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Partie 3 – Traitement du conflit fémoro-acétabulaire : résultats de 100 hanches opérées par mini-abord vidéo-assisté

Le conflit fémoro-acétabulaire a été décrit en 1990, par Reynold Ganz, comme la répétition d’un microtraumatisme anormal entre la paroi antérieure du cotyle et le col fémoral. Le conflit a été identifié comme une cause fréquente de douleur chez le jeune adulte, particulièrement chez le sportif, constituant ainsi une cause de coxarthrose (1). Le principe du traitement décrit par Ganz consistait à traiter les lésions labrales et cartilagineuses et à corriger les anomalies morphologiques mineures de la hanche : plastie du col fémoral à sa jonction avec la tête, plastie de la paroi antérieure hyperplasique (2, 3). La technique décrite par Ganz comprenait une luxation chirurgicale de la hanche, geste invasif, nécessitant une rééducation prolongée et une reprise d’appui tardive. Dès 1999, nous avons commencé à utiliser une approche mini-invasive respectueuse de la musculature complétée par des gestes arthroscopiques permettant ainsi de réaliser une exploration complète de la coxofémorale et de traiter les lésions de conflit tout en permettant une récupération fonctionnelle beaucoup plus rapide.

A – Matériel et méthode

Nous avons revu rétrospectivement 97 patients (100 hanches), traités pour douleurs coxo-fémorales dans le cadre de conflit fémoro-acétabulaire de 1999 à 2004. La série était composée de 50 hommes et 47 femmes d’âge moyen 33 ans (de 16 à 56 ans). Tous les patients inclus avaient un test du conflit positif (douleurs déclenchées à la flexion, adduction et rotation interne). 5 patients avaient été opérés préalablement : une fracture du col fémoral, une lésion trau-matique de la tête fémorale, une résection labrale, un brochage d’épiphysiolyse, et une chirurgie conservatrice pour conflit de hanche. Tous les patients avaient été explorés par arthroscanner ou arthro-IRM pour analyser l’état du cartilage et du labrum. 32 patients présentaient une coxarthrose (30 patients grade I de Tönnis, 3 patients grade II de Tönnis). 6 patients ont été perdus de vue avant la révision finale en 2007, ces patients présentaient néanmoins un recul moyen de trois ans. Au total, 94 hanches ont été analysées avec un recul minimum de 28 mois (moyenne 58 mois).

Les 100 hanches ont été opérées par une procédure identique et par le même opérateur (FL). Il s’agissait d’une chirurgie réalisée en décubitus dorsal, sur table orthopédique. L’incision chirurgicale était antérieure, permettant un accès articulaire entre le tenseur du fascia lata et le sartorius sans section musculaire. Une fois la capsule incisée, la hanche était légèrement décoaptée par une traction modérée dans l’axe du membre, permettant l’introduction d’un arthroscope classique au sein de la hanche profonde. L’ensemble de l’articulation pouvait être ainsi évaluée : cartilage fémoral, col fémoral et sa jonction avec le cartilage, cartilage cotyloïdien, arrière-fond de l’acétabulum et ligament rond, face profonde et superficielle du labrum acétabulaire, synoviale et capsule articulaires. La durée de la traction n’a jamais dépassé 45 minutes (32 minutes en moyenne en cas de suture du labrum et 11 minutes en l’absence de suture).

Dans 93 cas sur 100, une lésion du labrum était retrouvée. Le labrum était refixé dans 40 hanches, partiellement excisé dans 39 cas, excisé complètement dans 14 cas, et laissé en place dans 7 cas. Concernant le versant fémoral des lésions, l’accès chirurgical mettait facilement en évidence le trouble morphologique de la jonction cervico-céphalique. Le cartilage fémoral avait, à ce niveau, un aspect inflammatoire qui le différenciait du cartilage normal. A l’aide d’une petite fraise, une ostéochondroplastie était réalisée de façon à supprimer la proéminence cervicale et à supprimer ainsi le conflit entre le col fémoral et la paroi antérieure du cotyle. La suppression du conflit était vérifiée systématique par des manoeuvres de flexion de la hanche pendant l’intervention (Fig. 1a et 1b).

Figure 1 – Trouble morphologique de l’extrémité proximale du fémur à l’origine d’un conflit par effet came (1a), corrigé après plastie chirurgicale (1b).

Concernant les suites opératoires, l’appui complet était repris rapidement, soulagé par des cannes anglaises durant quelques jours. Les sports à impact étaient déconseillés pour 6 mois, le pédalage sur vélo d’appartement était encouragé dès les premiers jours post-opératoires.

Tous les patients ont été évalués cliniquement avant l’opération, 45 jours, 3 mois et 12 mois après l’intervention et enfin au plus grand recul en 2007. L’évaluation fonctionnelle utilisait le score de Christensen (score adapté aux hanches non arthrosiques). Ce score était particulièrement adapté au sujet jeune et sportif ayant une forte demande fonctionnelle et représentant une catégorie de patients différents des sujets plus âgés candidats à la prothèse totale habituellement. En fonction du niveau de score de Christensen, les patients étaient classés en très bon, bon, moyen et mauvais résultats.

Tous les patients étaient également explorés par des radiographies de face et de profil pré et post-opératoires.

B – Résultats

L’intervention et les gestes prévus ont pu être réalisés pour tous les patients, en particulier l’exploration coxo-fémorale a été complète pour toutes les hanches au versant fémoral, comme au versant cotyloïdien. Malgré un geste jugé satisfaisant, 13 patients ont cependant subi une chirurgie de révision pour douleurs persistantes à un recul moyen de 30 mois environ. Dans tous les cas, cette reprise a consisté à un débridement arthroscopique, sans reprise de l’incision chirurgicale. Dans 8 des 13 cas cités, une faillite de la refixation du labrum était constatée conduisant à la résection de cette portion labrale lésée et instable. Dans 6 cas, une ostéochondroplastie complémentaire était réalisée à la jonction de la tête et du col pour augmenter le débattement articulaire.

A trois semaines post-opératoires, le plus âgé de nos patients (56 ans), a présenté une fracture non déplacée du col fémoral qui a consolidé sans nécessiter d’intervention au bout de trois mois. 2 patients ont présenté une infection du site opératoire, traitée efficacement par lavage et antibiothérapie. 1 patient a été repris chirurgicalement à 33 mois post-opératoires pour des ossifications péri-articulaires. Aucun patient n’a présenté de nécrose de la tête fémorale.

Au dernier recul, l’augmentation du score de Christensen était de 29 points (55 en préopératoire, versus 84 en post-opératoire) ce qui était hautement significatif. Ce score définitif était obtenu généralement au bout de 6 mois après l’intervention (1 mois minimum à 18 mois maximum). 77 % des patients atteignaient leur score final avant 6 mois et 14 % mettaient plus d’un an pour récupérer la fonction maximum. La refixation du labrum ne modifiait ni dans un sens ni dans un autre la qualité du résultat. Le groupe de patients âgés de moins de 40 ans et ne présentant pas d’arthrose radiologique avait un résultat excellent à plus de 93 %.

11 hanches ont développé une coxarthrose nécessitant une prothèse totale à un recul moyen de 40 mois.

C – Discussion

Le conflit fémoro-acétabulaire représente une cause fréquente de douleurs coxo-fémorales chez le jeune sportif. Il concerne spécialement les sports nécessitant une amplitude articulaire importante et spécifiquement les sports dont l’amplitude en flexion est couplée à une forte rotation interne. Les sports de combat de pieds sont particulièrement concernés par ce mécanisme physiopathologique. En l’absence de traitement, la dégradation articulaire causée par le conflit est à l’origine de lésions qui évoluent progressivement vers la coxarthrose irréversible.

Le conflit fémoro-acétabulaire est souvent l’association d’une pratique sportive avec mouvements amples de hanche et de malformations morphologiques mineures qui intéressent soit le cotyle (hyperplasie de la paroi antérieure mise en évidence par le signe du croisement sur la radiographie du bassin), soit le versant fémoral (absence de sillon à la jonction tête-col, asphéricité de la tête fémorale). Dans ce contexte, la chirurgie précoce du conflit de hanche vise deux objectifs : d’une part, le traitement des lésions labrales et cartilagineuses provoquées par le conflit, mais également la suppression du mécanisme en cause, grâce à des gestes de résection de la paroi antérieure du cotyle et le creusement du col fémoral à sa jonction avec le col. Notre étude ne permet pas d’affirmer que la chirurgie conservatrice du conflit limite les risques d’évolution vers l’arthrose et le recours à la prothèse, mais il semble clairement montré par notre étude ainsi que par la littérature que les résultats sont d’autant meilleurs que l’arthrose est peu évoluée au niveau de la hanche.

Le conflit de hanche met en relief le caractère vulnérable du labrum acétabulaire dans la physiopathologie sportive. Premier élément périphérique à être lésé par le conflit, il est souvent associé à des lésions cartilagineuses cotyloïdiennes. Sa résection isolée donne de bons résultats cliniques, la refixation est réservée à certains cas particuliers, lorsqu’il n’existe pas de lésion dégénérative complexe. Malgré le caractère peu invasif de la chirurgie du conflit, nous avons observé dans cette série quelques complications évitables. Nous n’opérons plus les conflits chez les sujets âgés ou présentant une ostéoporose, afin d’éviter toute fragilisation du col fémoral. La traction dans l’axe du membre sur table orthopédique est toujours réalisée de façon très prudente en protégeant le périnée et en exerçant une traction modérée durant une période aussi limitée que possible. Cela nous a permis d’éviter toute complication périnéale, tout à fait inacceptable dans ce type de chirurgie fonctionnelle. Le respect de la vascularisation de la tête fémorale est un élément essentiel de la chirurgie conservatrice de hanche, aucune nécrose de la tête fémorale n’a été observée dans cette série ni chez aucun des patients opérés par notre équipe par un abord antérieur.

L’évolution de notre pratique chirurgicale nous a permis de diminuer progressivement la taille de l’incision et de réaliser, à présent, l’exploration complète de la hanche et le traitement satisfaisant des lésions de conflit par une technique exclusivement arthroscopique, sans incision chirurgicale. Cette évolution devrait permettre l’obtention de résultats similaires à ceux présentés dans cette étude, moyennant une chirurgie encore moins invasive.

Concernant la limite des indications conservatrices, les critères à prendre en compte sont l’âge (< 40 ans), mais également l’aspect radiologique. Les résultats s’infléchissent nettement en cas d’arthrose évoluée, et en particulier en cas de subluxation de la hanche sur le faux profil de Lequesne.

Dr Frédéric Laude,  Dr Hedi Sari Ali, Dr Alexis Nogier

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