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Cœur et natation : quels effets cardiovasculaires ?

Dr Jean-Michel Guy (Centre de réadaptation cardiorespiratoire de la Loire, Saint-Priest-en-Jarez), Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou, Université Rennes 1, Inserm U1099)

S’il est un sport qui intrigue vis-à-vis des contraintes imposées au système cardiovasculaire, c’est bien la natation. Pensez donc ! Un sport qui se pratique allongé et dans un environnement relativement hostile pour l’Homme : froid, pression hydrostatique, poussée d’Archimède, mode de ventilation imposé par la technique de propulsion choisie… L’article de Lazar et al. (1) résumé ici fait un point sur la physiologie cardiovasculaire de la natation dans le but de son utilisation en réadaptation cardiovasculaire.

Introduction

La natation est un des seuls (le seul ?) sports où le même pratiquant peut participer à une demi-finale puis à une finale olympique avec seulement quelques dizaines de minutes de récupération. C’est une activité ludique, qui pourrait être une option efficace pour le maintien et l’amélioration de la santé cardiovasculaire. Mais cette pratique sportive physiologiquement complexe est décriée dans certaines publications sur ses dangers cardiovasculaires potentiels. L’article de Lazar et al. apporte la preuve de l’intérêt de la natation sur l’amélioration des facteurs de risque cardiovasculaires, mais aussi pour certains patients cardiaques.

Les contraintes cardiovasculaires de la natation

Les contraintes cardiovasculaires spécifiques à ce sport sont liées à la position allongée du corps, au mode respiratoire et aux muscles utilisés. Les spécificités du milieu de pratique et le niveau technique ont aussi un impact sur le système cardiovasculaire. Les forces de compression imposées au corps par l’immersion changent le volume de la cage thoracique et augmentent les pressions vasculaires et le retour veineux. L’intensification de la précharge ventriculaire et des pressions cavitaires droite et gauche augmente le débit cardiaque de 30 à 60 %. Cette immersion et les variations de température du milieu aquatique stimulent aussi le système nerveux autonome, surtout parasympathique, avec limitation de la fréquence cardiaque. De plus, l’élévation des pressions atriales augmente la diurèse, l’excrétion sodée et inhibe la sécrétion d’hormone antidiurétique avec réduction du volume intravasculaire.

Le rôle du niveau technique du sujet est bien sûr très important. Le coût énergétique de la nage résulte de la relation entre les forces de traction et de portance. La vitesse de nage suit la relation : Vmax = (Emax) (e/D), où Vmax est la vitesse maximale atteinte, Emax la production maximale d’énergie, e l’efficacité du geste et D la résistance de l’eau.

Le type de nage, la température de l’eau et le sexe modifient le coût énergétique de cet effort à vitesse constante. Pour illustration, le coût énergétique de la natation est environ quatre fois supérieur à celui de la course à pied pour une même distance. Grâce à leur pourcentage de masse grasse plus élevé et à sa distribution périphérique particulière, ce coût énergétique est plus faible de 30 % chez les femmes que chez les hommes. Ces spécificités qui diminuent les forces de portance améliorent la flottabilité des nageuses.

Bien que les données publiées soient un peu discordantes, on estime que le VO2 max atteint en nageant est inférieur de 8 à 10 % à celui obtenu sur vélo et de 15 à 20 % à celui obtenu sur tapis roulant. Les variations des données publiées s’expliquent plus par les capacités et/ou le niveau d’entraînement des nageurs testés qu’au sport lui-même.

La position allongée, en éliminant les effets de la pesanteur et de la pression hydrostatique, améliore le retour veineux vers le cœur, donc la précharge ventriculaire et au final le volume d’éjection systolique. Ainsi, par rapport aux autres sports aérobies terrestres, pour un débit cardiaque identique, le volume d’éjection systolique est supérieur et la fréquence cardiaque est plus basse en natation. La pression artérielle, en particulier du fait d’une vasoconstriction plus marquée, est proportionnellement plus élevée.

Enfin, chez les nageurs de haut niveau d’entraînement (adultes et enfants), les études échographiques rapportent une dilatation ventriculaire gauche plus nette sans hypertrophie pariétale plus marquée que chez les coureurs à pied de même niveau d’entraînement.

Natation et facteurs de risque cardiovasculaires

À ce jour, peu d’études ont été publiées sur la question de la natation et des facteurs de risque cardiovasculaires. Par ailleurs, les quelques études sur le sujet concernent peu de patients. Les résultats de l’effet de la natation sur les chiffres tensionnels de repos sont contradictoires. En bref, sont rapportées une augmentation des valeurs chez les normotendus et une diminution chez les hypertendus sans avoir de claires explications sur ces observations. La natation paraît moins efficace sur la perte de poids que les sports terrestres malgré un coût énergétique plus important. Il n’a pas été rapporté non plus de modification significative de la répartition de la masse corporelle. Seule une étude retrouve, après 12 mois d’entraînement, chez des femmes sédentaires âgées, une amélioration plus importante du poids corporel et de la distribution de la masse graisseuse.

Concernant les paramètres lipidiques, la natation comme n’importe quelle autre activité physique abaisse les valeurs du LDL-cholestérol et augmente celles du HDL-cholestérol, à la condition d’une activité régulière durable.

Risques cardiovasculaires de la natation

Chez les sujets sans pathologie cardiaque connue, la natation est classiquement taxée de chiffres importants de décès. Il semble pourtant que seulement 2 % de tous les décès des jeunes athlètes surviennent au cours de ce sport révélant alors une pathologie cardiaque sous-jacente. Des études plus récentes indiquent au contraire que les nageurs, comme la plupart des sportifs, présentent un risque de mortalité toutes causes confondues inférieur à celui des sédentaires. Le diagnostic de QT long, surtout de type 1, reste une contre-indication à la pratique de la natation. Qu’en est-il des “cardiaques” ? Peu d’études ont spécifiquement évalué les risques et les bienfaits de la natation sur ces sujets. En théorie, la baisse de la fréquence cardiaque liée à l’immersion devrait donner à des patients symptomatiques une sécurité accrue dans cette pratique. Ceci explique, pour une part sans doute, l’utilisation croissante de ce mode d’exercice en réadaptation cardiovasculaire. D’autres données soulignent le peu d’avantages, voire un effet néfaste, de ce type d’exercice par rapport aux efforts terrestres aérobies plus classiques.

Chez les coronariens, une étude a comparé les activités de natation, de vélo fixe et de tapis roulant. Le seuil ischémique semblait atteint plus tôt lors de la natation. D’un autre côté, la sensation retardée des symptômes et la survenue plus fréquente d’extrasystoles (indépendante de la température de l’eau de 22 à 32 °C) lors de la natation par rapport à un effort terrestre ont été rapportées dans plusieurs études. Chez l’animal, quelques études rapportent un effet plus positif de la natation sur le remodelage ventriculaire gauche après infarctus, sauf en cas de dégâts ventriculaires majeurs. Cependant, la différence observée paraît plus liée à la gravité et à la stabilité de la maladie coronarienne qu’à la pratique de la natation elle-même. Il faut retenir que la natation est bien tolérée chez les coronariens stables et qu’une surveillance rythmique est néanmoins recommandée lors des exercices en réhabilitation. Pour les patients insuffisants cardiaques, la natation présente classiquement un risque du fait des modifications physiologiques liées à l’immersion avec élévation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche. Mais là aussi les résultats publiés sont discordants. Pour certains, l’insuffisant cardiaque (fraction d’éjection moyenne = 44 %) ne tolère pas un programme de réhabilitation dans l’eau. Des données plus récentes rapportent une excellente tolérance de cette pratique avec un gain du VO2 max, une baisse des résistances vasculaires périphériques et une amélioration de l’index cardiaque. Enfin, des programmes de réentraînement sur 3 semaines dans des conditions optimales de température de l’eau ont démontré une amélioration significative de la fraction d’éjection et permettent actuellement de proposer ce type de rééducation aux patients insuffisants cardiaques de façon sécuritaire (2).

Conclusion

La natation est un sport simple praticable à tous les âges. Sa pratique en “apesanteur” explique son intérêt classique pour les patients atteints de maladies articulaires. Mais cette apesanteur explique aussi la limite de la natation pour prévenir l’ostéoporose. Sur le plan cardiovasculaire, la natation est un exercice aérobie permettant d’atteindre un VO2 max plus faible avec une fréquence cardiaque plus basse. Son efficacité sur l’équilibre des facteurs de risque est comparable à celle des sports terrestres. Enfin, son utilisation dans les programmes de réadaptation cardiaque (coronarien et insuffisant cardiaque) est de plus en plus fréquente sous réserve d’un contrôle de la température de l’eau et de la tolérance individuelle rythmique.

Bibliographie

  1. Lazar JM, Khanna N, Chesler R, Salciccioli L. Swimming and the heart. Int J Cardiol 2013 ; 168 :19-26.
  2. Teffaha D, Mourot L, Vernochet P et al. Relevance of water gymnastics in rehabilitation programs in patients with chronic heart failure or coronary artery disease with normal left ventricular function. J Card Fail 2011 ; 17 : 676-83.

Revues

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