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Partie 2 – Arthroscopie de la hanche chez le sportif

Ces dernières années on a pu observer un intérêt croissant pour la hanche en pathologie du sport. Cela tient aux progrès diagnostiques favorisés par l’imagerie moderne et au démembrement récent d’arthropathies mécaniques telles que les conflits fémoro-acétabulaires.

La prise en charge chirurgicale classique de ces arthropathies a progressivement évolué vers des techniques moins invasives, la forme optimale étant représentée par l’arthroscopie de la hanche. Dès lors, cette technique a vu, comme pour d’autres articulations, s’étendre le champ de ses indications. Elle autorise aussi la réalisation de gestes extra-capsulaires en périphérie de l’articulation, ou plus à distance, par l’intermédiaire des bourses séreuses comme pour les tendinopathies. On parlera ici plus volontiers de bursoscopie.

 

A – Technique et anatomie arthroscopique

L’arthroscopie permet la visualisation et l’intervention sur les structures intracapsulaires d’une articulation via un optique de quelques millimètres de diamètre relié à une caméra. Les orifices cutanés sont ponctiformes et la musculature périarticulaire est préservée. L’arthroscopie de la hanche demeure une procédure opératoire particulièrement exigeante en raison de la situation anatomique profonde de l’articulation, de l’épaisseur de sa capsule et de ses rapports avec les structures vasculo-nerveuses de voisinage. On décrit classiquement deux compartiments articulaires distincts en anatomie arthroscopique de la hanche (Fig. 1).

Figure 1 – Les 2 compartiments de la hanche : le périphérique (CP) et central (CC). La capsule articulaire (C).

Le compartiment périphérique correspond à la chambre capsulaire externe aux surfaces articulaires. Son accès direct ne nécessite pas de distraction de l’articulation (1). L’espace de travail se situe au niveau de la jonction tête-col fémoral, le labrum est visible uniquement par sa face externe (Fig. 2).

Figure 2 – Vue arthroscopique du compartiment périphérique. Le crochet palpateur soulève le labrum (L). La synoviale tapisse la capsule (C). La tête fémorale (TF) est couverte de cartilage.

L’arthroscopie de ce compartiment permet l’évacuation d’ostéochondromes, la réalisation de synovectomie et d’ostéoplastie fémorale. Le compartiment central représente l’espace normalement virtuel entre les surfaces articulaires semilunaires de l’acétabulum et la tête fémorale. Son accès impose une distraction articulaire dédiée à différents types d’appareillages externes. La traction forte exercée sur le membre inférieur est potentiellement source de complications neurologiques. Son intensité et sa durée doivent donc être limitées (2). Dans le compartiment central on effectue principalement le bilan et le traitement des lésions cartilagineuses et labrales. On peut également réaliser une ostéoplastie du rebord osseux acétabulaire (acétabuloplastie), accéder à l’arrière-fond acétabulaire et au ligament de la tête fémorale (ligament rond) (Fig. 3).

Figure 3 – Vue arthroscopique du compartiment central. Corne antérieure de l’acétabulum couverte de cartilage (CA). La face ventrale du labrum (L) en dehors. L’origine fémorale du ligament rond (LR) en dedans.

L’endoscopie extra-articulaire vise à intervenir principalement sur les unités tendino-musculaires. Elle s’effectuera à des travers des bourses séreuses ou des espaces sous-musculaires dilatés par l’instillation de sérum stérile sous pression.

B – Hanche articulaire

Conflit fémoro-acétabulaire

Le conflit de hanche correspond à des microtraumatismes répétés lors de certains mouvements entre l’épiphyse fémorale supérieure du fémur et l’acétabulum. Il est favorisé par des anomalies morphologiques (3) qui entraînent une diminution anormale du débattement articulaire. Il en résulte des lésions cartilagineuses et labrales dont l’extension fera le lit de l’arthrose (4).

Traitements et indications

L’objectif du traitement du conflit est d’une part d’atténuer ou supprimer la symptomatologie et d’autre part de ralentir, voire de stopper le processus arthrosique débutant.

Le traitement médical

Rarement efficace, il est tenté en première intention de principe. Il associe classiquement les médications antalgiques, anti-inflammatoires et le repos sportif. Les infiltrations peuvent être efficaces temporairement ou en traitement d’appoint.

La course à pied peut être reprise très progressivement 3 à 4 mois après la chirurgie.

Le traitement chirurgical

Ses modalités reposent sur la correction des anomalies osseuses qui génèrent le conflit et sur le traitement des lésions articulaires qui en découlent. Les résections osseuses sont limitées : on parle d’ostéoplastie de remodelage. Lorsque le labrum présente une déchirure complexe d’allure dégénérative il est effectué une résection partielle correspondant à la zone lésée. Lorsqu’il s’agit d’une désinsertion murale avec trophicité conservée, le labrum peut être réinséré (Fig. 4a et 4b). Les clapets cartilagineux instables sont excisés et l’os sous-chondral laissé à nu est avivé et traité par de multiples perforations (micro-fractures) pour obtenir une cicatrice fibro-cartilagineuse. Les greffes de cartilage ou les matrices d’interpositions sont indiquées en cas de perte de substance étendue mais sont encore en phase d’évaluation.

Figure 4 – A : désinsertion du labrum (L) du rebord acétabulaire. Cartilage acétabulaire (CA). B : réparation du labrum avec fils de suture fixés sur des ancres intraosseuses.

Le traitement chirurgical conservateur de référence s’effectue par abord direct après luxation chirurgicale, ce qui implique une section puis une refixation du grand trochanter. Les résultats publiés sont bons dans les formes pré-arthrosiques alors qu’ils sont inconstants voire décevants lorsque que l’arthrose progresse (5). Certaines équipes ont proposé des techniques chirurgicales reprenant les mêmes bases mais avec des voies d’abord mini-invasives (6). La dernière étape a été franchie grâce au développement du traitement tout arthroscopique du conflit. Ses résultats à court terme sont superposables à ceux du traitement chirurgical de référence tout en diminuant l’agression chirurgicale (7).

L’indication du traitement chirurgical quelle que soit la technique utilisée repose essentiellement sur l’impact de la symptomatologie, sur la qualité de vie et sur les performances sportives du patient. Lorsque l’arthrose observée est déjà avancée, notamment s’il existe un pincement de l’interligne articulaire, les résultats sont souvent décevants. Le calendrier de reprise sportive est difficile à standardiser dans cette pathologie articulaire qui touche le cartilage. Il va dépendre de l’étendue des lésions et des traitements associés (suture du labrum, micro-fractures…). En moyenne les activités dans l’axe et en décharge (vélo, natation) peuvent être débutées à partir de la sixième semaine post-opératoire.La course à pied très progressivement entre le 3e et 4e mois. En cas de réinsertion du labrum, les sports de pivot sont déconseillés avant le sixième mois post-opératoire.

Le traitement tout arthroscopique du conflit tend actuellement à s’imposer devant les autres techniques chirurgicales plus invasives. En témoigne le nombre croissant d’équipes à l’adopter. Cette technique demeure exigeante et implique une courbe d’apprentissage qui s’effectuera de manière sécurisée au sein d’unités spécialisées.

Dysplasie de hanche

Il faut toujours y songer devant une hanche douloureuse du sujet jeune. Comme dans le conflit, une anomalie architecturale est à l’origine des lésions articulaires, labrales et cartilagineuses. A sa différence il s’agit ici d’un défaut congénital de couverture antérieure et externe de l’acétabulum associé ou non à une coxa valga. Des contraintes excessives s’exercent sur le cartilage du rebord cotyloïdien insuffisamment couvrant et sur un labrum hyperplasique. La population est majoritairement féminine et les douleurs apparaîtront plus ou moins précocement selon le profil sportif ou le niveau d’activité.

On privilégiera le traitement chirurgical conservateur d’autant plus que le patient est jeune (8). La dysplasie acétabulaire isolée est la plus fréquemment rencontrée. Elle sera généralement traitée par un apport d’os là où il fait défaut : c’est la butée ostéoplastique. Dans les dysplasies sévères il pourra être préféré une ostéotomie du bassin qui demeure une chirurgie plus lourde.

L’arthroscopie a une place plus limitée dans le traitement des hanches dysplasiques (9). On la réserve plus volontiers aux patients de plus de 40 ans, porteurs d’une dysplasie frustre avec des signes d’arthrose débutants mais pour qui la solution prothétique apparaît prématurée. Il est alors le plus souvent effectué un simple “nettoyage” articulaire (débridement) avec ablation des lésions instables cartilagineuses ou des formations ostéochondrales secondaires. Le labrum pourra être refixé ou prudemment et partiellement excisé. Ce temps arthroscopique peut, dans certains cas, précéder un geste osseux correcteur de la dysplasie.

Traumatisme

En dehors des fractures de l’acétabulum, les macrotraumatismes de la hanche du sportif sont essentiellement représentés par les luxations, les impactions et les hyperflexions.

Les luxations de hanche

Elles sont rares car cette articulation congruente est particulièrement stable. Elles se produisent suite à des traumatismes à hautes énergies combinées à des mouvements d’amplitudes extrêmes (judo, motocross…). Elles occasionnent des déchirures du labrum et du ligament rond et s’accompagnent de fréquentes lésions ostéochondrales. La réduction s’effectue en urgence et sous anesthésie générale. Le bilan radiologique postréductionnel recherche une fracture associée ou des fragments ostéochondraux intra-articulaires. En leur abscence, le traitement sera conservateur avec décharge et mobilisation a minima pour favoriser la cicatrisation des parties molles. Des douleurs secondaires différées après un intervalle libre pourront faire craindre une ostéonécrose ou une arthrose post-traumatique. L’altération cartilagineuse peut être rapidement symptomatique. Il en est de même pour un labrum non cicatrisé ou un conflit intra-articulaire sur cicatrice hypertrophique du ligament rond. L’arthroscopie est dans ce cas une bonne indication pour le traitement de ces lésions.

Les hyperflexions

Telles que les grands écarts involontaires (skate board et autres sports de glisse), elles favorisent les déchirures du labrum qui là aussi seront accessibles à un traitement arthroscopique.

Les impactions

Elles découlent de chute sur sol dur avec réception sur le grand trochanter (hand-ball). Ici les lésions sont essentiellement cartilagineuses et posent le problème de leurs traitements. Le potentiel arthrogène de ces lésions est corrélé à leurs étendues.

Instabilité

C’est une pathologie encore mal connue au niveau de la hanche. Elle peut être favorisée par une hyperlaxité constitutionnelle ou par une déformation plastique occasionnée par certaines activités sportives telles que la danse. Les patients peuvent se plaindre de phénomène de ressauts ou de pseudo-déboîtements qui s’apparentent à des subluxations.

Le diagnostic est clinique lorsque l’on reproduit la symptomatologie à l’examen. Il peut être réalisé un testing sous radioscopie qui montrera une décoaptation anormale par simple traction dans l’axe du membre. Il a été récemment proposé le traitement de ces instabilités par réduction du volume capsulaire à l’aide de plicature ou de rétraction thermique sous arthroscopie (10).

C – Hanche abarticulaire et pathologie régionale

Les tendino-bursopathies trochantériennes

Cette entité regroupe les tendinopathies du petit et moyen glutéal et les bursites trochantériennes. Le diagnostic est essentiellement clinique (11).

Cette pathologie touche rarement les jeunes sportifs. La population exposée est essentiellement féminine à partir de la 5e décennie.

Le traitement de première intention est toujours conservateur et associe repos, AINS et si nécessaire des infiltrations.

Le traitement chirurgical pourra être proposé après échec d’un traitement médical bien conduit. Dans une tendinobursite non rompue, une bursectomie peut être effectuée sous endoscopie. Il peut y être associé l’évacuation de calcifications (Fig. 5 a et 5b). La réparation endoscopique des ruptures tendino-musculaires est en phase d’évaluation.

Figure 5 – A : accès au tendon du moyen glutéal (MG) après section du tractus ilio-tibial (TIT) et excision partielle de la bourse trochantérienne (BT). Repérage d’une calcification à la jonction tendino-musculaire à l’aide d’une aiguille. B : évacuation de la calcification à la curette.

Lésions myotendineuses traumatiques

Les lésions d’unités tendino-musculaires situées en avant de la hanche sont celles qui miment le mieux les douleurs articulaires. Le muscle droit fémoral est le plus fréquemment concerné. Il s’agit de douleurs inguinales survenant le plus souvent brutalement lors d’un effort sportif. Le football est l’activité la plus favorisante, le traumatisme se produisant électivement lors du shoot.

Chez l’adulte ce sont les lésions à la jonction myotendineuse proximale qui produisent ces tableaux. Chez l’enfant et l’adolescent il s’agit le plus souvent d’une lésion par traction du noyau d’ossification de l’épine iliaque antéro-inférieure qui correspond à la zone d’insertion du tendon direct. Il peut aussi se produire un arrachement au niveau de l’insertion supraacétabulaire du tendon réfléchi.

Certains de ces arrachements vont produire des ossifications secondaires en forme d’éperon osseux, au-dessus et en avant de l’articulation (Fig. 6). Ces ossifications peuvent être source de conflit secondaire avec la hanche. En cas de gêne persistante il peut en être effectué l’émondage endoscopique. La traction du tendon peut aussi avoir entraîné, par ses connections capsulaires, une désinsertion du labrum. Les douleurs inguinales ne sont pas donc pas toujours seulement le fait de l’ossification extraarticulaire et un contrôle de la hanche par imagerie secondaire avec produit de contraste (arthro-scanner/IRM) est conseillé. Le labrum s’il est déchiré, sera volontiers suturé sous arthroscopie.

Figure 6 – Séquelle d’arrachement du tendon droit fémoral.

Ressauts de hanche

Il s’agit d’une manifestation fréquente ayant le plus souvent débuté dans l’enfance. Elle est le plus souvent indolore.

Le ressaut externe

Il correspond au balayage d’une zone postérieure épaissie du tractus iliotibial (TIT) sur le relief externe du grand trochanter. Rares sont les cas qui nécessitent un traitement. Il faut éliminer les formes psychologiques assimilables à un tic, plus fréquentes à l’adolescence, comme les luxations provoquées de l’épaule. Le traitement rééducatif comprend massages et étirement. Des infiltrations pourront être effectuées. Le traitement chirurgical est exceptionnellement nécessaire. Il comprend des plasties de fixations et/ou une résection partielle du TIT. Cette dernière peut être effectuée sous bursoscopie.

Le ressaut antérieur

Il est également fréquent et le plus souvent asymptomatique, il correspond au balayage du tendon du muscle ilopsoas sur l’éminence ilio-pectinée. Les formes douloureuses sont très rares sur hanches natives. On observe plus fréquemment des conflits entre le psoas et une cupule acétabulaire débordant antérieurement sur une prothèse totale de hanche. Une infiltration test à la xylocaïne suivie d’une injection radioguidée de dérivés cortisonés dans la bourse ilio-pectinée peut être proposée. Le principe du traitement chirugical repose sur la ténotomie du psoas et là encore on privilégiera la technique endoscopique en raison de sa simplicité et son innocuité (Fig. 7a et 7b). La force en flexion n’est que peu altérée par ce geste et transitoirement.

Figure 7 – A : section du tendon du psoas (TP) dans la bourse du psoas (BP) à l’aide d’une sonde d’électrocoagulation (SE) au raz du petit trochanter (PT). B : rétraction du tendon de 1 à 2 cm créant un phénomène d’allongement. Récupération fonctionnelle en quelques semaines.

D – Conclusion

La pathologie de la hanche chez le sportif est de mieux en mieux appréhendée. Si les microtraumatismes répétés entraînent le plus souvent des lésions articulaires, la périphérie de l’articulation ne doit pas être oubliée. Il faut également garder en tête les diagnostics différentiels articulaires (nécrose, tumeur ou pathologie synoviale) ou périphériques tels que les pubalgies ou syndromes canalaires. Les progrès techniques de l’arthroscopie et de l’endoscopie extra-articulaire offrent des possibilités thérapeutiques particulièrement adaptées à cette région anatomique.

Dr Jean-Emmanuel Gédouin

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