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La commotion cérébrale en pratique sportive

Introduction

Le traumatisme cérébral est une pathologie connue depuis toujours, notamment par sa gravité dans les formes sévères. On en retrouve la trace dans les premiers textes antiques à orientation médicale. Dès le Xe siècle, le physicien perse Rhazès distingue la commotion du traumatisme cérébral plus sévère, notion reprise au XIIIe siècle par Lanfrancus, et dont la physiopathologie sera progressivement comprise à partir du XVIIIe siècle (1). La commotion cérébrale en pratique sportive est devenue en quelques années l’objet de toutes les attentions qu’elles soient scientifiques ou médiatiques. Longtemps ignoré et considéré comme totalement bénin, sauf peut-être dans le monde de la boxe, ce traumatisme cérébral est désormais au-devant de la scène dans le monde de la pratique sportive du fait de ses conséquences potentielles immédiates, à moyen et à long termes, pour une activité censée promouvoir avant tout le développement physique et le bien-être de ses pratiquants. Les bénéfices de l’activité physique et sportive sont aujourd’hui largement démontrés, mais qu’en est-il de ses risques et en particulier de la commotion cérébrale ? Si le traumatisme cérébral léger fait bien partie des risques de la vie en général, quelles en sont les conséquences pour une activité comportant un risque de le voir se répéter plusieurs fois ? Tel est l’enjeu auquel doit aujourd’hui faire face un grand nombre de fédérations sportives.

Définition

Le traumatisme cérébral léger

Les traumatismes cérébraux se divisent en trois groupes de gravité croissante (léger, modéré et sévère) selon la condition neurologique constatée par les premiers examens cliniques et quantifiée par le score de Glasgow, établi en 1974, de 15 à 3. Plus le score diminue et plus le niveau de vigilance est altéré. Cette échelle permet de juger de façon objective du niveau de conscience, avec une bonne faisabilité et reproductibilité si elle est utilisée par des évaluateurs entraînés à son utilisation. Elle est aussi utilisée comme facteur prédictif du risque de mortalité et de handicap à 6 mois (Fig. 1).

Le traumatisme cérébral léger auquel s’apparente la commotion cérébrale est défini par la constatation, au décours d’un traumatisme de l’extrémité céphalique, d’un des signes suivants :

  • altération de la conscience,
  • perte de connaissance brève,
  • amnésie post-traumatique inférieure à 24 heures,
  • tout signe neurologique transitoire ou un score de Glasgow entre 13 et 15.

La classification de Masters et McLean, décrite en 1987, stratifie les traumatismes cérébraux légers en 3 groupes, permettant d’orienter la prise en charge clinique et radiologique (Fig. 2).

La commotion cérébrale

La littérature scientifique rend souvent synonymes les termes de “commotion cérébrale” et de “traumatisme cérébral léger”. Celui de “commotion cérébrale” est le plus souvent utilisé en pratique sportive. De plus, le terme “léger” peut suggérer une connotation bénigne et par là même réductrice de cette pathologie. Cela peut conduire à une mésestimation de sa gravité, de ses conséquences et donc de sa prise en charge (2, 3).

Il n’existe pas, à ce jour, de consensus sur une définition unique de la commotion cérébrale. Lorsqu’elle a été décrite initialement, la définition de la commotion reposait uniquement sur la présence de la perte de connaissance et/ou de l’amnésie post-traumatique. Nous savons aujourd’hui que la perte de connaissance survient dans moins de 15 % des commotions cérébrales, et que l’amnésie post-traumatique est décrite dans moins de 30 % des cas (4-7).

Aujourd’hui, le diagnostic repose sur la présence d’un ou de plusieurs critères suivants (8, 9) :

  • la présence de symptômes (comme les céphalées, les vertiges, le ralentissement…),
  • une perte de connaissance,
  • une amnésie antérograde ou rétrograde,
  • une crise convulsive,
  • une crise tonique posturale,
  • des troubles de l’équilibre,
  • ainsi qu’une obnubilation ou une modification comportementale.

La Conférence internationale de consensus sur les commotions dans le sport, en 2012, définissait la commotion comme un « processus physio-pathologique complexe touchant le cerveau, induit par des forces biomécaniques, entraînant des changements neuropathologiques » (2). Revue en 2016 (10), la nouvelle définition établit que la commotion cérébrale en pratique sportive est un traumatisme cérébral induit par des forces biomécaniques pouvant associer les caractéristiques suivantes :

  • Le traumatisme transmet une force d’impulsion à l’encéphale par l’application d’un choc de façon directe ou indirecte à la tête (comme la face, le cou ou le reste du corps).
  • La commotion cérébrale se traduit typiquement par l’apparition soudaine d’une dysfonction cérébrale qui se résout spontanément. La dysfonction peut parfois se manifester de façon retardée dans les minutes ou les heures suivant le traumatisme.
  • La commotion est la traduction de désordres neuropathologiques, mais les signes et symptômes aigus sont largement plus le résultat d’un désordre fonctionnel que d’un désordre structurel expliquant la normalité des séquences d’imagerie conventionnelle (11).
  • La commotion cérébrale est responsable de symptômes et de signes cliniques sans que la perte de connaissance soit obligatoire. La régression des symptômes est habituellement rapidement progressive, mais peut se prolonger dans certains cas.
  • Enfin, la présence ou l’absence des symptômes et signes cliniques ne peuvent être expliquées par l’utilisation de médicaments, d’alcool ou de substances illicites, par d’autres blessures (comme les traumatismes cervicaux, les troubles vestibulaires périphériques…) ou par des comorbidités préexistantes (autres maladies, désordres neuropsychologiques ou psychiatriques…).

En pratique, le diagnostic repose principalement sur la présence de différents symptômes et signes cliniques neurologiques que nous décrirons dans la section diagnostic.

Biomécanique

La commotion cérébrale est la conséquence de la traversée du parenchyme cérébral par une onde d’énergie cinétique générée par l’impact, qu’il soit direct (associant à la force générée par l’impact la force d’impulsion déplaçant l’extrémité céphalique,) ou indirect (la force d’impulsion seule) (voir partie 2 “Biomécanique lésionnelle du cerveau”).

Physiopathologie

La physiopathologie du traumatisme cérébral a été étudiée principalement sur des modèles animaux, les modèles sur l’Homme n’étant pas possibles pour d’évidentes raisons éthiques. Néanmoins, certaines séquences IRM permettent d’approcher chez l’Homme les conséquences de la commotion à l’échelon cellulaire.

Chez l’animaL

L’application d’une force d’impulsion à l’extrémité céphalique entraîne une cascade métabolique particulière au niveau neuronal avec une hyperexcitabilité cellulaire liée à une dépolarisation cellulaire massive avec libération de potassium et de glutamate de la cellule vers l’espace interstitiel (Fig. 3 et 4).

Figure 3 – Cascade neurométabolique suivant une commotion cérébrale (40).

Figure 4 – Cascade neurométabolique suivant une commotion cérébrale à l’échelon cellulaire (41).

Le rétablissement de ce déséquilibre ionique nécessite une activation massive des pompes Na+/K+, utilisant de l’énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP). La demande énergétique cellulaire cérébrale est donc brusquement et fortement augmentée par ce processus, avec de surcroît une consommation importante de glutamate (11, 12). Le cerveau, par définition très pauvre en réserve et très consommateur, se voit de plus doublement pénalisé par une diminution de son débit sanguin régional qui est sa seule source d’approvisionnement. L’addition de ces phénomènes (déséquilibre perfusion/besoin énergétique cérébral) entraîne le cerveau dans une situation transitoire de quasi-faillite énergétique (11) qui mettra plusieurs jours à se rétablir.

Chez l’Homme

Chez l’Homme, la neuro-imagerie peut retrouver les stigmates indirects de la souffrance neuronale secondaire à une commotion cérébrale (11, 13, 14). Même si les imageries conventionnelles comme le scanner cérébral et l’IRM cérébrale sont normales, certaines séquences IRM réalisées le plus souvent dans le cadre de protocoles de recherche retrouvent des anomalies chez les sujets commotionnés. Les principales séquences utilisées dans ce cadre sont les séquences de diffusion, la spectroscopie et l’IRM fonctionnelle. En IRM de diffusion, on peut observer dans certaines régions cérébrales une diminution de la fraction d’anisotropie et un appauvrissement apparent de certains faisceaux de fibres de substance blanche en tractographie. Une méta-analyse de Aoki et al. décrit les lésions les plus importantes au niveau du corps calleux (15). La spectroscopie permet, quant à elle, de suivre les modifications du pic de N-acétylaspartate (NAA). Les études en IRM fonctionnelle objectivent des modifications du signal lors de tâches cognitives, prédominant sur les tâches concernant la mémoire de travail (16) et la mémoire épisodique (17) ainsi que des modifications dans l’organisation des réseaux analysés en IRM fonctionnelle de repos. (18, 19). Il faut noter néanmoins que les résultats sont inconstamment retrouvés dans les études, discordances expliquées par l’hétérogénéité d’un grand nombre de paramètres, par exemple les différences dans les techniques d’acquisition d’image ou le délai depuis la commotion. Ces éléments incitent à la prudence quant à l’emploi en routine de l’exploration par IRM de la commotion cérébrale.

Épidémiologie

Aux États-Unis, de 1,6 à 3,8 millions de commotions cérébrales surviennent chaque année (20, 21). On estime à 50 % la proportion des commotions qui ne sont pas recensées, n’ont pas recours au système de soins et ne font l’objet d’aucune prise en charge (11).

Au cours des 20 dernières années, en raison d’une meilleure connaissance des effets à long terme des commotions par une augmentation des publications scientifiques, ce pourcentage a diminué, probablement par une amélioration de la formation médicale, du dépistage et de la participation des sportifs eux-mêmes.

Les sports concernés sont les sports dits de “contact” ou de “collision” regroupant les arts martiaux, les sports de combat et quelques sports d’équipe comme le football américain et le rugby, ainsi que les sports de vitesse (ski, motocyclisme, équitation…), sans oublier un grand nombre de sports d’équipe (football, handball, basketball…) (22, 24). Au rugby par exemple, on estime l’incidence de survenue d’une commotion cérébrale à une moyenne de 10 commotions/ 1 000 joueurs-heure (25).

Dans toutes les études épidémiologiques, les femmes apparaissent plus touchées en proportion des hommes. Cette disparité peut peut-être s’expliquer par une meilleure déclaration des symptômes, ou encore par le fait que certaines règles sportives aient initialement été créées pour les hommes et soient donc moins adaptées aux femmes.

Diagnostic

La commotion cérébrale se traduit initialement par un syndrome commotionnel associant à des degrés divers des symptômes et des signes cliniques.

Le diagnostic de commotion cérébrale repose, en l’absence de signe pathognomonique, sur un faisceau d’arguments traduisant à des degrés divers le dysfonctionnement cérébral. Il se fait d’abord par l’évaluation des symptômes présentés, puis par les signes cliniques vus et enfin par la réalisation de tests physiques et cognitifs. C’est le principe d’une évaluation multimodale qui débute par l’histoire précise et détaillée de l’événement.

Symptômes

Les symptômes sont d’une grande variabilité, ce qui rend le diagnostic difficile. Mais celui-ci est indispensable devant l’importance des conséquences potentielles. Les symptômes sont répartis en quatre catégories (10, 11) :

  1. Somatiques : céphalées, vertiges, nausées, vomissements, troubles de l’équilibre et asthénie.
  2. Cognitifs : amnésie pré- et posttraumatique, difficultés de concentration, troubles mnésiques, sensation d’être ralenti, dans le brouillard, confusion, désorientation…
  3. Émotionnels : irritabilité, labilité émotionnelle, anxiété, humeur dépressive.
  4. Relatifs au sommeil : difficulté à l’endormissement, temps de sommeil raccourci ou augmenté par rapport à l’habitude, somnolence. Les symptômes les plus fréquents sont les céphalées, le vertige, le ralentissement psychomoteur, ainsi que l’asthénie. Bien que ces symptômes ne soient pas spécifiques, leur présence inhabituelle et non expliquée dans un contexte de traumatisme crânien est très en faveur du diagnostic de commotion cérébrale.

Signes cliniques

Certains signes cliniques observés permettent à eux seuls d’établir le diagnostic de commotion cérébrale dans le contexte de l’application d’une force d’impulsion à l’extrémité céphalique. Ils traduisent immédiatement le dysfonctionnement cérébral. Ce sont :

  • les convulsions,
  • la perte de connaissance,
  • la crise tonique posturale,
  • l’ataxie ou troubles de l’équilibre et de la coordination au moment de se relever, de rester debout puis de marcher,
  • l’expression stupéfiée avec les yeux hagards ou dans le vide,
  • les modifications comportementales,
  • les signes ophtalmologiques (comme un nystagmus par exemple).

Prise en charge immédiate

Lorsqu’une commotion cérébrale est suspectée (ou a fortiori évidente), c’est-à-dire que le sportif a subi un traumatisme susceptible d’entraîner une force d’impulsion à la tête et qu’il présente (ou non) un symptôme ou signe clinique évocateur d’une commotion cérébrale, ou encore qu’il existe un doute de l’encadrement (voire la crainte du sportif lui-même), le sportif doit immédiatement se retirer du jeu, du combat ou du terrain, dans l’objectif d’éviter d’autres blessures liées à l’altération de ses performances et surtout de se soustraire à tout nouveau risque de commotion cérébrale.

Cette règle est tout autant applicable pendant un combat ou un match que pendant un entraînement. La sortie du sportif doit se faire avec les précautions médicales d’usage : dans la mesure où il s’agit d’un traumatisme de l’ensemble tête-cou, le sportif doit être considéré comme systématiquement porteur d’une lésion cervicale jusqu’à preuve du contraire. Cette précaution est d’autant plus importante si la vigilance est altérée, toute manipulation intempestive du cou étant susceptible de faire courir un risque de lésion neurologique médullaire secondaire. Le sportif chez qui on suspecte une commotion cérébrale ne doit en aucun cas reprendre quelque activité sportive que ce soit le jour même.

Le joueur doit être évalué dès que possible par un professionnel de santé formé à la prise en charge des commotions cérébrales. L’examen est réalisé au mieux à l’aide de l’évaluation initiale du test SCAT5 développé par la conférence internationale de consensus sur les commotions dans le sport de 2016 (26) (Tab. 1).

Pour les enfants de 5 à 12 ans, il est recommandé d’utiliser le Child- SCAT5 (27). Le sportif doit ensuite être surveillé plusieurs heures afin de dépister une éventuelle aggravation neurologique secondaire.

Tests physiques et cognitifs

Dès que possible, une évaluation multimodale plus détaillée est recommandée, réalisée dans un endroit calme et chez un athlète au repos.

  • ÉTAPE 1 : détermination des caractéristiques et des antécédents de l’athlète (commotions antérieures, antécédents neurologiques personnels et familiaux).
  • ÉTAPE 2 : évaluation des symptômes sur leur présence et leur intensité sur une échelle de Likert de 1 à 6.
  • ÉTAPE 3 : évaluation cognitive testant l’orientation, la mémoire immédiate et de rappel (sur 5 ou 10 mots), la concentration (Empan envers) et l’équilibre (comportant une BESS [Balance Error Scoring System] sur le pied non dominant en bipodal, monopodal puis en tandem avec le pied non dominant à l’arrière). À cette évaluation cognitive sont associés un examen cervical, un examen de vision et une évaluation de la marche en tandem (norme inférieure à 14 secondes pour un aller-retour sur une ligne de 3 mètres). Cette évaluation peut permettre de confirmer la commotion cérébrale. Sa normalité le jour du match ne permet pas d’exclure le diagnostic. Le joueur doit en effet ensuite être réévalué à distance par un médecin, car il existe des formes évolutives où les symptômes peuvent n’apparaître que les heures voire les jours suivants, ou s’ajouter à ceux initialement rapportés.

Il faut répéter que l’évaluation par imagerie lors de la suspicion de commotion par les examens conventionnels (radiographie, scanner cérébral et IRM cérébrale) est normale. Ils ne sont pas indiqués lors de la suspicion de commotion sans signes de traumatisme cérébral modéré ou grave ni de complication.

Traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique de la commotion cérébrale. La priorité reste l’interruption immédiate de l’activité sportive dès la survenue de la commotion, sans reprise le jour même du fait du risque d’un certain nombre de conséquences en l’absence de prise en charge.

Conséquences

Conséquences à court terme

1. Altération des performances : l’athlète peut ne pas avoir conscience de l’altération de ses performances. Allant du simple allongement du temps de réaction motrice au syndrome de l’automate (capacité d’exécuter des gestes techniques appris et même sur-appris à l’entraînement [conservation de la mémoire procédurale] sans aucune capacité à retenir les faits), l’altération peut être plus ou moins importante. Le résultat est un athlète aux performances très moyennes, sans prise d’initiative et qui ne se souviendra pas de ce qu’il aura fait. Il peut également ne plus pouvoir se souvenir pendant quelques heures de pans entiers de son histoire personnelle (processus de rappel mnésique momentanément non fonctionnel).
2. Risque de survenue de nouvelles blessures du fait de l’altération de ses performances.
3. Risque de survenue d’une nouvelle commotion dans un temps rapproché : c’est ce qui est appelé syndrome du deuxième impact, entité très rare et controversée, dont la physiopathologie est mal comprise, mais dont les conséquences neurologiques peuvent être majeures (séquelles neurologiques graves, voire décès). Il faut toutefois rappeler que les activités sportives comportant des risques de collision peuvent donner lieu à des traumatismes cérébraux plus graves d’emblée (pour tous les traumatismes cérébraux légers, il existe un risque de lésions hémorragiques pouvant demander le recours à la réanimation et à la neurochirurgie). Ces événements graves sont heureusement très rares.

Conséquences à moyen terme

1. Développement d’un syndrome post-commotionnel : selon les différentes classifications des maladies (CIM-10, DCM), on ne peut parler de syndrome post-commotionnel que lorsque le patient présente au moins trois symptômes évocateurs persistant au minimum au-delà de 1 mois après la survenue de l’événement initial (avant 1 mois, on ne peut parler que de syndrome commotionnel qui se résout habituellement dans les 10 jours et qui est appelé syndrome commotionnel persistant s’il persiste entre 10 jours et 1 mois). D’abord appelé syndrome subjectif des traumatisés crâniens, le syndrome post-commotionnel a une physiopathologie mal comprise et reste une entité controversée pouvant rejoindre le syndrome d’état de stress posttraumatique (28).
2. Développement d’une sensibilité accrue aux impacts : certains athlètes développent une sensibilité particulière aux impacts (réapparition de symptômes au moindre contact) dont la physiopathologie est inconnue. Il n’est pas exclu que ce tableau fasse partie du syndrome post-commotionnel.

Conséquences à long terme

La littérature reste très controversée quant aux possibles conséquences à long terme comme le déclin cognitif, la dépression et l’encéphalopathie post-traumatique et leur lien avec la survenue et la répétition des commotions cérébrales (voir partie 3 “Complications retardées des commotions”) (10).

Repos physique et cognitif

Il existe un large consensus pour la prescription d’un repos physique et cognitif après une commotion cérébrale jusqu’à la disparition des symptômes présentés par l’athlète. La durée minimum de repos habituellement retenue est de 24 à 48 heures (29, 30). Cette période de repos est proposée dans l’objectif de minimiser autant que faire se peut les complications. Il est recommandé de ne pas laisser le sportif seul, de s’assurer qu’il soit accompagné pour son retour à domicile puis surveillé de façon attentive par son entourage pendant 24 heures pour dépister les complications, avec la présence permanente d’une personne à ses côtés, y compris la nuit. Il est également recommandé à l’athlète une absence d’activité physique intense, de ne pas subir de stimulations intellectuelles (téléphone portable, travail sur ordinateur…), d’éviter la consommation d’alcool ou de médicaments tels que les somnifères, morphiniques, dérivés codéinés, anti-inflammatoires ou aspirine pendant cette période, et de ne pas conduire pendant 24 heures.

Ces consignes sont données au sportif et à son entourage : en cas de changement de comportement, d’apparition de nouveaux signes cliniques ou de somnolence, il doit immédiatement consulter au service des urgences, pour bénéficier d’une réévaluation médicale. Après la phase initiale de repos, la reprise d’activité est fortement encouragée. Elle doit être menée de façon progressive, par paliers de 24 h minimum, en s’assurant de l’absence de reprise des symptômes à la fin de chaque palier (Tab. 2) (10, 31, 32).

Pour les enfants (moins de 18 ans), il est recommandé de ne démarrer le protocole de reprise du sport par paliers que si le retour aux activités scolaires s’est passé sans difficulté (10).

Reprise progressive des activités

La Conférence internationale de consensus sur les commotions cérébrales dans le sport réactualisée en 2016 préconise une reprise du sport en 6 paliers successifs et progressifs de 24 heures chacun minimum (10). Le joueur peut augmenter de palier s’il est asymptomatique. Lors de l’apparition ou du renforcement d’un symptôme, le joueur doit repasser au palier précédent (Tab. 2).

Si les paliers sont chacun de 24 heures, le retour à une activité sportive et donc à l’exposition au risque de contact ne peut donc se faire avant le 6e jour (J6) suivant le jour de l’événement (J0). Ce délai de reprise doit bien sûr être pondéré (donc allongé) en fonction de l’âge, du type d’exercice sportif (amateur ou professionnel), des antécédents personnels, en particulier du nombre de commotions antérieures.

Médicaments

Un traitement peut être proposé pour les symptômes invalidants (troubles du sommeil, anxiété, céphalées…). Mais, lors de l’évaluation de reprise, il est nécessaire d’évaluer l’absence de symptômes en l’absence de traitement (33).

Mesures préventives

Les équipements de protection comme les protège-dents ou les casques de protection n’ont pas scientifiquement démontré d’efficacité dans la prévention de survenue de la commotion cérébrale. Toutefois, ils permettent une protection contre les lésions du massif facial et dentaire (avec les protège-dents par exemple). Les casques ont un effet protecteur sur les lésions du scalp et sur les fractures du crâne, montré notamment dans les sports alpins, l’équitation ou le cyclisme. Il peut être intéressant de surveiller l’apparition du risque paradoxal de sensation de sécurité véhiculée par le casque. En effet, le joueur peut changer son comportement de jeu, en prenant plus de risques, car il se sent protégé par son matériel, et augmenter son risque de commotion.

Le changement des règles et leur adaptation pour diminuer l’incidence et la sévérité des commotions sont probablement les facteurs de prévention les plus efficaces. La suppression du Body checking chez les enfants au Hockey sur glace a par exemple drastiquement diminué le nombre de commotions cérébrales à cet âge. De même, au football (soccer), il a été montré que 50 % des commotions survenant lors d’un jeu utilisant la tête apparaissaient par un contact avec le membre supérieur. La règle stipule désormais l’interdiction du contact ballon-membre supérieur. La prévention par la modification des règles de jeu peut aussi se faire en permettant une évaluation médicale nécessaire, sans conséquence sur la poursuite du jeu (remplacement, temps dédié…). Dans ce contexte, les arbitres ont un rôle crucial (34).

L’arbitre a aussi pour rôle de veiller au maintien du fair-play et du respect de tous les athlètes, tout en conservant le cours du jeu et la compétitivité entre eux, sans violence inappropriée.

Un dernier axe de prévention passe par l’éducation thérapeutique et la diffusion des informations concernant les commotions au niveau des joueurs, des encadrants et du public.

Évolution

L’évolution se fait le plus souvent vers une régression totale des symptômes qui constituent le syndrome commotionnel en 7 à 10 jours chez l’adulte, de façon plus prolongée chez l’enfant (7, 11, 22). Lorsque les symptômes persistent plus de 10 jours chez l’adulte et plus de 4 semaines chez l’enfant, on parle de syndrome commotionnel persistant (2).

Il est important de préciser que ces délais cliniques sont liés aux symptômes alors qu’un déficit des performances neuropsychologiques peut persister après l’arrêt des symptômes (7, 35, 36). Il faut donc souligner l’importance d’une évaluation neurologique même si l’athlète se déclare “normal”.

Certaines formes de commotion se déclarent quelques heures ou jours après l’événement initial. Ce sont les formes évolutives qui demandent, d’une part, de répéter les évaluations neurologiques au moins jusqu’à 48 h après l’événement pour permettre d’en faire le diagnostic et, d’autre part, de s’abstenir d’exclure le diagnostic le jour même de l’événement traumatique sous prétexte que l’évaluation initiale est normale. Les troubles cognitifs peuvent être exacerbés par un certain nombre de facteurs modifiants (Tab. 3) et peuvent être améliorés par la répétition des tests, ce qui constitue la raison de la promotion de la réhabilitation précoce.

Toutefois, la seule amélioration des tests peut être due aussi à un effet d’apprentissage (11, 37-39).

Enfin, il faut à nouveau rappeler qu’on ne parle de syndrome post-commotionnel que lorsqu’au moins 3 symptômes persistent au-delà d’un mois chez l’adulte. Et cette évolution défavorable partage, comme nous l’avons souligné plus haut, un certain nombre de caractéristiques avec l’état de stress post-traumatique.

Conclusion

L’information et la formation de tous les acteurs du sport à la prise en charge de la commotion cérébrale est indispensable pour que cette blessure cérébrale “invisible” soit prise au sérieux et ses conséquences prévenues. Il est en effet important de la reconnaître immédiatement pour appliquer la seule règle simple qui prévaut, à savoir l’exclusion immédiate (et pour quelques jours au minimum) de toute activité sportive afin d’éviter de nouvelles blessures et de soustraire par précaution l’athlète au risque de survenue d’une nouvelle commotion. Le diagnostic n’est pas toujours aisé, mais le principe de précaution s’impose. La règle doit donc s’appliquer à toute suspicion de commotion cérébrale, même en l’absence de certitude immédiate. Nos connaissances encore parcellaires sur l’évolution immédiate des désordres cérébraux liés à la commotion, difficilement évaluable à l’échelle individuelle, requièrent l’application de principes basés sur un repos initial tant que les symptômes persistent (au minimum de 24 h) suivi d’une reprise progressive de l’activité physique, par paliers, permettant de s’assurer de la tolérance de l’individu à la demande progressivement croissante d’une charge physique et cognitive. Enfin, la particularité du traumatisme cérébral léger ou commotion cérébrale en pratique sportive est son risque de répétition. Même si les conséquences de la répétition des commotions cérébrales ne sont pas bien connues et si le lien de causalité n’est pas clairement démontré sur le plan scientifique entre répétition des commotions cérébrales et troubles neurologiques à long terme, la prudence et la vigilance s’imposent là encore.

Pr Philippe Decq (Faculté de médecine René Diderot Paris 7 ; service de neurochirurgie, hôpital Beaujon, APHP / Institut de biomécanique humaine Georges Charpak, Arts et Métiers ParisTech)

Dr Charlotte Gil, Dr Yohan Caudron (Faculté de médecine René Diderot Paris 7 ; service de neurochirurgie, hôpital Beaujon, APHP)

Dr Thierry Faillot (Institut de biomécanique humaine Georges Charpak, Arts et Métiers ParisTech)

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