concentration en sucres est trop élevée et fait courir le risque de troubles digestifs. L’acidité est un facteur prédisposant aux blessures sportives.

Conclusion

La mise à disposition des boissons de l’effort nécessite une information accrue et une protection du consommateur par un étiquettage et une réglementation. Savoir lire les étiquettes doit devenir un réflexe acquis de tout sportif vis-à-vis de la majorité des produits consommés et en particulier pour les boissons. Si le sportif et son entourage commencent à être bien informés sur les dangers des boissons hyperosmolaires ou trop glucidiques, ils le sont moins vis-à-vis de certaines substances. Par exemple dans les boissons énergisantes le mot “caféine” n’est pas clairement écrit. On ne peut donc savoir sous quels noms elle se cache : guarana, yerba maté, noix de cola, qui peuvent augmenter sensiblement l’effet stimulant de la boisson. L’obligation de lire les étiquettes est renforcée par le fait que les ingrédients varient énormément d’un produit à l’autre. La teneur en caféine peut varier de 23 mg à 125 mg pour 250 ml sans oublier les autres sources de caféine : les colas, le thé (glacé ou non), le chocolat… Il est alors relativement facile de dépasser les bornes, surtout chez les enfants et adolescents. Pour les sportifs non informés qui cumulent la consommation de boissons énergisantes avec des produits toniques médicamenteux ou non et l’ingestion d’alcool, le danger mérite d’être souligné. Notre rôle de médecin est ici essentiel. Mais rappelons-nous que les connaissances physiologiques de l’organisme et de ses modifications à l’effort ont permis le développement de produits qui, s’ils sont bien employés permettent au sportif de palier aux déficiences et de donner le meilleur de son sport et de son entraînement.

Pour en savoir plus

• Intervention du Docteur Charles AGENET. Médecin du CROS Provence – Alimentation du Sportif Besoins et danger. 2e rencontre médicale Sport – Santé du mouvement olympique et sportif Provence – Alpes. Aix en Provence, le samedi 6 Juin 2009.

• Que penser de la polémique sur les boissons énergisantes ? Astrid NEHLIG, directrice de recherche, Inserm faculté de Strasbourgs (Santé et Café n° 23).

• Avis relatif à l’évaluation des risques liés à la consommation d’une boisson présentée comme “énergisante“ additionnée de substances autres qu’additifs technologiques: taurine, D-glucuronolactone, inositol, vitamines B2, B3, B5, B6 et B12 (PDF Novembre 2006) AFSSA. http://www.afssa.fr/Documents/NUT2006sa0236.pdf

• Avis relatif à l’évaluation de l’emploi de diverses substances nutritives et de caféine dans une boisson présentée comme “énergisante“ (PDF – Mars 2001). http://www.afssa.fr/Documents/NUT2000sa0191.pdf

• Recommandations de la Société Française de Nutrition du Sport. http://www.nutritiondusport.fr/pdf/boissons-energisantes-SFNS-juin-2008.pdf

• MacArdle WD, Katch FI, Katch VL. Nutrition et performances sportives. Edition de boeck Université. Bruxelles 2004.

• Pilardeau P. Biochimie et nutrition des activités physiques et sportives. Tome 2. Masson, 1995.

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