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Congrès SFMES-SFTS – Conférence d’enseignement de la SFTS Le ligament croisé postérieur : que faire devant une laxité postérieure ?

Dr Romain Rousseau (Chirurgien orthopédique, IAL, Département Médical de l’Insep, Paris) - Dr Patrick Dijan (Chirurgien orthopédique, Département Médical de l’Insep, Paris)

21 septembre 2018

Les lésions du ligament croisé postérieur (LCP) sont plus rares que celles du ligament croisé antérieur. Pourtant, elles sont de plus en plus fréquentes, avec une prise en charge spécifique afin d’obtenir une reprise de l’activité physique dans les meilleures conditions.

Le ligament croisé postérieur

Le LCP est un ligament épais et large, vascularisé et peu isométrique. Ces qualités lui confèrent un potentiel de cicatrisation. Il est cependant difficile à reconstruire chirurgicalement.
Le LCP est tendu à 90 ° de flexion et se détend en extension. Le frein au tiroir postérieur en extension est donc assuré par d’autres structures anatomiques que le LCP, et il devient le frein principal au tiroir postérieur entre 30 ° et 120 ° de flexion. Le testing du LCP et la laxité postérieure se testent par conséquent sur un genou à 90 ° de flexion.

La rupture du LCP

Épidémiologie

Dans la littérature, les ruptures du LCP représentent 4 à 38 % des ruptures ligamentaires du genou selon les populations étudiées. Plusieurs mécanismes de rupture sont décrits ; le plus classique étant un mécanisme du tableau de bord par un choc direct sur la face antérieur du tibia, le genou fléchit à 90 ° de flexion.

Histoire naturelle

L’histoire naturelle d’une rupture isolée du LCP se divise en trois phases :
– la phase d’adaptation fonctionnelle, d’une durée de 3 à 18 mois et permettant de développer les compensateurs musculaires dynamiques,
– la phase de tolérance fonctionnelle, pouvant durer de 0 à plus de 15 ans, permettant une reprise de l’ensemble des activités physiques, y compris des sports pivots,
– la phase de l’arthrose symptomatique, dans un tiers des cas à plus de 15 ans.

Stade aigu

Une rupture du LCP au stade aigu doit être suspectée dans le cadre d’un traumatisme à haute énergie avec des lésions évocatrices prétibiales, à type de plaies ou d’excoriations cutanées, et une instabilité immédiate.

Stade chronique

Au stade chronique, plusieurs manifestations sont possibles : la plus classique est l’instabilité, d’autant plus qu’il existera des lésions ligamentaires périphériques associées. Une laxité postérieure chronique peut également se manifester par un syndrome fémoro-patellaire, compte tenu de l’hyperpression fémoro-patellaire liée à la laxité.
La laxité postérieure se recherche sur un genou à 90 ° de flexion et il ne faudra pas se faire piéger par une fausse laxité antérieure correspondant à un signe de Lachman arrêt dur retardé, correspondant en réalité à une réduction du tiroir postérieur sans aucune lésion du ligament croisé antérieur.

Devant une suspicion de rupture du LCP en aigu, il est indispensable d’éliminer formellement en urgence une atteinte neuro-vasculaire associée.

L’examen clinique devant une rupture du LCP

Un traumatisme évoquant une rupture du LCP doit conduire à un examen clinique permettant de répondre à quatre questions, dont les réponses orienteront les examens diagnostiques et la stratégie thérapeutique :
• Quelle est l’ancienneté de la lésion ?
• Quelle est la sévérité de la lésion ?
• Existe-t-il une atteinte ligamentaire combinée ?
• Existe-t-il des lésions associées ?

Ancienneté des lésions

L’ancienneté des lésions permet d’apprécier le potentiel de cicatrisation.
En pratique, un traumatisme de moins de 2 mois évoque une lésion aiguë. Un traumatisme datant de plus de 2 mois évoque une laxité chronique.

Sévérité des lésions

La sévérité de la lésion correspond à l’évaluation de l’importance de la laxité postérieure par l’examen physique et les clichés dynamiques. À l’examen, on recherche un avalement de la tubérosité tibiale antérieure à 90 ° de flexion, un tiroir postérieur que l’on peut sensibiliser en contractant les muscles ischiojambiers. Le grade de gravité est apprécié par le « step off » mesurant le recul du plateau tibial médial sous le condyle médial et caractérisé par 3 grades :
– grade 0, normal avec un condyle médial en arrière du plateau tibial médial de plus de 5 mm ;
– grade 1, le plateau tibial reste en avant du condyle, mais entre 0 et 5 mm ;
– grade 2, le plateau tibial passe en arrière, entre 5 et 10 mm ;
– grade 3, le plateau tibial médial est en arrière du condyle, de plus de 10 mm.
Une évaluation objective peut être réalisée par des clichés dynamiques comparatifs mesurant le tiroir postérieur.

Atteinte ligamentaire

Une atteinte ligamentaire isolée se recherche cliniquement par des manœuvres en varus et valgus forcés en extension et en déverrouillage comparatif. Le morphotype doit être évalué à cette étape en charge avec éventuellement un pangonogramme.
Une suspicion de laxité périphérique associée est évaluée objectivement par des clichés dynamiques radiographiques en varus et en valgus. À ce stade, il est possible de classer le type de laxité en :
– laxité postérieure directe (atteinte isolée du LCP),
– laxité postéro-postéro-latérale (atteinte du LCP et des structures ligamentaires latérales),
– laxité postéro-postéro-médiale (atteinte du LCP et des structures ligamentaires médiales).

Lésions associées

La recherche de lésions associées méniscales ou cartilagineuses se fait par une IRM.

Le traitement

Il existe plusieurs types de traitement :
Le traitement fonctionnel qui va « sacrifier » le potentiel de cicatrisation du LCP pour une récupération fonctionnelle plus rapide en impliquant les compensateurs dynamiques de la laxité.
Le traitement orthopédique va miser sur le potentiel de cicatrisation des tissus. Il s’agit de faire cicatriser les ligaments en position anatomique et sans détente ligamentaire. Le ligament collatéral médial et le LCP ont un fort potentiel de cicatrisation, contrairement au ligament croisé antérieur et au ligament collatéral latéral. Plusieurs protocoles sont décrits, mais une immobilisation stricte est nécessaire au début de la prise en charge avec un dispositif de compensation du tiroir postérieur spontané.
Le traitement chirurgical a pour principe de reconstruire l’ensemble des composantes de la laxité. Au stade chronique des ostéotomies de réaxation peuvent être nécessaires. Les lésions latérales reconstruites au stade aigu donnent de meilleurs résultats qu’au stade chronique. Il s’agit d’une chirurgie difficile avec une gestion des différentes greffes possibles. Le LCP peut être remplacé par des greffons au tendon quadricipital, ischiojambier, patellaire ou artificiel, voire des allogreffes dans les reconstructions multiligamentaires complexes.

Le choix thérapeutique se fait en fonction de la caractérisation précise des lésions et de leur gravité ainsi que du délai de prise en charge. L’algorithme suivant permet une synthèse sur la prise en charge (Fig. 1).

Figure 1 : Algorithme de la prise en charge thérapeutique d’une rupture du ligament croisé postérieur.

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