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Les conflits des ischio-jambiers : anatomie et diagnostic

Dr Jérôme Renoux (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière ; CEPIM - Clinique des Lilas ; INSEP)

Pour un conflit, il faut être deux. Le tendon n’est donc pas seul concerné dans cette famille de pathologies. Ces dernières sont plus fréquentes lorsque les tendons sont longs et mobiles, croisant alors de multiples structures anatomiques. Les ischio-jambiers, muscles biarticulaires, sont ainsi susceptibles d’être plus souvent atteints. Ces conflits restent peu connus, malgré leur fréquence.

Les conflits autour du bassin

La bursite ischiatique (1, 2)

La bursite ischiatique est une bursite mécanique en superficie de l’enthèse proximale des ischio-jambiers chez les personnes sédentaires ou adoptant une position assise prolongée. Dans le monde du travail, les conducteurs de véhicule lourd ou de certaines machines (métier à tisser) sont particulièrement concernés en raison des vibrations. Des contraintes en cisaillement peuvent survenir de façon aiguë ou chronique dans certains sports. Les plus fréquents sont l’équitation, le cyclisme, le canoë et les sports en fauteuil roulant. Cette pathologie est également retrouvée chez les grands dénutris (néoplasie avancée, paraplégie, grand âge) en raison de l’amyotrophie du grand glutéal qui ne joue plus alors son rôle de protection mécanique.

En imagerie en coupe, le contenu de la bursite est très variable, mais sa topographie est caractéristique : en superficie de l’ischion et en profondeur du muscle grand glutéal, limitée latéralement par le tendon conjoint des ischio-jambiers. Une extension est possible jusqu’à la fosse ischio-rectale. L’échographie met en évidence une collection d’échogénicité variable compressible (Fig. 1) avec une hypervascularisation périphérique en Doppler. Quelques nodules pariétaux peuvent être présents.

Figure 1 – Coupe sagittale échographique de la fesse montrant une bursite ischiatique en superficie de l’ischion. Notez l’amyotrophie majeure du muscle grand glutéal.

 

L’IRM montre une collection de signaux hétérogènes (en raison des remaniements hématiques fréquemment présents). Après injection de gadolinium, on note un rehaussement de la paroi de la bourse associé à la présence de septa et parfois d’épaississements focaux de la paroi. La bursite peut se rompre : un oedème de l’ensemble des structures voisines est alors présent (tendons des ischio-jambiers, apophyse ischiatique, nerf sciatique) rendant le diagnostic moins évident. Le signal hétérogène dans un contexte parfois trompeur (néoplasie) peut amener à conclure, à tort, à une masse tumorale.

Le conflit ischio-fémoral (3)

Aussi appelé conflit trochantéro-ischiatique, le conflit ischio-fémoral implique le petit trochanter et l’ischion lors de mouvements en extension, adduction et rotation externe de hanche.

Cette pathologie a été initialement décrite sur prothèse totale de hanche, mais elle se rencontre aussi sur hanche native lorsqu’existe une prédisposition anatomique.

Cliniquement, le patient se plaint de douleurs inguinales ou fessières, majorées par les mouvements susdécrits. Cette douleur peut irradier en distalité. Les danseurs semblent particulièrement exposés.

Anatomiquement, un espace ischio-fémoral étroit (13 mm) ou un espace du carré fémoral réduit (7 mm) favorisent cette pathologie (4). Ces éléments sont visibles en IRM (Fig. 2). L’IRM montre aussi un oedème du muscle carré fémoral, une bursite de la face médiale du petit trochanter et des remaniements kystiques de l’ischion. Dans certains cas, une tendinopathie de voisinage atteignant les ischio-jambiers, ou même le psoas, est possible (5, 6, 7).

Figure 2 – Coupes axiale (A) et sagittale (B) pondérées en T2 FatSat. Œdème du corps musculaire du carré fémoral et diminution de l’espace ischio-fémoral dans le cadre d’un conflit ischio-fémoral.

 

Le traitement peut s’orienter vers une infiltration locale en cas d’inefficacité du repos et de la kinésithérapie. La chirurgie reste exceptionnelle ; elle consiste en une résection partielle du petit trochanter.

Le ressaut proximal des ischio-jambiers

Ce conflit rare est dû au ressaut de l’insertion du tendon conjoint sur la tubérosité ischiatique. Pour que le tendon, normalement adhérent, entre en conflit, il faut une désinsertion partielle (enthésopathie avancée) avec persistance de l’attache sur le ligament sacro-tubéreux. Le tendon conjoint frotte alors sur la partie postérieure de la tubérosité ischiatique lors des mouvements de flexion de la cuisse (8).

L’IRM montre l’enthésopathie avancée des ischio-jambiers avec bursite de leur face profonde (Fig. 3).

Figure 3 – IRM en séquences pondérées T2 FatSat. Coupes frontale (A) et axiale (B). Enthésopathie des ischio-jambiers avec perte de substance majeure, le tendon conjoint ne restant adhérent qu’au ligament sacrotubéreux (flèche).

 

L’échographie permet de visualiser directement le conflit (9).

En cas d’inefficacité de l’infiltration locale, une ténotomie sera proposée.

Conflit avec le nerf sciatique

Celui-ci peut être engainé par une cicatrice de lésion traumatique du tendon conjoint des ischio-jambiers ou éventuellement comprimé par les séquelles hypertrophiques d’avulsion de l’apophyse ischiatique (Fig. 4).

Figure 4 – IRM centrée sur le bassin en séquence pondérée T1. Coupes frontale (A) et axiale (B). Séquelle d’arrachement apophysaire de la tubérosité ischiatique (flèche blanche), comprimant le nerf sciatique (flèche noire).

 

Les conflits autour du genou

Ressaut distal du biceps fémoral

L’insertion distale du biceps fémoral est bifide : elle est composée d’un bras postérieur et d’un bras antérieur s’insérant tous deux sur la tête de la fibula en encadrant le ligament collatéral latéral. Le bras tibial peut être prédominant, voire exclusif (10, 11). C’est dans ces cas qu’il peut réaliser des ressauts contre la tête de la fibula lors des mouvements de flexion.

L’examen clinique retrouve le ressaut tendineux contre la tête de la fibula lors des mouvements de flexion entre 70° et 90°.

L’IRM ne montre rien le plus souvent. L’échographie dynamique montre le ressaut (12).

En cas d’échec du traitement médical (essentiellement la rééducation), le traitement chirurgical vise à réséquer la tête de la fibula ou à réinsérer le biceps sur la tête de la fibula (13).

Ressaut de la patte d’oie (14)

Il s’agit d’un ressaut des tendons semi-tendineux et gracile contre la face postérieure du corps musculaire du semi-membraneux. Ces deux tendons sont maintenus en arrière par des expansions aponévrotiques fines rattachées au gastrocnémien médial. La lésion de ces expansions aponévrotiques par un traumatisme mineur peut provoquer une luxation antérieure des tendons (15, 16).

Cliniquement, un ressaut est perçu lors du passage de la flexion à l’extension du genou.

L’échographie et l’IRM montrent des signes de bursite et de tendinopathie. L’échographie dynamique met bien en évidence la luxation antérieure des deux tendons contre la face postérieure du semi-membraneux (Fig. 5, 6).

Figure 5 – Schéma montrant la position des tendons semi-tendineux (1) et gracile (2) en arrière de la jonction myotendineuse du semi-membraneux (3) lors de la flexion (A) et leur subluxation antérieure pathologique lors du passage en extension (B).

 

Figure 6 – Échographie dynamique en coupes axiales. En flexion (A), les tendons gracile et semi-tendineux sont situés en arrière du semi-membraneux. En extension (B), le tendon gracile présente une subluxation antérieure brutale responsable du ressaut.

 

Lorsque le traitement médical échoue, la double ténotomie est la référence (17).

Bursite de la patte d’oie (18, 19)

Cette pathologie est visible chez les patients obèses, atteints d’une arthrose du genou ou chez les coureurs de fond. C’est le valgus ou la rotation externe du genou qui favorise les tractions sur les tendons de la patte d’oie. La douleur siège sur le versant médial du genou, 5 cm sous l’interligne fémoro-tibiale.

L’échographie et l’IRM mettent en évidence une collection située à la face profonde des tendons de la patte d’oie (Fig. 7).

Figure 7 – Coupes échographiques longitudinale (A) et axiale (B) centrées sur la patte d’oie montrant une bursite hypervascularisée de la face profonde des tendons.

 

Dans les formes chroniques, une empreinte de la bursite sur la corticale osseuse (scalloping) peut être visible sur les radiographies.

Bursite du semi-membraneux (20)

Le diagnostic clinique de cette pathologie est difficile du fait de la proximité avec de nombreuses structures anatomiques (ligament collatéral médial, ménisque interne, gastrocnémien médial…).

Le diagnostic est plus facile en imagerie (Fig. 8) : forme un “U inversé” autour du tendon réfléchi du tendon semi-membraneux.

Figure 8 – Coupes IRM axiale (A) et coronale (B) T2FatSat montrant une collection liquidienne située en périphérie du tendon semi-membraneux. Remarquez sa forme caractéristique en “U inversé”.

 

Autres

Des ressauts du semi-tendineux ont été décrits au contact d’une exostose.

Conclusion

Les conflits des ischio-jambiers sont des pathologies méconnues. Le diagnostic clinique comme l’imagerie peuvent être pris à défaut. La connaissance des cas les plus fréquents et la recherche parfois acharnée du conflit en échographie dynamique sont les clés du diagnostic.

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