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Lésions ligamentaires – Entorses et luxations du pouce

Entorses de l’articulation métacarpo-phalangienne

Les entorses de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce sont des lésions fréquentes. Contrairement aux idées reçues, seules 50 % sont liées à la pratique sportive. Parmi celles-ci, 75 % sont liées à la pratique du ski et 19 % à la pratique de sports de ballon (Tab. 1) (1). La pratique du snowboard n’a pas augmenté la fréquence de ces lésions (2), et la dragonne ne semble pas impliquée dans ces lésions. L’atteinte concerne le plus souvent le ligament latéral ulnaire (LLU). Néanmoins, les lésions du ligament latéral radial (LLR) ne sont pas rares (11 %).

Tableau 1 – Répartition des entorses de l’articulation métacarpo-phalangienne chez le sportif (d’après F. Moutet [1]).

Rappel anatomique

L’articulation métacarpo-phalangienne du pouce est une articulation condylienne à 2 degrés de liberté. En avant, la plaque palmaire inclut des sésamoïdes qui se déplacent avec elle.
Sa stabilité est assurée par les ligaments latéraux – radial et ulnaire – composés chacun d’un ligament principal, métacarpo-phalangien, et d’un ligament accessoire, métacarpo-phalangien ou métacarpo-glénoïdien. Le ligament principal est tendu en flexion et détendu en extension. Il est responsable de la stabilité latérale de l’articulation métacarpo-phalangienne en flexion. Le ligament accessoire, plus antérieur, est tendu en extension et détendu en flexion (Fig. 1). Il est responsable de la stabilité en flexion.
Le muscle adducteur du pouce s’insère sur le sésamoïde médial et la base de la phalange proximale, et son expansion sur le long extenseur du pouce.
Sur le versant radial, le court abducteur du pouce s’insère sur la base de la première phalange, et le faisceau profond du court fléchisseur du pouce sur la plaque palmaire et le sésamoïde latéral. Les expansions dorsales de ces muscles stabilisent l’appareil extenseur.

Figure 1 – Schéma de l’articulation métacarpo-phalangienne en flexion (a) et en extension (b). Le ligament principal est détendu en extension et tendu en flexion, et le ligament accessoire est tendu en extension et détendu en flexion.

Examen clinique

Le diagnostic d’entorse du pouce est clinique.
On peut retrouver un petit hématome nummulaire à la face dorsale de l’articulation interphalangienne du pouce, traduisant la migration de l’hémarthrose le long de l’extensor pollicis longus.
La palpation est douloureuse, généralement à la base de la première phalange en ulnaire, ou au niveau de la tête du premier métacarpien pour une lésion radiale.
L’examen doit être réalisé avec douceur, de façon bilatérale et comparative, en commençant par le côté sain, afin d’éliminer une laxité constitutionnelle chez un patient hyperlaxe.
La stabilité doit être testée en extension pour tester les ligaments latéraux accessoires, et à 30 degrés de flexion pour tester les ligaments principaux. Une importante laxité par rapport au côté controlatéral signe une entorse grave (Fig. 2).
Un “arrêt mou” avec absence de blocage est également un signe d’entorse.
Les ligaments latéraux radiaux et ulnaires doivent être testés. En effet, si les lésions externes sont moins fréquentes (11 %), il ne faut pas les négliger. On les retrouve essentiellement dans la pratique des sports de ballon, et notamment du volley-ball (55 %) et du football (21 %) (1).

Figure 2 – Laxité du ligament latéral ulnaire signant une entorse grave du pouce.

Imagerie

Les radiographies doivent être systématiques (articulation métacarpophalangienne de face et de profil).
Elles permettent d’identifier une fracture de la base de la première phalange ou un arrachement osseux (Fig. 3).
En l’absence de traitement, la force de traction exercée sur ce fragment osseux et la rétraction cicatricielle peuvent être à l’origine d’une pseudarthrose du fragment osseux et conduire à une laxité et/ou des douleurs.

Figure 3 – Arrachement osseux de la base de la première phalange.

Effet Stener

L’expansion de l’adducteur du pouce s’insère en distal sur l’extensor pollicis longus. En cas de rupture complète du ligament latéral ulnaire, celui-ci est désinséré de la phalange proximale, et l’extrémité distale du ligament passe au-dessus de l’expansion de l’adducteur (Fig. 4). L’interposition de l’expansion de l’adducteur empêche toute cicatrisation. Négligée, l’entorse grave conduit inéluctablement à une laxité chronique.
L’échographie peut mettre en évidence une lésion de Stener.

Figure 4 – Schéma d’un effet Stener : le ligament latéral ulnaire, rompu, passe au-dessus de l’expansion de l’adducteur, empêchant toute cicatrisation.

Traitement

Traitement orthopédique

Le traitement orthopédique consiste en une immobilisation stricte de l’articulation métacarpo-phalangienne, évitant toute sollicitation latérale, durant 4 à 6 semaines. Elle peut être réalisée en plâtre, résine ou orthèse thermomoulée (Fig. 5), et laisse les doigts longs, le poignet et l’articulation interphalangienne du pouce libres.

Figure 5 – Attelle thermomoulée pour entorse métacarpo-phalangienne du pouce.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical consiste à rétablir la stabilité de l’articulation. Il peut être réalisé en ambulatoire sous anesthésie locorégionale.
Dans les atteintes ulnaires, la lésion est le plus souvent distale ; elle est proximale pour les atteintes radiales. Les ruptures en plein corps sont plus rares et permettent une suture directe.
Lorsqu’il s’agit d’une fracture, si la taille du fragment le permet, une ostéosynthèse est réalisée. Lorsque le fragment est trop petit, celui-ci est réséqué et le ligament réinséré.
En cas d’avulsion, le ligament est également réinséré. La réinsertion se fait par suture au périoste. Une ancre peut être utile (Fig. 6).
Une immobilisation postopératoire stricte est mise en place pour 4 à 6 semaines.
Ensuite, une rééducation est parfois nécessaire.

Figure 6 – Vue peropératoire : mise en évidence du ligament collatéral ulnaire avulsé en distal.

Indications

Le traitement orthopédique est réservé aux entorses présentant une petite laxité avec un arrêt dur, témoignant d’une lésion incomplète, ou aux fractures de la base de la première phalange non déplacées (3).
En cas d’entorse grave, présentant une laxité pathologique franche avec un “arrêt mou”, d’un effet Stener identifié en échographie, ou d’un arrachement osseux déplacé, le traitement est chirurgical (4-7).
Les lésions du ligament latéral externe sont moins fréquentes et ne présentent pas de lésion de Stener. Néanmoins, en cas d’entorse grave avec déviation axiale et subluxation palmaire, le traitement est également chirurgical (8).
Non traitée, une entorse du pouce entraîne des douleurs et une instabilité chronique. L’histoire naturelle se fait vers l’apparition d’arthrose de l’articulation métacarpo-phalangienne (Fig. 7). Le traitement est chirurgical, mais avec des résultats moins bons que pour une prise en charge en aigu. En l’absence d’arthrose, la reconstruction du ligament est réalisée par ligamentoplastie à l’aide d’une greffe tendineuse ou d’un ligament synthétique.
Lorsque l’arthrose est déjà présente, on réalise une arthrodèse de l’articulation métacarpo-phalangienne.
En cas de doute sur une lésion initiale, il semble légitime de proposer un traitement chirurgical.

Figure 7 – Radiographie d’une entorse chronique du pouce. La déviation radiale ainsi que l’arthrose de l’articulation métacarpophalangienne sont les témoins de son instabilité.

Luxations de la première colonne

Luxation métacarpo-phalangienne

Les luxations dorsales sont les plus fréquentes. Elles ont été décrites par Farabeuf en 1876. Dans les luxations simples complètes (9), le pouce est douloureux et présente un aspect en Z, avec l’articulation métacarpophalangienne en hyperextension et l’articulation interphalangienne en flexion. La désinsertion de la plaque palmaire est proximale. Elle suit la première phalange, accompagnée des sésamoïdes. Le risque est l’incarcération de la plaque palmaire des sésamoïdes entre la tête du premier métacarpien et la base de la première phalange, les muscles thénariens passant de part et d’autre de la tête du premier métacarpien. La radiographie confirme le diagnostic et permet de rechercher une lésion osseuse associée.
La réduction est obtenue par la manoeuvre de Farabeuf pour prévenir l’incarcération des sésamoïdes : elle consiste à accentuer la déformation en hyperextension de l’articulation métacarpo-phalangienne, en exerçant une pression sur la base de la première phalange à sa face dorsale, de manière à pousser la plaque palmaire et les sésamoïdes en palmaire et à ramener la première phalange en flexion. Après réduction, la stabilité est testée en frontal, de même que les ligaments latéraux. Si l’on ne retrouve pas d’instabilité, une immobilisation de la première colonne est mise en place pour 6 semaines.
En cas de luxation irréductible, la plaque palmaire est incarcérée entre la tête du premier métacarpien et la base de la première phalange (Fig. 8). La réduction est effectuée à ciel ouvert au bloc opératoire.
Les luxations palmaires sont rares. Le pouce est désaxé avec une déformation en baïonnette.

Figure 8 – Schéma illustrant l’incarcération de la plaque palmaire dans les luxations irréductibles de l’articulation métacarpophalangienne du pouce.

Luxation trapézo-métacarpienne

Cette luxation est rare, même si elle est la plus fréquente des luxations carpométacarpiennes. Elle est le plus souvent dorso-radiale, parfois palmaire avec une lésion associée du ligament antérieur oblique (10).
Cette lésion est secondaire à un traumatisme, on la retrouve notamment chez les boxeurs.
L’articulation trapézo-métacarpienne est une articulation en “selle” biconcave : le trapèze est convexe en vue antério-postérieure et concave sur une vue latérale. Elle est stabilisée par quatre ligaments principaux : antérieur oblique, intermétacarpien, dorso-radial et ligament postérieur oblique (11).
Cliniquement, le patient présente un pouce raccourci et douloureux, avec une déformation en “dos de fourchette” de la base de la colonne du pouce, et une fermeture de la première commissure. La traction sur la colonne du pouce permet de percevoir une sensation de piston, ou crépitation. La radiographie met en évidence la luxation (Fig. 9). Elle recherche également un arrachement osseux ou une fracture de la base du premier métacarpien associé.
Le traitement est chirurgical mais la technique utilisée est encore controversée (12-14). Certains auteurs (15) préconisent une réduction par manoeuvre externe réalisée par traction et pression dans l’axe du pouce, et une stabilisation par broches en percutané. Une immobilisation postopératoire par gantelet est mise en place pour 6 semaines.
Certains auteurs (14, 16) rapportent néanmoins par cette technique une instabilité avec apparition précoce d’arthrose dans les suites. Ils préconisent une réduction à ciel ouvert, avec une réparation par réinsertion sur une ancre (17) ou une ligamentoplastie (18-21).
Négligées, les lésions trapézo-métacarpiennes conduisent à une arthrose douloureuse entraînant une impotence fonctionnelle (22).
Non ou mal traitées, l’ensemble des lésions trapézo-métacarpiennes ou métacarpo-phalangiennes compromettent l’opposition du pouce et la force pollici-digitale indispensable à la préhension (22).

Figure 9 – Radiographie mettant en évidence une luxation trapézo-métacarpienne.

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