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Le syndrome de l’essuie – glace : Quelques questions pour un diagnostic…

Dr Jean-Marie Coudreuse (Pôle de médecine physique et de réadaptation, médecine du sport, APHM-Marseille)

« Docteur, je viens vous voir car depuis quelques mois j’ai une douleur de la face externe du genou qui survient uniquement lorsque je fais du sport ». Devant ce patient, le médecin doit poser quelques questions qui lui permettront dès l’interrogatoire d’avoir une quasi-certitude diagnostique.

La palpation dans le syndrome de l’essuie-glace se situe nettement au-dessus de l’interligne fémoro-tibial latéral.

– Dans quel sport avez-vous mal ?

– La douleur survient pratiquement toujours lors de la course à pied mais peut survenir de façon beaucoup plus rare lors de la pratique du vélo ou de la marche prolongée.

– Lors de la course à pied, est-ce que cette douleur apparaît toujours au bout du même temps de course ?

– Oui Docteur, c’est toujours au bout du même temps de course.

– Est-ce que cette douleur est absente lors d’autres activités sportives comme le football, le tennis, le basket ou toute activité sportive se pratiquant de façon interrompue ?

– Tout à fait, je n’ai jamais mal lorsque je joue au tennis ou lorsque je fais du basket. En revanche, la douleur survient toujours lors de la course à pied.

Le diagnostic de syndrome de la bandelette ilio-tibiale (syndrome de l’essuie- glace) est plus que probable. La douleur survient lors de la pratique d’un sport réalisé de manière prolongée et ininterrompue, en général la course à pied. Le délai d’apparition de la douleur sera toujours constant (il peut être de 20 minutes, 30 minutes ou 45 minutes par exemple) mais ce sera toujours le même temps pour le même patient.

Au fur et à mesure de l’évolution, ce délai d’apparition des phénomènes douloureux peut se raccourcir progressivement et le temps de course du patient sera alors de plus en plus limité. En revanche, il n’aura mal dans aucune autre activité, en particulier tous les sports ne nécessitant pas un effort prolongé en course.

Classiquement, c’est le footballeur qui ne souffre pas lorsqu’il joue un match de football de 90 mn mais qui a mal lorsqu’il fait son footing de récupération après 30 minutes de course. Dès que le patient ressent la douleur de façon importante, il est contraint de s’arrêter et immédiatement la douleur va diminuer voire disparaître plus ou moins rapidement.

Dans certains cas, elle peut persister après l’activité sportive.

A l’examen clinique

Ce syndrome peut se présenter dans certains cas de manière bilatérale avec, par exemple l’apparition d’une douleur d’un côté puis peu à peu la symptomatologie se manifeste de l’autre côté.

Dans un deuxième temps, l’examen clinique permet de confirmer le diagnostic qui a été plus que suspecté lors de l’interrogatoire.

La palpation précise réveille le plus souvent la douleur.

Il s’agit alors de palper le tendon non seulement à sa face latérale mais avec le doigt d’essayer d’atteindre la partie profonde du tendon au niveau du condyle latéral et de réveiller alors la douleur du patient.

Deux tests dynamiques peuvent également être effectués :

le test de Renne : en appui monopodal sur le genou douloureux ; on demande au patient d’effectuer des mouvements de flexion/extension dans un angle de flexion situé aux alentours de 30° ;

le test de Noble : il associe une palpation avec le doigt au niveau de la zone douloureuse lors du mouvement de flexion à l’extension passive du genou ; parfois, on peut lors de ce test percevoir une sensation de crissement.

Attention à l’imagerie

Le piège vient du fait que, souvent, les patients chez qui le diagnostic n’a pas été fait, ont déjà eu une imagerie centrée le plus souvent sur une pathologie rotulienne ou sur une pathologie méniscale mais qui est asymptomatique sur le plan clinique.

L’examen complémentaire à demander en première intention n’est pas une IRM mais une échographie. Celle-ci qui permet de mettre en évidence une souffrance du tendon avec par exemple un épaississement de celui-ci ou une bursite associée. D’autre part, le caractère dynamique de cet examen est dans cette situation tout à fait intéressant.

Les diagnostics différentiels sont souvent évoqués en premier !

Les diagnostics différentiels (lésion méniscale, syndrome rotulien, lésion du ligament collatéral, latéral…) sont facilement éliminés d’une part sur les données de l’interrogatoire qui sont très différentes des caractéristiques du syndrome de la bandelette ilio-tibiale et sur les données de l’examen clinique. La palpation en particulier retrouve une douleur très éloignée de l’interligne fémoro- tibial ou de la rotule.

Etiopathogénie

La bandelette ilio-tibiale se présente sous forme d’une bande à caractère fibreux.

Elle correspond à la partie terminale du muscle du tenseur du fascia lata et du muscle grand fessier.

Elle descend le long du condyle latéral du genou puis s’insère à la partie externe du genou sur le tubercule de Gerdy.

L’aspect le plus intéressant est son anatomie fonctionnelle puisqu’en extension du genou, la bandelette ilio-tibiale passe en avant de la tubérosité du condyle latéral tandis que lors de la flexion, elle passe en arrière de ce condyle latéral (aux alentours de 30° de flexion).

Les mouvements de flexion/extension répétés et prolongés du genou lors de la course à pied provoquent un mouvement assimilé à celui d’un “essuie-glace” et c’est ce frottement répété qui provoque la symptomatologie douloureuse.

Le traitement

Actuellement, le traitement repose en première intention sur deux moyens thérapeutiques.

• Un programme de rééducation est tout à fait indispensable. Il peut être pratiqué lors de ces séances de rééducation, de la physiothérapie mais l’essentiel du traitement repose sur des exercices d’étirements passifs et actifs du tenseur du fascia lata. En général, une série de 12 séances est suffisante pour améliorer le patient.

• Le port d’orthèses plantaires qui seront effectuées après un bilan dynamique sur tapis. Celui-ci objective fréquemment des troubles au niveau des appuis plantaires et qui peuvent être corrigés par une orthèse plantaire. Il faut généralement attendre au moins 3 semaines pour apprécier l’efficacité de ces orthèses. Celles-ci devront être utilisées uniquement dans les chaussures consacrées à la course à pied.

Dans le cas particulier des cyclistes, une analyse du positionnement du coureur sur le vélo doit être effectuée afin de mettre en évidence une anomalie biomécanique pouvant expliquer les douleurs en mettant en contrainte d’étirement de manière importante le compartiment externe du genou.

Dans certains cas, si la douleur résiste au traitement médical et surtout si l’échographie a mis en évidence une bursite, il est légitime de proposer une infiltration locale de corticoïde. Si cela est possible, elle sera réalisée sous contrôle échographique et devra être associée à un repos sportif d’environ une semaine.

Dans des cas tout à fait exceptionnels, l’échec de ce traitement médical peut conduire après plusieurs mois d’évolution à un traitement chirurgical.

Conclusion

Le syndrome de la bandelette ilio-tibiale est une pathologie extrêmement fréquente en particulier chez des coureurs à pied. Malheureusement, le diagnostic est souvent fait avec retard et après de nombreuses explorations complémentaires inutiles voire dangereuses puisqu’elles peuvent mettre en évidence des lésions asymptomatiques sur le plan clinique (comme une lésion méniscale latérale). Il suffit au médecin d’écouter son patient et de lui poser quelques questions simples qui lui permettront d’avoir une orientation diagnostique quasi certaine dès l’interrogatoire et qui sera confirmée par l’examen clinique.

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