A – Les sports recommandés
Les différentes recommandations internationales s’accordent pour signifier que les sports à recommander pendant la grossesse sont en général les sports qui sollicitent la filière aérobie : jogging en début de grossesse, marche, vélo d’appartement, natation, ski de fond.
La natation est très souvent citée comme le sport à pratiquer en priorité pendant la grossesse. Il s’agit en effet d’une activité d’endurance dont l’intensité de pratique est facilement régulable par le rythme respiratoire. Cette activité “portée” est non traumatisante sur le plan ostéoligamentaire. L’habituelle élévation de la température corporelle déclenchée par l’effort est régulée par le milieu aquatique. Les oedèmes périphériques sont améliorés par le milieu aquatique qui draine les liquides extra-vasculaires vers la circulation sanguine, d’où la baisse de la tension artérielle systolique et diastolique (1).
L’association des différents sports d’endurance dont l’impact est surtout cardiorespiratoire à un sport plus global sur le plan du renforcement musculaire ne peut être que bénéfique. Ainsi, par exemple, le tennis, le golf, la gymnastique douce et adaptée, l’aquagym, le tai-chi-chuan sont des pratiques sportives intéressantes à associer aux sports d’endurance pour développer ou entretenir la composante musculaire squelettique. La gymnastique de renforcement musculaire lombo-abdominal est toujours intéressante mais la possibilité d’un diastasis des grands droits doit être pris en compte à travers des exercices statiques et en évitant les exercices dynamiques en concentrique (1, 4).
En cas de grossesse chez une pratiquante assidue de la musculation, les différents exercices peuvent être poursuivis mais avec des charges moins importantes et des répétitions moins longues. Les exercices isométriques pouvant être responsables d’une augmentation de la pression artérielle, les exercices dynamiques doivent être proposés prioritairement en évitant tout blocage respiratoire (1).
B – Intensité de l’exercice physique
Lors de la grossesse, l’intensité de l’exercice est sans doute le paramètre le plus important à respecter, mais aussi le plus complexe à contrôler. Fréquence cardiaque, évaluation de l’effort perçu (EEP) par l’échelle de Borg, test de conversation sont les trois éléments qui permettent de vérifier que l’intensité de l’exercice se situe dans des zones non dangereuses.
Dans le cadre de la promotion de la santé, les recommandations internationales situent l’intensité de l’activité physique entre 60 et 90 % de la fréquence cardiaque maximale, soit entre 50 et 80 % de la VO2max.
En cas de grossesse, ces recommandations pondèrent largement l’intensité de l’exercice puisque les activités devraient se situer entre 60 et 70 % de la fréquence cardiaque maximale, soit 50 à 60 % de la VO2max.
Les intensités et les fréquences cardiaques sont donc basses et, sans outils de suivi, les femmes enceintes risquent de largement dépasser les limites indiquées. Il paraît donc très recommandable d’utiliser les cardiofréquencemètres et d’éviter tout essoufflement important pour ne pas dépasser les limites fixées de 70 % de la fréquence cardiaque maximale. Ainsi, les zones cibles pour les fréquences cardiaques à ne pas dépasser sont les suivantes :
• 140-155 batt/min pour une femme âgée de moins de 20 ans ;
• 135-150 batt/min entre 20 et 29 ans ;
• 130-145 batt/min entre 30 et 39 ans ;
• 125-140 batt/min à 40 ans et plus.
Le test de la parole permet de ne pas travailler trop intensément, l’activité étant probablement d’intensité trop élevée si la femme ne peut tenir une conversation pendant l’exercice (1, 4, 5). L’échelle de Borg est peu utilisée en France alors qu’elle est considérée comme un indice très fiable de l’intensité de l’activité physique par les auteurs nord-américains ou scandinaves. Ceux-ci suggèrent de situer la plage d’intensité entre modérée et assez forte, et de ne pas dépasser le niveau 14 pendant la grossesse.
C – Durée de l’exercice
Les recommandations internationales concernant la durée de l’activité physique à pratiquer sont les suivantes : au moins trente minutes et, si possible, une heure d’affilée. En cas de grossesse, ces recommandations sont de moindre durée puisque le temps total recommandé est de trente minutes par jour d’exercice continu. Pour les femmes n’ayant pas pratiqué régulièrement d’activités physiques ou sportives avant la grossesse, il est recommandé de fractionner cette demi-heure en deux périodes de 15 minutes d’affilée. Ces périodes courtes d’exercice sont recommandées pour ne pas altérer la thermorégulation, permettre l’hydratation et éventuellement la nutrition.
D – Fréquence de l’exercice
Les femmes n’ayant pas pratiqué régulièrement une activité physique avant la grossesse ne doivent pas envisager de commencer un programme d’exercices physiques avant le second trimestre. Les femmes ayant pratiqué un sport ou une activité physique avant la grossesse peuvent continuer un entraînement régulier durant la grossesse, soit trente minutes au minimum cinq jours par semaine. Il faut envisager la diminution du nombre de séances au cours du deuxième, puis du troisième trimestre. Au cours du troisième trimestre, il semble raisonnable de limiter l’activité physique à trois séances par semaine pour les femmes qui pratiquent dans un cadre de santé ou de loisir, et à cinq séances pour les sportives intensives.
E – Conseils nutritionnels
En cas d’exercice pendant la grossesse, les conseils nutritionnels ne semblent pas très différents des conseils habituels prodigués pour la pratique du sport dans la population générale. Du fait du risque d’hypoglycémie pour la mère et des risques de l’hypoglycémie maternelle pour le fœtus, les repas doivent être fractionnés et adaptés à la durée et à l’intensité de l’activité physique. Les séances d’activités physiques doivent être régulièrement interrompues pour permettre à la mère de s’hydrater et d’ingérer une collation mixte associant différents types de glucides (1, 2, 5, 6). En cas de diabète gestationnel, les recommandations nutritionnelles sont les suivantes : fractionnement de l’alimentation en quatre repas minimum, augmentation de la ration alimentaire en fibres, élimination des sucres rapides, ingestion de portion d’hydrates de carbones à chaque repas. La collation avant, ou en cours d’exercice, devrait être surveillée par une analyse de la glycémie (16).
F – Conseils en fonction du niveau pratique
En fonction du niveau de pratique, nous pouvons dégager trois types de patientes aux comportements différents et pour lesquelles les conseils doivent être adaptés.
La débutante
Cette patiente souhaite débuter les activités physiques et profiter de la grossesse pour prendre des habitudes de vie saine afin de protéger et de favoriser le développement de son enfant. Les recommandations internationales précisent que ce type de patiente devrait attendre la fin du premier trimestre de grossesse pour débuter les activités physiques. Les messages de prévention concernent en priorité une alimentation adaptée et la pratique régulière d’activités physiques d’intensité modérée. Cette patiente devrait être confiée à un éducateur sportif ou médico-sportif qui surveillera les adaptations cardiovasculaires et respiratoires. Le bénéfice des activités physiques sera sans doute suffisant avec trois séances de trente minutes par semaine.
La sportive de loisir ou la sportive confirmée
Cette patiente est une sportive qui pratique son sport de manière régulière et autonome, en connaît les bienfaits et souhaite poursuivre son activité pendant la grossesse. Si les sports à déconseiller sont nombreux, les interdictions doivent toujours être pondérées en fonction du degré d’expertise de la sportive dans sa discipline. Il est cependant légitime d’exclure les sports à fort risque de contusion abdominale (sports collectifs, sports de combat) et les sports avec risque important de chute (VTT, équitation). Les informations essentielles concernant les fréquences cardiaques à ne pas dépasser et le fractionnement des temps d’activité physique doivent être délivrées. La patiente doit être informée du rapport entre bénéfices et risques des différents types d’activités physiques qu’elle pratique.
La sportive experte ou compétitrice
Cette sportive pratique le sport de manière intensive, ou la compétition de haut niveau, et peut être considérée comme une professionnelle du sport. Généralement, cette sportive souhaite avant tout revenir le plus rapidement possible à un très bon niveau sportif après l’accouchement. En l’absence de contre-indications médicales ou obstétricales, une excellente condition physique peut être maintenue pendant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse par des exercices d’intensité sous-maximale et maximale, et par du travail d’endurance aérobie prolongé. Ce type de patiente doit être encadrée par un réseau de professionnels de santé correspondant régulièrement avec l’entraîneur et le préparateur physique de la sportive. Il s’agit en général de sportives exceptionnelles et très motivées qui, dans ce cas, peuvent reprendre rapidement le sport à un très bon niveau après la grossesse.