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Santé osseuse : l’équilibre acide-base

Dr Paule Nathan (Médecin du sport, endocrinologue, diabétologue, nutritionniste, Paris)

Si le rôle du calcium, des protéines, de la vitamine D, de l’activité physique sont bien connus pour leurs actions dans le métabolisme osseux, d’autres facteurs semblent jouer un rôle non négligeable. L’influence de la charge acide des aliments suscite, ces dernières années, de nombreuses études qu’il ne faut négliger tant est grande la répercussion sur le densité osseuse et l’incidence facturaire.

RAPPEL DE L’ÉQUILIBRE ACIDE-BASE

Tout comme la température intracorporelle, le PH de l’organisme dans les cellules et dans le milieu où elles baignent doit être constant, sous peine de lésions et de dysfonctionnements. Par exemple, l’activité des enzymes est optimum pour réaliser leurs réactions chimiques lorsque le milieu est favorable et elles sont très sensibles à l’acidité du milieu où elles exercent leurs actions.

L’équilibre du PH est sensible selon les tissus. Le sang ne tolère que de minimes variations du PH (7,36 pour le sang veineux et le liquide interstitiel, et 7,42 pour le sang artériel), contrairement aux urines (ente 6,5 et 7,5) et aux tissus (entre 6,5 et 7,4 dans la salive). Pour maintenir cet équilibre acido-basique indispensable à la vie (alcalose au-dessus de 7,43 et acidose au-dessous de 7,37 qui peuvent être délétères, voire mortelles), l’organisme est doté de garde-fous physiologiques afin d’éviter les variations de PH sanguin : 

• les poumons ; 

• les reins ; 

• le tube digestif avec les aliments ingérés.

Les viandes et poissons sont des aliments dits acidifiants.

ALIMENTS ET ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE DE L’ORGANISME

La digestion des aliments est à l’origine, entre autres, d’une production d’acides et de bases en proportion variable selon l’aliment.

Les aliments dits acidifiants sont ceux qui génèrent le plus d’acides (chlore, soufre, phosphore, acides aminés soufrés (méthionine et cystéine)). Nous les connaissons en médecine du sport puisqu’ils sont souvent limités après l’effort pour réduire plus rapidement l’onde d’acidification engendrée par l’effort. Ce sont les protéines animales type viande (viandes, poissons, volailles, boeufs, crustacés), les fromages et les céréales.

Les aliments dits alcalinisants sont ceux qui génèrent le plus de bases (cations comme le potassium, le calcium, le magnésium). Ce sont les fruits, ainsi que la plupart des légumes.

D’autres aliments semblent neutres, comme les huiles et les sucres raffinés. Ainsi, l’équilibre acido-basique peut être influencé par l’alimentation. Une alimentation déséquilibrée de manière chronique, qui privilégie trop d’aliments acidifiants et trop peu d’alcalinisants, va modifier le PH et entraîner des variations métaboliques avec, en particulier, une augmentation de la calciurie.

COMMENT ÉVALUER L’APPORT ACIDE DE L’ALIMENTATION ?

Trois méthodes sont utilisées dans les études, elles donnent des évaluations équivalentes.

Le PRAL index (Potential Renal Acid Load ou charge rénale acide potentielle) est mesuré en unité milli-équivalent (mEq). Il étudie, pour chaque aliment, la quantité de charge acide soustraite de la charge basique, en tenant compte pour chaque élément de son coefficient d’absorption intestinale. Au-dessus de zéro, l’aliment est acidifiant, en dessous, alcalinisant, le zéro étant la neutralité. On obtient une valeur exprimée pour 100 g d’aliment, ce qui nécessite de faire l’adaptation pour les aliments dont nous consommons de petites quantités (comme l’ail – 1,7 ou les amandes + 4,3) (Tab. 1). 

• Le NEAP (Net Endogénious noncarbonic Acid) fait intervenir le quotient protéines/potassium. 

• Le quotient entre les protéines en g/jr et le potassium en mEq/j.

 

L’alimentation fast-food est très acidifiante et pauvre en densité nutritionnelle, à l’opposé de l’alimentation méditéranéenne.

CONSTATATIONS : LES EFFETS D’UNE ALIMENTATION ACIDE SUR L’OS

Il a été montré que la régularisation du PH liée à un excès d’acides se fait à l’aide de la mobilisation du système tampon osseux qui entraîne une activation des ostéoclastes, une libération des carbonates, pour éviter l’installation d’une acidose et baisse d’activité des ostéoblastes. A l’inverse, une augmentation du PH dans le sens de l’alcalose freine la résorption osseuse. Pour les ostéoblastes, l’effet est inverse. 

 

• Chez des femmes en période de pré et de péri-ménopause, il a été constaté une corrélation avec une alimentation plus acide (NEAP élevé), des taux plus élevés des marqueurs de la résorption osseuse et une densité osseuse plus basse, comparativement à des taux de NEAP plus bas qui, eux, étaient associés à des densités osseuses plus élevées. 

• Dans un même type de population de femmes en pré-ménopause, ou au tout début de la ménopause, on a relevé une corrélation nette entre l’apport de potassium et les marqueurs de la résorption osseuse. Celles qui avaient l’indice NEAP ou PRAL les plus hauts avaient les marqueurs les plus augmentés, par rapport à celles qui avaient des indices NEAP et PRAL plus bas. Le sous-groupe des femmes ménopausées révéla une relation significative entre la densité de l’os fémoral et l’apport en potassium. 

• Plus étonnante est l’étude des enfants de 6 à 18 ans : ceux qui avaient le PRAL le plus élevé avaient une perturbation de la densité osseuse de l’avant-bras, une baisse de la zone corticale et de la teneur minérale des os.

DES ÉTUDES INTERVENTIONNELLES 

• Un apport de 60 à 120 nmol de bicarbonate par jour pendant 18 jours a un impact positif sur le bilan calcique des femmes ménopausées. 

• Un régime moins acidifiant (moins de viande et fromage, plus de fruits et légumes), couplé à l’apport d’une eau bicarbonatée, fait baisser la calciurie et les marqueurs de la résorption osseuse. 

• L’apport d’une eau riche en bicarbonate, sans autre modification de nourriture, freine la calciurie et a un effet positif sur la résorption osseuse.

En cas d’ostéoporose, limiter les fromages gras.

QUE FAUT-IL EN PENSER ?

Les études sont là et les constations indéniables. L’idée que la tendance acide ou basique de l’alimentation puisse jouer sur le métabolisme de l’os n’est pas plus farfelue que lorsque l’on a commencé à parler du système antioxydant, véritable système d’autoprotection et d’autoréparation dont les principaux acteurs sont les composants de notre alimentation (par exemple, les aliments riches en vitamine C et provitamine A comme les fruits et les légumes). Comme par hasard, l’alimentation fastfood est très acidifiante (viande + fromage + pain + boissons sucrées) et elle est pauvre en densité nutritionnelle, à l’opposé de l’alimentation méditéranéenne ou crétoise, plus alcalinisante et ayant une densité nutritionnelle haute. Tout ceci semble bien cohérant, des constatations contraires bénéfiques pour le corps seraient plus suspectes. Ici, nous sommes dans une harmonie de fonctionnement du corps humain avec son environnement.

De simples corrections peuvent être proposées : 

• diminuer la consommation des aliments les plus acidifiants ; 
• proposer une plus grande consommation d’aliments alcanisants ; 
• s’aider du tableau 1.

 

En cas d’ostéoporose, appliquer ce que l’on sait depuis longtemps : limiter les fromages gras (par exemple, proposer 30 à 40 g de fromage très riche en calcium et apporter le reste de calcium par des produits laitiers écrémés ou partiellement écrémés, sans oublier le statut en vitamine D).

Pour la boisson, les médecins du sport sont familiarisés avec la notion de corriger l’onde acidifiante liée à l’effort avec des eaux bicarbonatées. Proposons, pour les sujets fragiles des os, ces mêmes eaux, mais pauvres en sel.

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