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Stabilisation de l’épaule pour luxations antérointernes récidivantes : intérêt de la butée sous arthroscopie

Dr Philippe Loriaut, Dr Antoine Gerometta, Dr Romain Rousseau, Dr Frédéric Khiami (Service de Chirurgie orthopédique et Traumatologie du sport, CHU La Pitié-Salpêtrière, Paris)

Le recours à la chirurgie est de plus en plus fréquent en cas de luxation antérointerne récidivante de l’épaule. Le point sur les différentes techniques.

Les luxations de l’épaule sont fréquentes dans les sports de combat.

Indications générales

Une indication chirurgicale peut être proposée dans les cas de luxations gléno-humérales antérieures récidivantes, dans les épaules douloureuses et instables, mais aussi dans les cas de première luxation chez les sujets jeunes et/ou pratiquant des sports à risque ou en compétition (armé-contré : handball, volleyball, basket-ball).
En effet, devant le taux de récidives élevé et les complications de l’instabilité chronique, le choix d’un traitement chirurgical de stabilisation d’emblée est de plus en plus fréquent.
Une enquête anglaise menée auprès de chirurgiens britanniques en 2002 avait révélé que 35 % des chirurgiens opéraient les primoluxations chez le jeune, dont 16 % sous arthroscopie. Cette même étude réalisée en 2009 montrait que 68 % des chirurgiens opéraient les primoluxations chez le jeune, dont 71 % sous arthroscopie. En 7 ans, le nombre de chirurgiens proposant une chirurgie stabilisatrice d’emblée a doublé, et l’utilisation d’un arthroscope a quadruplé.

Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites. Les principales sont la butée coracoïdienne vissée en avant de la glène (couchée selon Latarjet ou debout selon Bristow) et la réinsertion du bourrelet antérieur et de retente capsulo-ligamentaire selon Bankart.

Principes de la butée osseuse type Bristow-Latarjet

L’intervention est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale. Elle est classiquement réalisée à ciel ouvert par une voie d’abord deltopectorale. Elle consiste à prélever un bloc osseux d’environ 2 cm aux dépens de la coracoïde et de le placer dans la partie antérieure et inférieure de la glène en passant, à travers le muscle subscapulaire. La coracoïde peut être positionnée debout et fixée par une vis selon Bristow ou couchée et fixée par deux vis selon Latarjet.

La stabilisation passe par un triple verrouillage décrit par Patte : l’effet butée réalisé par le bloc osseux, l’effet hamac réalisé par la mise en tension du coraco-biceps inséré sur la pointe de la coracoïde, et la suture du ligament acromio-coracoïdien à la capsule.

Vue de la salle opératoire.

Principes de l’intervention de Bankart

L’intervention de Bankart est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale. C’est une intervention de retente capsulaire et ligamentaire antérieure et inférieure actuellement réalisée sous arthroscopie.
Des points d’ancrage sont réalisés au bord antéro-inférieur de la glène. Des fils montés sur des ancres insérées dans la glène sont passés au travers de la poche de décollement capsulo-ligamentaire. Ils permettent de réappliquer la capsule et les ligaments sur leur zone d’insertion anatomique pour prévenir la récidive d’instabilité.

Repères des incisions arthroscopiques.

Quelle intervention dois-je choisir ?

Cette question, de plus en plus fréquemment posée par les patients, doit faire l’objet d’une information claire tenant compte des résultats des séries publiées.
Le choix de la technique entre Bankart et butée type Bristow-Latarjet dépend de plusieurs critères cliniques et radiologiques qu’il est essentiel de prendre en compte afin d’éviter la récidive de la luxation en postopératoire.
La butée coracoïdienne à ciel ouvert est une technique efficace avec un faible taux de récidive. Le positionnement de la butée peut s’avérer difficile et conduire à des complications telles que sa malposition, sa fracture ou la pseudarthrose.
Le développement de l’arthroscopie a conduit à un engouement pour la technique de Bankart arthroscopique. En effet, il s’agit d’une technique moins invasive que le Latarjet classique : incisions minimes, hospitalisation plus courte, suites opératoires immédiates simples et absence d’ostéosynthèse par vissage.
Néanmoins, l’analyse de la littérature a montré que malgré les progrès techniques, le taux de récidive de l’instabilité après un Bankart arthroscopique était beaucoup plus important qu’après une butée à ciel ouvert.
L’analyse des échecs de la technique de Bankart sous arthroscopie a conduit à identifier des facteurs de risque de récidives. Balg et Boileau ont ainsi développé le score ISIS (Instability Severity Index Score) avec des facteurs pronostiques préopératoires permettant d’orienter le choix de technique chirurgicale : Bankart ou Latarjet.
Les facteurs de mauvais pronostic qui contre-indiquent la réalisation d’un Bankart arthroscopique sont : l’âge jeune (< 20 ans), l’hyperlaxité de l’épaule, la pratique d’un sport à risque (contact ou armé-contré) ou en compétition, la présence de lésions osseuses glénoïdiennes ou d’encoche humérale.
L’utilisation du score ISIS et l’identification des facteurs de risque de récidive ont permis de diminuer ce taux de récidive à des taux plus acceptables situés entre 6 et 12 %.

Vue arthroscopique : deux vis d’ostéosynthèse viennent stabiliser la butée coracoïdienne à la face antéro-inférieure de la glène.

Intérêt de la butée sous arthroscopie

Les échecs du Bankart arthroscopique ont conduit de nombreux chirurgiens à proposer l’intervention de Latarjet dans les cas d’instabilité gléno-humérale antérieure chronique. La technique de Latarjet à ciel ouvert a en effet montré des résultats satisfaisants à long terme.
De nos jours, cette intervention est entièrement réalisable sous arthroscopie. Cette technique décrite par Laurent Lafosse suscite un intérêt grandissant. Elle combine les avantages du Latarjet à ciel ouvert (faible taux de récidive et bons résultats fonctionnels à long terme) à ceux de l’abord arthroscopique (traitement des éventuelles lésions associées, positionnement précis de la butée et récupération fonctionnelle précoce).
Les étapes de la chirurgie sont semblables à celle réalisée à ciel ouvert. Il s’agit, cependant, d’une intervention techniquement exigeante qui présente une courbe d’apprentissage relativement longue.

Conclusion

Au total, le traitement chirurgical de l’instabilité antéro-interne de l’épaule est actuellement bien maîtrisé. La retente capsulo-ligamentaire, très développée il y a quelques années avec l’avènement de l’arthroscopie, montre actuellement ses limites sur le risque de récidive. La butée coracoïdienne devient la référence chez des patients jeunes et sportifs. Avec les progrès techniques de l’ingénierie, cette technique est maintenant réalisable sous arthroscopie, à condition d’être confiée à des mains expertes, avec des premiers résultats encourageants et qui devront être confirmés avec un recul à plus long terme.

Pour en savoir plus

• Bessière C, Trojani C, Carles M et al. The open Latarjet procedure is more reliable in terms of shoulder stability than arthroscopic Bankart repair. Clin Orthop Relat Res 2014 ; 472 : 2345-51.
• Boileau P, Villalba M, Héry J et al. Risk factors for recurrence of shoulder instability after arthroscopic Bankart repair. J Bone Joint Surg [Am] 2006 ; 88 : 1755-63.
• Dumont GD, Fogerty S, Rosso C, Lafosse L. The arthroscopic Latarjet procedure for anterior shoulder instability: 5-year minimum follow-up. Am J Sports Med 2014.
• Lafosse L, Lejeune E, Bouchard A et al. The arthroscopic Latarjet procedure for the treatment of anterior shoulder instability. Arthroscopy 2007 ; 23 : 1242.e1-1242.e5.
• Latarjet M. A propos du traitement des luxations récidivantes de l’épaule. Lyon Chir 1954 ; 49 : 994-7.
• Thomazeau H, Courage O, Barth J et al. Can we improve the indication for Bankart arthroscopic repair? A preliminary clinical study using the ISIS score. Orthop Traumatol Surg Res 2010 ; 96.
• Walch G, Boileau P. Latarjet-Bristow procedure for recurrent anterior instability. Tech Shoulder Elbow Surg 2000 ; 1 : 256-61.

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