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Visite de non contre-indication à la pratique sportive : place de l’épreuve d’effort

Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou, Rennes, Université Rennes 1)

En raison de ses bienfaits pour la santé, la pratique sportive régulière et modérée mérite d’être encouragée à tout âge et chez tous les sujets de manière adaptée à leurs capacités (1).

Cependant, lors d’une pratique sportive intense, le risque de survenue d’accident cardiovasculaire est augmenté (1). Le sport révèle alors une cardiopathie méconnue. En effet, les contraintes hémodynamiques et neuro-hormonales majeures qu’impose l’exercice musculaire intense réclament un système cardiovasculaire intègre pour être bien supportées. L’un des objectifs principaux de la visite de non contre-indication (VNCI) à la pratique d’un sport est de détecter, de la manière la plus efficace possible, une cardiopathie qui pourrait, dans ce contexte défavorable, se compliquer d’un accident potentiellement vital. La place de l’épreuve d’effort (EE) dans cette visite est discutée depuis longtemps. De nouvelles recommandations européennes ont été proposées récemment pour aider le praticien (2).

 

Pathologies cardiovasculaires potentiellement à risque lors d’une pratique sportive intense

Avant 35 ans

C’est le plus souvent une cardiopathie arythmogène génétique, cardiomyopathie hypertrophique, maladie arythmogène du ventricule droit, anomalie fonctionnelle (QT long, tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique…) ou congénitale comme les anomalies de naissance des artères coronaires, qui est en cause. La maladie de Marfan avec son risque de dissection de l’aorte est moins souvent concernée. Enfin les myocardites et l’athéromatose coronaire peuvent être en cause. En dehors de l’anomalie de naissance des coronaires, de la maladie de Marfan et de la maladie coronaire, ces pathologies s’accompagnent le plus souvent d’anomalies électrocardiographiques.

Après 35 ans

C’est le plus souvent (85-90 %) la maladie coronaire qui est la coupable de l’accident aigu.

Épreuve d’effort à visée cardiologique dans la visite de non contre-indication

Intérêts

L’EE permet d’explorer l’organisme dans sa globalité et, en particulier, le système cardiovasculaire dans les conditions de l’effort. C’est un examen non invasif et non irradiant, facilement répétable. Ses trois principaux objectifs sont d’analyser les adaptations cardiovasculaires à l’effort, de quantifier la capacité fonctionnelle individuelle et de détecter une pathologie coronaire ou arythmique asymptomatique. Cependant, malgré son intérêt indéniable, l’EE possède des limites qui doivent être bien connues du praticien prescripteur. Elles doivent aussi toujours être clairement expliquées au sportif.

Il faudrait réaliser 200 000 épreuves d’effort dans la population générale pour éviter une mort subite !

Limites

Sensibilité et spécificité

D’une part, l’apport de l’EE pour détecter une maladie coronaire asymptomatique est limité par sa sensibilité (probabilité de bien détecter les sujets porteurs de pathologie estimée à 70 %) et par sa spécificité (probabilité de bien détecter les sujets exempts de pathologie, proche de 75 %). Il faudrait ainsi réaliser 200 000 épreuves d’effort dans la population générale pour éviter une mort subite, sans parler des sujets “faux positifs” qui auraient à supporter des examens complémentaires, parfois invasifs, qui se révéleraient injustifiés (3) ! Son indication doit donc être ciblée.

Valeur prédictive

La valeur prédictive négative de l’EE est loin d’être égale à 100 %. L’EE, si elle détecte assez bien la maladie coronaire “installée” avec retentissement sur le débit coronaire à l’effort, a une très faible valeur prédictive de survenue d’un accident aigu par érosion ou rupture d’une plaque athéromateuse présente sur une artère coronaire. Ainsi, la survenue d’un syndrome coronaire aigu ou d’un infarctus du myocarde chez un sportif, en règle générale vétéran, dans les mois qui suivent la réalisation d’une épreuve d’effort “normale”, n’est pas rare. De même, dans le cadre des arythmies, la valeur prédictive positive et la reproductibilité de l’EE restent médiocres (4).

Reflet imparfait d’une situation

Enfin, l’EE réalisée en milieu médicalisé reflète imparfaitement l’effort du sportif sur le terrain. L’enjeu de la performance et/ou de la compétition, la déshydratation et l’environnement majorent les contraintes propres à l’exercice musculaire. Par exemple une valeur de fréquence cardiaque anormale observée par un pratiquant sur son cardiofréquencemètre ne témoigne pas, dans la plupart des cas, d’un dysfonctionnement de l’appareil, mais bien d’un réel trouble du rythme.

Bilan

Au total, l’EE à visée cardiologique reste un bon examen de prévention de première intention, mais ses limites doivent être connues des prescripteurs. Ces derniers éduqueront le sportif demandeur qui doit savoir qu’une épreuve d’effort qualifiée de “normale” ne doit pas être assimilée à une “assurance tous risques” vis-à-vis de la pratique sportive.

 

Indications dans le cadre de la visite de non contre-indication

L’EE a deux objectifs principaux dans la VNCI : expliciter d’éventuels symptômes liés à l’effort et détecter une pathologie cardiovasculaire, potentiellement à risque, méconnue.

 

Chez le sportif “cardiaque”

Une EE est donc toujours indiquée chez un sportif qui décrit des symptômes liés à l’effort et/ou qui est porteur d’une cardiopathie. Chez le “cardiaque”, cet examen aide à guider le bilan cardiovasculaire complémentaire et à préciser l’attitude vis-à-vis de la pratique sportive grâce aux recommandations disponibles (5).

 

Chez le sportif de haut niveau

Une EE est légalement obligatoire chez les sportifs inscrits sur les listes de haut niveau de leur fédération.

 

En cas de doute

L’EE est également indiquée dès qu’un doute clinique et/ou ECG, plane sur l’intégrité du système cardiovasculaire du sportif. L’ECG de repos peut en effet révéler une partition atrio-ventriculaires de repos. La disparition rapide d’arythmies ou de troubles de repolarisation est classiquement de bon pronostic, bien que sans réelle preuve scientifique. En effet, une normalisation, en particulier des troubles de repolarisation, peut également s’observer en cas de pathologie sous-jacente.

 

En prévention

A visée préventive chez un sujet asymptomatique sans pathologie cardiovasculaire connue, nous avons vu que sa prescription devait être réfléchie.

Les facteurs de décision reposent sur le type de pratique sportive souhaitée et sur le risque cardiovasculaire et, en particulier, l’âge du demandeur.

 

Principe de l’épreuve d’effort dans la visite de non contre-indication à la pratique sportive

Avant 35 ans

Les pathologies en cause dans les accidents cardiovasculaires aigus avant 35 ans expliquent les recommandations récentes sur le contenu du bilan cardiovasculaire de la VNCI dans cette population (6). Elles insistent sur l’association d’un interrogatoire, d’un examen physique et d’un ECG de repos à réaliser chez tout sujet désireux de pratiquer un sport en compétition entre 12 et 35 ans. L’EE dans cette tranche d’âge ne doit pas être systématique vu ses limites précédemment décrites. Ainsi, l’indication de l’EE dans cette population doit se limiter aux sujets symptomatiques (douleur thoracique, essoufflement ou fatigue anormale, palpitations, malaise liés à l’effort) et/ou porteur d’une cardiopathie (HTA comprise).

 

Après 35 ans

Indications

C’est dans cette tranche d’âge que la question de l’indication d’une EE se pose le plus souvent. Rappelons brièvement que les EE sous-maximales, type test de Ruffier-Dickson ou test du tabouret, qui ont une très faible valeur diagnostique, ne doivent plus être réalisées pour détecter des contre-indications cardiovasculaires à la pratique du sport. Seules les EE maximales réalisées en milieu cardiologique présentent un intérêt dans ce cadre.

Dans cette population aussi, cet examen doit être ciblé et non systématique. Comme le rappellent les récentes recommandations européennes, trois éléments aident à poser l’indication :

• le niveau de sédentarité,

• le type de pratique sportive désiré,

• le niveau de risque cardiovasculaire individuel (2).

Trois étapes successives sont ainsi proposées. Ces recommandations impliquent le pratiquant, un éventuel professionnel du monde du sport non médical et le médecin traitant. Les deux premières concernent avant tout le pratiquant et/ou le professionnel du sport. La dernière est du ressort du médecin. En France, où l’implication du pratiquant reste encore malheureusement très faible, les deux premières seront aussi le plus souvent du ressort du praticien.

 

Première étape

La première étape consiste à préciser, d’une part le niveau de sédentarité du demandeur et, d’autre part, l’intensité de l’activité physique souhaitée. Un sujet est considéré comme sédentaire lorsqu’il pratique moins de deux heures d’activité physique faible par semaine (2). L’intensité de l’activité physique est considérée comme faible si la dépense énergétique qu’elle impose est inférieure à 3 METs (1 MET = 3,5 mL.min-1.kg-1 d’O2), modérée entre 3 et 6 METs et intense si supérieure à 6 METs (Encadré 1) (7).

Plus simplement, on peut retenir qu’une activité physique intense induit un essoufflement marqué. Ainsi, l’EE ne doit pas être proposée à tous les randonneurs !

 

Deuxième étape

La deuxième étape recherche, à partir d’un auto-questionnaire, des éléments, symptômes et/ou pathologies, pouvant imposer un avis médical (Encadré 2).

Troisième étape

La troisième étape est la visite médicale. Dans les recommandations, elle n’est pas obligatoire. Son indication et son contenu sont conditionnés par les données des deux premières étapes. L’indication de l’EE n’est pas obligatoire, elle dépend de l’appréciation du praticien. Le risque cardiovasculaire individuel sera estimé à partir des principaux facteurs de risque. Ceux-ci peuvent être non modifiables comme l’âge, le sexe et les antécédents familiaux ou modifiables comme le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et les désordres lipidiques (8). Ce risque peut être évalué par des formules validées comme celle de Framingham ou l’indice européen de SCORE (2). Vis-à-vis de la pratique sportive intense, certains facteurs “pèsent” plus lourds que d’autres. Ainsi, un tabagisme actif, une dyslipidémie importante, un diabète ancien, et un âge > 65 ans chez l’homme, représentent sûrement un risque marqué (9). En bref, on peut retenir qu’une EE est justifiée chez tout sujet désireux de pratiquer une activité physique ou sportive intense et présentant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire ou un seul facteur de risque “marqué”. Les indications proposées dans les recommandations sont résumées dans les figures 1 et 2 (2). Rappelons que, quels que soient les résultats de l’EE, le début ou la reprise d’un entraînement physique doivent toujours être très progressifs pendant les 4 à 8 premières semaines.

Figure 1 – Indications de l’épreuve d’effort à visée préventive chez le “vétéran” sédentaire (2). AP = activité physique ; CI = contre-indication ; CV = cardiovasculaire.

Figure 2 – Indications de l’épreuve d’effort à visée préventive chez le “vétéran” actif (2). AP = activité physique ; CI = contre-indication ; CV = cardiovasculaire

Quel calendrier de répétition pour l’épreuve d’effort ?

Le calendrier de répétition de l’EE reste arbitraire. En effet, nous ne disposons pas d’argument scientifique formel pour le guider.

Pour le sportif de haut niveau

Pour les sportifs inscrits sur les listes de haut niveau de leur fédération, l’EE à visée cardiologique doit être répétée au moins tous les 4 ans. Certaines fédérations ou ligues professionnelles imposent une répétition plus fréquente.

Pour les sportifs porteurs d’une cardiopathie

Pour les sportifs porteurs d’une cardiopathie autorisant une pratique sportive adaptée, la répétition de l’examen est en règle générale annuelle tant que la pratique sportive est poursuivie.

Pour les autres

Dans les autres cas, qui sont les plus fréquents, la répétition de l’EE peut être adaptée à la pathologie éventuelle et aux résultats de l’examen initial. Chez le pratiquant régulier et asymptomatique, le manque d’étude, les limites de l’EE et la diversité d’expression des cardiopathies silencieuses sont autant de freins pour proposer de réelles recommandations. Un calendrier, sûrement critiquable est proposé.

Une EE annuelle peut être proposée en cas de pratique sportive intense après 65 ans. Entre 35 et 65 ans, l’EE peut être proposée tous les 5 ans en l’absence de symptômes, de risque cardiovasculaire élevé et si l’épreuve d’effort initiale était strictement normale. En revanche, en cas d’anomalie lors de l’examen initial et/ou de facteurs de risque cardiovasculaire élevés, surtout si ceux-ci ne sont pas ou mal corrigés, l’épreuve d’effort peut être répétée tous les 1 à 3 ans. Ce calendrier doit bien sûr être révisé en cas d’événement intercurrent.

 

L’épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux dans la visite de non contre-indication

L’EE avec analyse des échanges gazeux dans le cadre de la visite de non contre-indication à la pratique sportive, c’est-à-dire en dehors du suivi de l’entraînement, a des indications très limitées. Elle est essentielle pour explorer certains symptômes d’effort comme une dyspnée ou une fatigabilité anormale et/ou pour explorer une cardiopathie ou une pathologie broncho-pulmonaire connue. Elle aide parfois au diagnostic différentiel du “coeur d’athlète”, qui peut, dans de rares (3-5 %) cas extrêmes, poser des problèmes avec une myocardiopathie hypertrophique ou une cardiopathie dilatée débutante (5).

Conclusion

L’épreuve d’effort dans la visite de non contre-indication à la pratique sportive peut apporter des renseignements majeurs. Ces limites imposent cependant que son indication soit ciblée en fonction des symptômes, du terrain et du risque cardiovasculaire et en particulier de l’âge et du niveau de pratique du sportif.

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