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Partie 5 : les sports à conseiller, modalités de pratique

A – Les sports recommandés

Les différentes recommandations internationales s’accordent pour signifier que les sports à recommander pendant la grossesse sont en général les sports qui sollicitent la filière aérobie : jogging en début de grossesse, marche, vélo d’appartement, natation, ski de fond.

La natation est très souvent citée comme le sport à pratiquer en priorité pendant la grossesse. Il s’agit en effet d’une activité d’endurance dont l’intensité de pratique est facilement régulable par le rythme respiratoire. Cette activité “portée” est non traumatisante sur le plan ostéoligamentaire. L’habituelle élévation de la température corporelle déclenchée par l’effort est régulée par le milieu aquatique. Les oedèmes périphériques sont améliorés par le milieu aquatique qui draine les liquides extra-vasculaires vers la circulation sanguine, d’où la baisse de la tension artérielle systolique et diastolique (1).

L’association des différents sports d’endurance dont l’impact est surtout cardiorespiratoire à un sport plus global sur le plan du renforcement musculaire ne peut être que bénéfique. Ainsi, par exemple, le tennis, le golf, la gymnastique douce et adaptée, l’aquagym, le tai-chi-chuan sont des pratiques sportives intéressantes à associer aux sports d’endurance pour développer ou entretenir la composante musculaire squelettique. La gymnastique de renforcement musculaire lombo-abdominal est toujours intéressante mais la possibilité d’un diastasis des grands droits doit être pris en compte à travers des exercices statiques et en évitant les exercices dynamiques en concentrique (1, 4).

En cas de grossesse chez une pratiquante assidue de la musculation, les différents exercices peuvent être poursuivis mais avec des charges moins importantes et des répétitions moins longues. Les exercices isométriques pouvant être responsables d’une augmentation de la pression artérielle, les exercices dynamiques doivent être proposés prioritairement en évitant tout blocage respiratoire (1).

B – Intensité de l’exercice physique

Lors de la grossesse, l’intensité de l’exercice est sans doute le paramètre le plus important à respecter, mais aussi le plus complexe à contrôler. Fréquence cardiaque, évaluation de l’effort perçu (EEP) par l’échelle de Borg, test de conversation sont les trois éléments qui permettent de vérifier que l’intensité de l’exercice se situe dans des zones non dangereuses.

Dans le cadre de la promotion de la santé, les recommandations internationales situent l’intensité de l’activité physique entre 60 et 90 % de la fréquence cardiaque maximale, soit entre 50 et 80 % de la VO2max.

En cas de grossesse, ces recommandations pondèrent largement l’intensité de l’exercice puisque les activités devraient se situer entre 60 et 70 % de la fréquence cardiaque maximale, soit 50 à 60 % de la VO2max.

Les intensités et les fréquences cardiaques sont donc basses et, sans outils de suivi, les femmes enceintes risquent de largement dépasser les limites indiquées. Il paraît donc très recommandable d’utiliser les cardiofréquencemètres et d’éviter tout essoufflement important pour ne pas dépasser les limites fixées de 70 % de la fréquence cardiaque maximale. Ainsi, les zones cibles pour les fréquences cardiaques à ne pas dépasser sont les suivantes :
• 140-155 batt/min pour une femme âgée de moins de 20 ans ;
• 135-150 batt/min entre 20 et 29 ans ;
• 130-145 batt/min entre 30 et 39 ans ;
• 125-140 batt/min à 40 ans et plus.

Le test de la parole permet de ne pas travailler trop intensément, l’activité étant probablement d’intensité trop élevée si la femme ne peut tenir une conversation pendant l’exercice (1, 4, 5). L’échelle de Borg est peu utilisée en France alors qu’elle est considérée comme un indice très fiable de l’intensité de l’activité physique par les auteurs nord-américains ou scandinaves. Ceux-ci suggèrent de situer la plage d’intensité entre modérée et assez forte, et de ne pas dépasser le niveau 14 pendant la grossesse.

C – Durée de l’exercice

Les recommandations internationales concernant la durée de l’activité physique à pratiquer sont les suivantes : au moins trente minutes et, si possible, une heure d’affilée. En cas de grossesse, ces recommandations sont de moindre durée puisque le temps total recommandé est de trente minutes par jour d’exercice continu. Pour les femmes n’ayant pas pratiqué régulièrement d’activités physiques ou sportives avant la grossesse, il est recommandé de fractionner cette demi-heure en deux périodes de 15 minutes d’affilée. Ces périodes courtes d’exercice sont recommandées pour ne pas altérer la thermorégulation, permettre l’hydratation et éventuellement la nutrition.

D – Fréquence de l’exercice

Les femmes n’ayant pas pratiqué régulièrement une activité physique avant la grossesse ne doivent pas envisager de commencer un programme d’exercices physiques avant le second trimestre. Les femmes ayant pratiqué un sport ou une activité physique avant la grossesse peuvent continuer un entraînement régulier durant la grossesse, soit trente minutes au minimum cinq jours par semaine. Il faut envisager la diminution du nombre de séances au cours du deuxième, puis du troisième trimestre. Au cours du troisième trimestre, il semble raisonnable de limiter l’activité physique à trois séances par semaine pour les femmes qui pratiquent dans un cadre de santé ou de loisir, et à cinq séances pour les sportives intensives.

E – Conseils nutritionnels

En cas d’exercice pendant la grossesse, les conseils nutritionnels ne semblent pas très différents des conseils habituels prodigués pour la pratique du sport dans la population générale. Du fait du risque d’hypoglycémie pour la mère et des risques de l’hypoglycémie maternelle pour le fœtus, les repas doivent être fractionnés et adaptés à la durée et à l’intensité de l’activité physique. Les séances d’activités physiques doivent être régulièrement interrompues pour permettre à la mère de s’hydrater et d’ingérer une collation mixte associant différents types de glucides (1, 2, 5, 6). En cas de diabète gestationnel, les recommandations nutritionnelles sont les suivantes : fractionnement de l’alimentation en quatre repas minimum, augmentation de la ration alimentaire en fibres, élimination des sucres rapides, ingestion de portion d’hydrates de carbones à chaque repas. La collation avant, ou en cours d’exercice, devrait être surveillée par une analyse de la glycémie (16).

F – Conseils en fonction du niveau pratique

En fonction du niveau de pratique, nous pouvons dégager trois types de patientes aux comportements différents et pour lesquelles les conseils doivent être adaptés.

 

La débutante

Cette patiente souhaite débuter les activités physiques et profiter de la grossesse pour prendre des habitudes de vie saine afin de protéger et de favoriser le développement de son enfant. Les recommandations internationales précisent que ce type de patiente devrait attendre la fin du premier trimestre de grossesse pour débuter les activités physiques. Les messages de prévention concernent en priorité une alimentation adaptée et la pratique régulière d’activités physiques d’intensité modérée. Cette patiente devrait être confiée à un éducateur sportif ou médico-sportif qui surveillera les adaptations cardiovasculaires et respiratoires. Le bénéfice des activités physiques sera sans doute suffisant avec trois séances de trente minutes par semaine.

 

La sportive de loisir ou la sportive confirmée

Cette patiente est une sportive qui pratique son sport de manière régulière et autonome, en connaît les bienfaits et souhaite poursuivre son activité pendant la grossesse. Si les sports à déconseiller sont nombreux, les interdictions doivent toujours être pondérées en fonction du degré d’expertise de la sportive dans sa discipline. Il est cependant légitime d’exclure les sports à fort risque de contusion abdominale (sports collectifs, sports de combat) et les sports avec risque important de chute (VTT, équitation). Les informations essentielles concernant les fréquences cardiaques à ne pas dépasser et le fractionnement des temps d’activité physique doivent être délivrées. La patiente doit être informée du rapport entre bénéfices et risques des différents types d’activités physiques qu’elle pratique.

 

La sportive experte ou compétitrice

Cette sportive pratique le sport de manière intensive, ou la compétition de haut niveau, et peut être considérée comme une professionnelle du sport. Généralement, cette sportive souhaite avant tout revenir le plus rapidement possible à un très bon niveau sportif après l’accouchement. En l’absence de contre-indications médicales ou obstétricales, une excellente condition physique peut être maintenue pendant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse par des exercices d’intensité sous-maximale et maximale, et par du travail d’endurance aérobie prolongé. Ce type de patiente doit être encadrée par un réseau de professionnels de santé correspondant régulièrement avec l’entraîneur et le préparateur physique de la sportive. Il s’agit en général de sportives exceptionnelles et très motivées qui, dans ce cas, peuvent reprendre rapidement le sport à un très bon niveau après la grossesse.

Obligations d’informations

Le praticien a pour obligation d’informer par tout moyen sa patiente des dangers qu’elle encourt à pratiquer une activité physique, éventuellement en lui donnant un imprimé les détaillant. Les recommandations internationales insistent sur le fait que la femme enceinte doit connaître les différents signes qui imposent un arrêt immédiat de l’exercice et lui imposent de consulter immédiatement un professionnel de santé (1, 2, 6, 10).

Les signes imposant un arrêt de l’exercice doivent être connus des éducateurs sportifs ou médico-sportifs qui encadrent les femmes enceintes poursuivant une activité physique ou sportive :

• saignements vaginaux ;
• essoufflement important ;
• maux de tête ;
• douleurs thoraciques ;
• sensation de faiblesse musculaire ;
• oedème des membres inférieurs ;
• contractions utérines ;
• diminution des mouvements foetaux ;
• perte de liquide amniotique.

Une étude norvégienne qui fait voler en éclat les idées reçues.

Kardel KR. Effects of intense training during and after pregnancy in top level athletes. Scand J Med Sci Sports 2005; 15 : 79-86.

 

Une étude réalisée par Kristin Kardel sur des sportives norvégiennes intensives et de haute performance nous paraît assez exemplaire pour être détaillée dans la revue Médecins du Sport.

41 sportives expertes dans leurs sports respectifs et motivées pour suivre pendant leur grossesse un programme très contraignant ont été incluses dans cette étude. Toutes ces femmes pratiquaient le sport depuis plusieurs années avant leur grossesse, certaines à un niveau national ou international. Deux groupes ont été créés : un groupe de 21 femmes (dont 19 primipares) intitulé MEG, devant suivre un programme standardisé développant un volume moyen d’entraînement, et un groupe de 20 femmes (dont 14 primipares) devant suivre un programme avec un haut niveau d’entraînement, nommé HEG. Les 41 sportives ont eu la possibilité de choisir le programme d’entraînement qui leur paraissait le mieux adapté au regard de leurs aptitudes physiques.

 

• Le programme d’entraînement

Ce programme consistait en trois types de séances d’entraînement : des séances de renforcement musculaire avec préparation physique générale, des séances d’interval training, des séances d’entraînement aérobie.

Le programme de préparation physique générale était le même pour les deux groupes et consistait en une série de 18 exercices de renforcement musculaire au niveau des membres supérieurs, inférieurs et du tronc. L’ensemble de cette séance était programmé pour durer 72 minutes.

Les séances d’interval training consistaient à réaliser des séries à haute intensité puisque les fréquences cardiaques à atteindre se situaient entre 170 et 180 batt/mn.

La première série consistait à alterner 15 secondes d’activité intense avec 15 secondes de repos. Seule la durée est différente : deux fois 10 minutes entrecoupée de 5 minutes de repos pour le groupe MEG, deux fois 15 minutes entrecoupée de 5 minutes de repos pour le groupe HEG. La seconde séance d’entraînement consistait en une plage de 45 secondes d’activité intense suivie de 15 secondes de repos, et ceci pendant deux fois 10 minutes pour le groupe MEG, deux fois 15 minutes pour le groupe HEG. Ces séances d’interval training étaient organisées sur bicyclette ergométrique mais, si les sportives le souhaitaient, pouvaient être réalisées en extérieur, en course à pied, en marche rapide sur terrains variés ou en ski de fond. Les séances d’endurance aérobie mises en place devaient atteindre une durée de 90 minutes pour le groupe MEG et 150 minutes pour le groupe HEG. Les femmes pouvaient choisir, soit un programme sur 4 jours par semaine, soit un programme sur six jours par semaine. Le programme hebdomadaire sur 4 jours associait deux journées d’endurance (90 minutes par séance pour le groupe MEG, 150 minutes par séance pour le groupe HEG), une journée avec une séance d’interval training (deux fois 10 minutes par séance pour le groupe MEG, deux fois 15 minutes par séance pour le groupe HEG) et une journée de préparation physique (72 minutes pour les deux groupes). Le programme hebdomadaire sur 6 jours associait deux journées d’endurance (90 et 150 minutes par séance), deux journées avec séances d’interval training (deux fois 10 et 15 minutes par séance) et deux journées de préparation physique (72 minutes par séance). Les sportives n’ont pas été pas obligées de poursuivre le programme dans les six semaines suivant l’accouchement mais devaient le reprendre à partir de la septième semaine jusqu’à la douzième semaine après l’accouchement.

 

• Les tests médicaux et physiologiques

Ils ont été réalisés à la dix-septième, trentième et trentesixième semaine d’aménorrhée, ainsi qu’à la sixième semaine et la douzième semaine après l’accouchement. Ont été suivis : le poids total et le poids de masse grasse, la fréquence cardiaque de repos, les fréquences cardiaques à l’effort sur bicyclette ergométrique (50 W, 100 W, 150 W, puissance max), la VO2max et les lactates sanguins à l’effort.

 

• Les résultats

Dans les deux groupes, les sportives ont toutes poursuivi l’entraînement jusqu’au minimum cinq jours avant l’accouchement. Trois sportives du groupe MEG et sept sportives du groupe HEG ont arrêté l’entraînement seulement la veille de l’accouchement… Malgré les quantités d’entraînement et leur intensité, aucune des sportives n’a rencontré de problèmes médicaux ou obstétricaux. Aucune souffrance fœtale n’a été décrite, les enfants sont tous nés à terme sans problème. Sur le plan de la prise de poids total pendant la grossesse, ainsi que sur le pourcentage de masse grasse, les deux groupes sont très comparables. Dans le groupe MEG, la VO2max est restée stable entre la dix-septième semaine d’aménorrhée et la douzième semaine après l’accouchement. Par contre, dans le groupe HEG, la VO2max a évolué très significativement de 9 % dans le même temps.

 

• En conclusion

Cette étude prouve qu’une excellente condition physique peut être maintenue pendant la grossesse, que les femmes enceintes correctement entraînées et suivies peuvent continuer à effectuer des exercices à des intensités sous-maximales et maximales sans craindre de complications médicales, obstétricales ou périnatales.

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