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Cas clinique : un ECG d’athlète « classique » mais… stressant

Pr François Carré (Cardiologue, Médecin du sport, Rennes)

Lors d’une consultation

Vous êtes le médecin d’un club de foot professionnel (vous pouvez choisir lequel).
On vous avertit tardivement de l’arrivée d’un nouveau joueur, attaquant d’origine congolaise. Lors de sa visite médicale, le joueur arrive avec son bilan radiologique ostéo-articulaire et son… électrocardiogramme (Fig. 1). Le contrat doit être signé rapidement, car l’entraîneur l’attend sur le terrain !

Figure 1 : Électrocardiogramme du joueur de foot présenté au médecin lors de la première visite médicale.

Quiz 1 Devant cet ECG que faites-vous ?

A. Vous vous cachez les yeux

B. Vous appelez votre copain cardiologue malgré l’heure tardive

C. Vous interrogez et examinez le joueur

Message cle n1

Le bilan cardiovasculaire de toute visite médicale d’un sportif compétiteur repose sur le trépied interrogatoire + examen physique + ECG de repos. L’interrogatoire ne retrouve aucun symptôme ni aucun antécédent familial de cardiopathie ni de maladie cardiaque. La pression artérielle est normale aux deux bras.
L’auscultation allongée, debout et après quelques flexions ne retrouve aucun souffle cardiaque.
Vous concluez donc fort justement à un examen clinique normal chez ce joueur.
Vous décidez d’analyser son ECG.

Réponse : C

Quiz 2  Après analyse, vous concluez :

A. ECG normal pour un athlète africain, autorisation à jouer

B. ECG anormal pour un athlète africain, interdiction de jouer

C. ECG anormal pour un athlète africain, bilan cardiologique

D. Je ne sais pas, j’appelle mon copain

Message cle n2

L’analyse systématique et complète de l’ECG retrouve un rythme sinusal (onde P devant chaque QRS), une fréquence cardiaque à 61 bpm, une onde P normale, un intervalle PR normal, un QRS fin et ample et une repolarisation « anormale » de V2 à V3 avec un sus-décalage du point J (flèche noire jonction entre fin de l’onde S et début de ST) au-dessus de la ligne de base, diffus, suivi d’un segment STsurélevé en dôme (flèche bleue) et d’une onde T négative (flèche rouge) en V1, V2 et V3 (Fig. 2).

Figure2 Détail des dérivations-ECCAthlèteClassique-MDS122

Figure 2 : Détail des dérivations de V1 à V6.

Donc par rapport à monsieur tout le monde cet ECG n’est pas normal. Mais ce joueur n’est pas monsieur tout le monde, c’est un athlète (plus de 8 heures de sport intense par semaine) et il est d’origine africaine de l’Ouest. Or, en cardiologie chez l’athlète, ce qui n’est pas normal n’est pas forcément pathologique et encore plus chez l’athlète afro-caribéen !
Avant d’appeler le cardiologue, revoyons la repolarisation de l’athlète, car c’est elle qui pose le plus de problèmes diagnostiques. Sont considérées comme normales des ondes T « bizarres » si elles sont positives et associées à un point J et un segment ST au niveau ou surélevé par rapport à la ligne de base. Des ondes T sont négatives et normales en aVr (toujours), D3 et V1 (très souvent).
Chez 25 % des athlètes afro-caribéens, hommes ou femmes, on observe et on accepte la présence d’un sus-décalage du point J suivi d’un segment ST en dôme et d’une onde T négative dans les dérivations de V1 à V4 qui correspond en fait à un aspect particulier de repolarisation précoce.
Donc chez ce footballeur africain, il n’est pas justifié de faire de bilan cardiovasculaire complémentaire, car il est asymptomatique, sans antécédent familial, avec un examen physique normal et il présente une particularité de repolarisation fréquente.

Réponse : A

Quiz 3  Trois ECG enregistrés chez des athlètes, asymptomatiques, sans antécédent familial et avec un examen physique normal vous sont présentés (Fig. 3).

A. Ils sont tous normaux

B. Ils sont tous anormaux

C. Certains sont anormaux

Figure 3 : ECG anormaux de trois athlètes.

Message cle n3

Les 3 ECG sont anormaux. A montre des ondes T négatives profondes sans surélévation de J ni du segment ST en V1, V2 et V3. B montre des ondes T négatives sans surélévation de J ni du segment ST en D2, aVf et V4, V5, V6. C montre un sous-décalage du point J et du segment ST et des ondes T négatives en D1, aVl, V2, V3, V4, V5, V6. Chez ces 3 athlètes, des pathologies contre-indiquent le sport en compétition (maladie arythmogène du ventricule droit pour A et cardiomyopathie hypertrophique pour B et C).

Réponse : B

Ce qu'il faut savoir

Depuis 2009, la Société française de cardiologie en accord avec son homologue européenne (2005) a recommandé la réalisation d’un ECG pour la visite de non contre-indication pour les compétiteurs entre 12 et 35 ans lors de la première visite puis tous les 3 ans jusqu’à 20 ans et tous les 5 ans jusqu’à 35 ans. Cet examen a pour but de détecter une pathologie cardiaque silencieuse à risque de s’aggraver ou de provoquer un accident grave lors de la pratique sportive intense.  Associé à l’interrogatoire et l’examen physique, il permet de détecter plus de 85 % de ces pathologies alors qu’interrogatoire et examen physique seuls en détectent moins de 10 %. Le rôle du médecin est de dire si cet ECG est normal ou non et non de faire un diagnostic précis qui sera dans tous les cas affirmé par les examens complémentaires cardiovasculaires. La pratique sportive intense, y compris scolaire, doit être interrompue le temps de la réalisation de ce bilan. Pour faciliter l’interprétation de l’ECG de l’athlète, une classification validée scientifiquement est proposée aux médecins (Fig. 4).

Figure 4 : Réalisation ou non d’un bilan cardiaque en fonction des résultats de l’ECG.

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