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Chaîne ouverte ou chaîne fermée ? Indication après ligamentoplastie du LCA

Dr Patrick Middleton, Dr Roger Vuong (Clinique Korian Les Grands Chênes, Bordeaux)

Les forces mécaniques s’exerçant sur le genou lors du travail musculaire sont connues depuis les années 1980. La prise en compte de ces données biomécaniques a permis d’élaborer des protocoles de rééducation de plus en plus performants, adaptés à la pathologie traitée.

Définitions

On distingue deux types de travail musculaire :
• le travail en chaîne ouverte ;
• le travail en chaîne fermée.

Le travail en chaîne ouverte

(Fig. 1)
Il s’agit d’un travail analytique du quadriceps lors du mouvement d’extension du genou et  des muscles ischio-jambiers lors de la flexion. Se produisent au cours de ce travail des forces de cisaillement ou de translation antérieure (quadriceps) et de translation postérieure (ischio-jambiers) au niveau de l’articulation fémoro-tibiale. Le travail du quadriceps en chaîne ouverte est également responsable de contraintes mécaniques importantes sur l’articulation fémoro-patellaire en extension du genou.

 

Le travail en chaîne fermée

(Fig. 2)
Il s’agit d’un travail global du membre inférieur, en co-contraction quadriceps/ ischio-jambiers. Se produisent au cours de ce travail des forces de compression fémoro-tibiale qui sont un facteur de stabilité antéro-postérieure de l’articulation fémoro-tibiale. Au niveau de l’articulation fémoro-patellaire, la compression augmente avec la flexion.
Le travail en chaîne fermée a donc l’intérêt, après ligamentoplastie, de limiter les forces de translation antérieure et d’être moins iatrogène pour l’appareil extenseur (Tab. 1).

Figure 1 – Le travail en chaîne ouverte.

Figure 2 – Le travail en chaîne fermée.

Tableau 1 – Contraintes s’exerçant sur le genou en fonction du type de travail  musculaire réalisé.

Indications

 

Les récentes données ont favorisé l’introduction du travail en chaîne fermée et le rejet du travail en chaîne ouverte du quadriceps lors de la rééducation après ligamentoplastie du ligament croisé antérieur (LCA).
En effet, le travail en chaîne ouverte du quadriceps est responsable de tensions excessives sur le transplant pendant son intégration dans les tunnels osseux fémoral et tibial et durant la phase de ligamentisation du nouveau LCA.

À l’inverse, le travail en chaîne ouverte des ischio-jambiers protège le transplant. Il est préconisé d’emblée.

L’absence de travail spécifique ou analytique du quadriceps que seul permet le travail en chaîne ouverte pose cependant un double problème :
• l’absence de contrôle musculaire indépendant pourtant nécessaire ;
• l’insuffisance de récupération de la force musculaire quadricipitale, et ce quel que soit le type de plastie pratiquée.

Pour Mikkelsen, il existe une relation entre la qualité de la récupération fonctionnelle après plastie du LCA et la force musculaire du quadriceps.
Dans son étude, il compare deux populations :
• 1er groupe : patients bénéficiant d’une rééducation “classique” en chaîne fermée ;
• 2nd groupe : patients bénéficiant d’une rééducation mixte associant travail en chaîne fermée et travail en chaîne ouverte du quadriceps introduit à la 6e semaine.
Les résultats sont favorables au second groupe : pas de différence de laxité à 6 mois, meilleure récupération musculaire du quadriceps et, surtout, retour à la pratique sportive plus rapide et plus fréquente.

La qualité de la reprise sportive est un véritable défi dans les suites des ligamentoplasties. En effet, dans une analyse regroupant 48 études et 5 770 patients opérés du LCA, Ardern retrouve un taux de retour au même niveau sportif de 63 % chez l’ensemble des patients, et seulement de 44 % chez les compétiteurs. Voilà un véritable défi pour les rééducateurs : améliorer le taux et la qualité de reprise sportive après ligamentoplastie du LCA. Cela passe par la récupération d’un bon quadriceps, véritable baromètre de la récupération du genou.

Il y a donc une place pour le travail en chaîne ouverte du quadriceps.
Il faut cependant respecter l’intégration du transplant dans les tunnels osseux, puis la phase de ligamentisation.
La fixation du transplant est le maillon faible dans les suites immédiates de cette intervention chirurgicale.
Pour Vadala, il existe une corrélation entre la réalisation d’un protocole accéléré et l’élargissement des tunnels après plastie au DI-DT.
Yu et Passler retrouvent également une augmentation du tunnel tibial mais sans augmentation de la laxité. Le choix de la plastie est à prendre en considération pour Hejine. Dans son étude, il compare le résultat de deux protocoles de rééducation. Le groupe 1 a commencé le travail en chaîne ouverte à J30, et le groupe 2 en début de 4e mois.
La précocité du travail en chaîne ouverte est responsable d’une laxité majorée chez les patients ayant bénéficié d’une plastie utilisant les muscles ischio-jambiers, ce qui n’est pas le cas après transplant libre au tendon rotulien. En revanche, l’introduction tardive du travail en chaîne ouverte du quadriceps n’a pas de répercussion sur la récupération musculaire à distance de l’intervention.

Discussion

Il y a donc manifestement une place pour introduire le travail en chaîne ouverte du quadriceps de façon plus ou moins précoce après ligamentoplastie.
Après un transplant libre au tendon rotulien, le travail peut être proposé précocement car l’intégration du transplant est “rapide” (contact os-os). De plus, en plaçant la résistance près du genou, on évite les forces de translation tibiale antérieure délétères pour la plastie. Il faut cependant surveiller les réactions de l’appareil extenseur, fragilisé par le geste opératoire.
Le délai de 6 semaines semble envisageable, même si l’objectif est d’obtenir une bonne récupération musculaire au moment de la reprise sportive, c’est-à-dire au 7e mois postopératoire.
Après une plastie utilisant les muscles ischio-jambiers internes, se pose le problème de la fixation et de l’intégration du transplant (contact os-tendon). Il faut différer ce travail qui peut favoriser la ballonisation des tunnels osseux et la survenue d’une laxité, influant nécessairement sur le résultat final. Le début du 3e, voire du 4e mois, semble plus judicieux. L’absence de geste agressif sur l’appareil extenseur permet une récupération plus aisée du quadriceps par la suite. Ce travail de récupération de la force musculaire est indispensable avant
de reprendre l’activité sportive.
Il faut considérer la force quadricipitale comme le baromètre du genou du sportif.

Mikkelsen insiste sur la corrélation existant entre la récupération musculaire et la qualité de la reprise sportive. C’est à ce prix que nous pourrons améliorer les résultats fonctionnels de cette opération chirurgicale dont les résultats paraissent décevants si l’on se fie au travail réalisé par Ardern.

Pour en savoir plus
• Ardern CL, Webster KE, Taylor NF, Keller JA. Return to sport following anterior cruciate  ligament reconstruction surgery: a systematic review and meta-analysis of the state of  play. Br J Sports Med 2011 ; 45 : 596-606.
• Heijine A, Werner S. Early versus late start of open kinetic chain quadriceps exercises  after ACL reconstruction with patellar tendon or hamstring grafts: a prospective randomized outcome study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2007 ; 15 : 402-14.
• Mikkelsen C, Werner S, Eriksson E. Closed kinetic chain alone compared to combined open and closed kinetic chain exercises for quadriceps strengthening after anterior ligament reconstruction with respect to return to sports. A prospective matched follow-up study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2000 ; 8 : 337-42.
• Vadala A, Iorio R, De Carli A et al. The effect of accelerated, brace free, rehabilitation on bone tunnel enlargement after ACL reconstruction using hamstring tendons: a CT study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2007; 15 : 365-71.
• Yu JK, Paessler HH. Relationship between tunnel widening and different rehabilitation procedures after anterior cruciate ligament reconstruction with quadrupled hamstring  tendons. Clin Med J 2005 ; 118 : 320-6.

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