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Quelle relation entre intensité de l’effort et réduction du risque de mortalité cardiovasculaire ? Analyse d’article

Référence : Eijsvogels TM, Molossi S, Lee DC et al. Exercise at the extremes. The amount of exercise to reduce cardiovascular events. J Am Coll Cardiol 2016 ; 67 : 316-29.

Les bénéfices de l’activité physique (AP) sont clairement ancrés dans les stratégies de prévention cardiovasculaire primaire et secondaire. Cependant, la relation entre l’intensité de l’exercice et la réduction du risque de morbimortalité cardiovasculaire a récemment été le thème de controverses à travers plusieurs publications. L’article d’Eijsvogels et al. reprend ces études et passe en revue les données publiées (1).

Prévention primaire

Les premières études de Morris en 1952 ont immédiatement mis en avant l’impact de l’AP, même au travail, sur la santé cardiovasculaire. Il ne s’agit cependant que d’études observationnelles et non randomisées. C’est probablement par l’intermédiaire d’un meilleur contrôle des différents risques cardiovasculaires (pression artérielle, métabolismes glucidique et lipidique, poids et inflammation) que l’AP apporte ces résultats. En termes de “dose”, la plus petite AP reste utile par rapport à l’inactivité, puisque le temps passé “debout” est déjà discriminant (> 2 heures par jour diminuent de 10 % la mortalité toutes causes confondues). Les recommandations de 2008 avaient déjà inclus cette notion d’intensité de l’exercice hebdomadaire pratiquée pour un adulte avant 65 ans : 5 x 30 minutes d’AP modérée sans essoufflement majeur ou 3 x 25 minutes d’activité plus intense ou un mix des deux. Dans certaines études, l’unité de quantification de l’activité est définie par le MET (Metabolic Equivalent Task)- heure/semaine évaluant à la fois l’intensité, la durée et la fréquence de l’AP. Pour Wen et al., la valeur de 41 MET-heure/semaine est celle retenue pour bénéficier d’une prévention cardiovasculaire maximale (2), mais selon Arem et al., à partir du recueil de données asiatiques, américaines et européennes, une courbe en U se dessine avec une perte de bénéfice sanitaire au-delà d’un seuil (3) (Fig. 1).

Figure 1 – Relation entre la quantité d’activité physique hebdomadaire et la mortalité cardiovasculaire (2, 3).

D’autres études montrent des résultats différents, et la controverse s’expliquerait par une méthodologie différente, mais surtout par la survenue d’événements cardiaques aigus lors de la pratique d’un exercice plus intense, liés en premier lieu à des pathologies cardiaques non dépistées.

En résumé, toute activité, quel que soit son niveau d’intensité, reste plus bénéfique que l’inactivité physique. Si les activités sont intenses (essoufflement net), la réduction maximale du risque de mortalité toutes causes confondues s’obtient rapidement (11 MET-heure/semaine). Il faudra plus de temps d’exercice avec une pratique d’intensité modérée (essoufflement minime) pour obtenir le même bénéfice (Fig. 2).

Figure 2 – Courbes dose-réponse des effets de l’intensité de l’activité physique et les mortalités toutes causes et cardiovasculaires (d’après les références 2 [courbes bleues], 3 [courbes rouges] et 4 [courbes noires]).

Prévention secondaire

Une diminution de la mortalité cardiovasculaire et de toutes autres causes confondues est observée aussi bien chez les coronariens que chez les insuffisants cardiaques après 1 an de pratique d’AP modéré aérobie (30-60 minutes/jour) associée à un renforcement musculaire (1 à 2 fois/semaine).
En résumé (Fig. 3), les données extraites de quatre études permettent de proposer aux coronariens un programme d’AP en fonction de l’intensité de l’exercice et de sa répétition (4-7).

Figure 3 – Activité physique pratiquée par des coronariens. Relations entre la quantité hebdomadaire d’activité physique et la mortalité cardiovasculaire et de toutes causes observées dans quatre études [4-7].

Mais là aussi et dans toutes les études, et cette fois-ci sans controverse, un infléchissement de cet effet bénéfique est observé pour des seuils différents. Le bénéfice des programmes de réadaptation de type fractionné reste démontré, mais avec en contrepartie un risque d’accident plus élevé. Pour les insuffisants cardiaques, il est recommandé de ne pas dépasser 7 MET-heure/ semaine pour conserver le meilleur rapport bénéfice-risque.

Enfin, l’article résume les publications qui alimentent le thème de la dangerosité potentielle d’une pratique sportive excessive. Les modifications biologiques (troponine) signent sans aucun doute une fatigue cardiaque avec des lésions minimes, mais sans ischémie. Cette élévation obtenue suivant l’intensité et la durée de l’effort chez 50 % des sportifs est toujours asymptomatique, reste très transitoire et sans séquelle. Elle est pour certains une forme d’adaptation à l’exercice, mais pas un fait pathologique. De la même manière, après un effort de longue durée, on retrouve une baisse modérée de la fraction d’éjection du ventricule gauche avec une récupération complète constante en 48 heures au plus. Chez 12 à 50 % des sportifs, on retrouve de façon inconstante des lésions de fibrose myocardique sans certitude sur leur potentiel arythmogène et sur leur effet sur la survenue de mort subite. Observée surtout chez les seniors endurants avec une longue pratique derrière eux, l’hypothèse d’une contrainte mécanique répétée est retenue (plutôt qu’une cause ischémique), du fait de la localisation des foyers de fibrose (ventricule droit et septum) se rapprochant des constatations retrouvées dans le cadre de la cardiomyopathie hypertrophique. L’observation d’une fibrillation atriale met en évidence un paradoxe : en effet, si l’on sait que la pratique régulière d’une activité de loisir, même très prolongée, diminue le risque de développer une fibrillation atriale, inversement cette arythmie est quatre à cinq fois plus fréquente chez des vétérans endurants, essentiellement masculins, qui cumulent un très grand nombre d’heures d’entraînement et de compétition. Enfin, le développement de calcifications coronaires, voire d’athérosclérose, peut-il être attribué aux contraintes de l’entraînement ? Aucune réponse formelle n’est établie à ce jour, mais le mode de vie des athlètes, en dehors de la pratique sportive, y participe également, et des facteurs de risque cardiaques comme le tabac sont parfois négligés dans certaines études, rendant difficile une comparaison valable de groupes appariés.

Conclusion

Cette revue conclut en donnant quelques messages simples :

  • Un peu est toujours mieux que rien. Ainsi, l’AP en petite quantité et même la simple position debout plutôt qu’assise prolongée sont associées à une diminution du risque de survenue de maladie cardiovasculaire.
  • Des volumes de 150 minutes/semaine d’AP d’intensité modérée ou de 75 minutes/semaine de plus forte intensité ou un mix des deux d’exercices en aérobie sont recommandés.
  • La possibilité que trop de sport puisse être délétère pour le coeur est encore très controversée. D’autres études méthodologiquement correctes sont nécessaires avant de conclure. Cependant, la bonne espérance de vie des athlètes ne va pas dans ce sens.
  • Il existe sans doute une population ayant des prédispositions génétiques pour laquelle la pratique d’un exercice très intense n’est pas bénéfique et peut même être nuisible.
  • Nous devons garder le message d’une action positive de l’AP aussi bien en prévention primaire que secondaire, car la majorité de la population est plutôt orientée vers “le pas assez” que le “trop”.

Dr Jean-Michel Guy

Bibliographie

  1. Eijsvogels TMH, Molossi S, Lee DC et al. Exercise at the extremes. The amount of exercise to reduce cardiovascular events. J Am Coll Cardiol 2016 ; 67 : 316-29.
  2. Wen CP, Wai JP, Tsai MK et al. Minimum amount of physical activity for reduced mortality and extended life expectancy: a prospective cohort study. Lancet 2011 ; 378 : 1244-53.
  3. Arem H, Moore SC, Patel A et al. Leisure time physical activity and mortality: a detailed pooled analysis of the dose-response relationship. JAMA Intern Med 2015 ; 175 : 959-67.
  4. Williams PT, Thompson PD. Increased cardiovascular disease mortality associated with excessive exercise in heart attack survivors. Mayo Clin Proc 2014 ; 89 : 1187-94.
  5. Wannamethee SG, Shaper AG, Walker M. Physical activity and mortality in older men with diagnosed coronary heart disease. Circulation 2000 ; 102 : 1358-63.
  6. Mons U, Hahmann H, Brenner H. A reverse J-shaped association of leisure time physical activity with prognosis in patients with stable coronary heart disease: evidence from a large cohort with repeated measurements. Heart 2014 ; 100 : 1043-9.
  7. Moholdt T, Wisloff U, Nilsen TI, Slordahl SA. Physical activity and mortality in men and women with coronary heart disease: a prospective population-based cohort study in Norway (the HUNT study). Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2008 ; 15 : 639-45.

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