Impact ou impulsion : même combat
Dans la grande majorité des cas, les traumatismes crâniens fermés sont les conséquences d’un impact direct à la tête. Sous l’effet du coup, la tête est mise en mouvement et, par effet d’inertie, le cerveau à l’intérieur de la boîte crânienne également. Une atteinte cérébrale peut aussi apparaître sans impact direct à la tête, induite par les seuls mouvements inertiels de la tête et du cerveau (phénomène d’impulsion), consécutifs, par exemple, à un impact au niveau du tronc (coup du lapin ou whiplash). Dans ces deux mécanismes de chargement (impact ou impulsion), l’ensemble tête et cerveau subit des accélérations linéaires et angulaires. Le mouvement relatif du cerveau dans la boîte crânienne est de plus associé, lors d’un impact direct, à la propagation d’une onde mécanique. Sa diffusion dans les différents tissus cérébraux ainsi que les multiples réflexions de cette onde de choc au contact de la paroi osseuse (phénomène de contrecoup) rendent cependant complexe la compréhension de ces phénomènes pouvant mener à des lésions dans des régions du cerveau éloignées du lieu de l’impact.
Contraintes de pression et de cisaillement
D’un point de vue biomécanique, le tissu cérébral est alors soumis à deux types de contraintes mécaniques (Fig. 1).

Figure 1 – Les deux grands mécanismes lésionnels du cerveau : les accélérations linéaires générant des déformations volumiques du tissu cérébral et les accélérations angulaires associées à des phénomènes de cisaillement.
Les accélérations linéaires de l’ensemble tête et cerveau sont associées à des variations de volume générant des variations de pression locale. Les accélérations angulaires sont, quant à elles, associées à des glissements entre les différentes structures cérébrales générant des contraintes de cisaillement. Cependant, encore aujourd’hui, les valeurs limites lésionnelles de ces contraintes mécaniques sont difficilement identifiables expérimentalement. En 2009, Deck et Willinger ont proposé, par une étude numérique (1), des limites seuils de la contrainte de Von Mises (moyenne géométrique des contraintes de pression et de cisaillement) pour un risque d’apparition à 50 % de lésions neurologiques modérées et graves, respectivement de 28 kPa et de 53 kPa.
La dynamique du cerveau encore mal comprise
Bien que les accélérations linéaires et angulaires de la tête puissent être associées à des facteurs de risque d’apparition de blessures (critères lésionnels), leurs contributions relatives aux différents mécanismes lésionnels sont encore aujourd’hui mal comprises. Effectivement, la dynamique du cerveau (mouvements et déformations) lors d’un impact est encore mal connue. En termes de critères lésionnels, la courbe de tolérance proposée par la Wayne State University est considérée, encore aujourd’hui, comme l’étude de référence pour les lésions cérébrales (2-4) (Fig. 2).

Figure 2 – Wayne State University Tolerance Curve (WSUTC) (d’après [1,2,3]). Courbe limite pour l’occurrence d’une commotion cérébrale légère en fonction de l’amplitude et de la durée de l’accélération linéaire antéropostérieure de la tête.
Cette courbe relie l’accélération linéaire antéropostérieure de la tête et sa durée d’application à l’apparition de commotion cérébrale légère. Ces résultats, obtenus lors de différents essais sur cadavres, animaux ou encore volontaires, sont aujourd’hui complétés d’études réalisées sur des modèles et mannequins physiques, des modèles informatiques et l’analyse de cas cliniques.
Sébastien Laporte (Institut de biomécanique humaine Georges Charpak, école nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM), Paris)