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La télémédecine en France : comment pourrait-elle investir le champ de la médecine du sport ?

Dr Alain Frey (Chef du Département médical de l’INSEP)

La télémédecine n’a pas vocation à se substituer aux pratiques médicales actuelles mais elle constitue une réponse aux défis auxquels est confrontée l’offre de soins aujourd’hui : accès aux soins, démographie médicale, décloisonnement du système…

Définition

Dans son article 78, la loi “Hôpital, Patients, Santé et Territoires” (HPST) du 21 juillet 2009 reconnaît la télémédecine comme une pratique médicale à distance mobilisant des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Le décret d’application du 19 octobre 2010 confirme cette définition en l’inscrivant dans l’article L.6316-1 du code de la santé publique.

La télémédecine est une des formes de coopération dans l’exercice médical mettant en rapport à distance, grâce aux technologies de l’information et de la communication, un patient (et/ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologie médicale.

La télémédecine est possible grâce aux technologies de l’information et de la communication.

L’acte de télémédecine constitue un acte médical à part entière, quant à son indication et sa qualité. Il n’en est pas une forme dégradée.

Cet acte est placé sous le contrôle et la responsabilité d’un médecin en contact avec le patient par des moyens de communication appropriés.

La télémédecine permet :

• d’établir un diagnostic ;

• d’assurer, pour un patient à risque, un suivi dans le cadre de la prévention ou un suivi post-thérapeutique ;

• de requérir un avis spécialisé ;

• de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes ;

• d’effectuer une surveillance de l’état des patients.

Elle améliore l’accès aux soins et garantit une meilleure maîtrise des dépenses de santé sans altérer la qualité des soins.

Les droits des patients s’imposent de la même manière dans les situations de télémédecine que dans le cadre aujourd’hui habituel des soins avec, d’une part, l’information et le consentement des patients et, d’autre part, le respect de la confidentialité des données personnelles en santé.

Composition

Les actes médicaux, réalisés à distance, qui relèvent de la télémédecine sont : la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la réponse médicale.

La téléconsultation

La téléconsultation permet à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation.

Les psychologues mentionnés à l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 (N°85-772) portant diverses dispositions d’ordre social peuvent également être présents auprès du patient.

La téléexpertise

La téléexpertise permet à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient.

La télésurveillance médicale

La télésurveillance médicale permet à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient.

L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé.

La téléassistance médicale

La téléassistance médicale permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte.

La réponse médicale

La réponse médicale est apportée dans le cadre de la régulation médicale (centre 15).

À l’étranger

Aux États-Unis, cette télémédecine est développée depuis plus de 40 ans, en raison de l’éloignement d’accès aux soins pour chaque citoyen sur ce territoire immense. Le modèle ACO (Accountable Care Organisation) mis en vigueur aux États-Unis permet de rémunérer les professionnels de santé des soins primaires grâce aux économies faites dans un parcours de soins structuré par la télémédecine et qui permet d’éviter les envois aux urgences et les hospitalisations.

Cette organisation regroupe les points suivants :

• des soins primaires par un médecin ;

• le recours à l’avis du spécialiste pour le médecin généraliste (vidéo interactive, transmission d’images, antécédents du patient…) ;

• un monitoring d’un patient avec analyse de ses données en permanence (telehealth) comme la pression artérielle, la glycémie ou la fréquence cardiaque ;

• l’information médicale ;

• l’éducation et la formation médicale pour les professionnels de santé ;

• les relations informatiques utilisant un réseau privé dédié entre un centre médical rural et un centre hyperspécialisé tertiaire ;

• une base de données web sur les services et conseils aux patients.

Plusieurs bénéfices sont retrouvés et évalués lors d’études expliquant l’essor de la télémédecine :

• apporter des soins aux populations éloignées ;

• réduire ou maintenir les coûts de la santé (être plus efficace pour gérer les maladies chroniques, staffs médicaux par visioconférence, limiter les déplacements des patients, diminuer les temps d’hospitalisation en privilégiant le maintien à domicile, sans altérer les soins délivrés aux patients.

Les usagers souhaitent de la télémédecine moins de déplacements, un accès facilité à des spécialistes…

Une étude de l’OMS en 2011 a été réalisée en Europe de l’Ouest concernant la démographie des personnels de santé (pour 100 000 habitants) afin de confirmer l’intérêt de développer la télémédecine (Tab. 1).

En France

Le développement de la télémédecine en France commence par la création du SAMU par le Pr Louis Lareng (anesthésiste-réanimateur) à Toulouse en 1967. Depuis, de nombreuses applications ont vu le jour dans différentes spécialités à travers la mise en place de téléexpertise en dermatologie, en néphrologie, en diabétologie, en ophtalmologie et en gérontologie.

Les priorités nationales

Cinq priorités nationales ont été mises en place pour un objectif commun : le juste soin au bon endroit et au juste prix sans altérer la qualité des soins. Il s’agit de :

• la permanence des soins en imagerie ;

• la prise en charge de l’AVC ;

• la santé des personnes détenues ;

• la prise en charge des maladies chroniques ;

• les soins en HAD ou en structures médicosociales.

Pour lutter contre l’inégalité de répartition des personnels de santé en France et la déficience de l’offre de soins due à l’insularité et à l’enclavement géographique, la télémédecine facilite les points suivants :

• l’égalité d’accès aux soins ;

• la coordination et la continuité des soins chez les patients atteints de maladies chroniques (près de 20 % de passages aux urgences pourraient être évités chez ces patients) ;

• la tendance à développer l’ambulatoire par rapport à l’hospitalisation classique.

L’aide médicale pour les courses au large

Le système français d’aide médicale en mer a été conçu pour tenter d’apporter aux gens de la mer une possibilité de soins médicaux se rapprochant le plus possible, malgré leur particularité d’isolement, du standard existant à terre.

L’aide médicale en mer a été définie par instruction interministérielle en date du 29 avril 1983 et par l’instruction du Premier ministre du 29 mai 1990.

Il est écrit à l’article 1.1 : « L’aide médicale en mer, fondée sur la consultation radiomédicale, consiste en la prise en charge par un médecin de toute situation de détresse humaine survenant parmi les membres de l’équipage, les passagers ou les simples occupants d’un navire de commerce, de pêche ou de plaisance français ou étranger ainsi que des bâtiments des flottilles civiles de l’État, à la mer. »

Le dispositif repose sur :

• le Centre de consultation médicale maritime (CCMM ou TMAS pour Tele Medical Assistance Service) intégré au SAMU 31 de Toulouse et sur les SAMU de coordination médicale maritime (Brest, Le Havre, Bayonne et Toulon) ;

• les liaisons radio maritimes entre le navire et le centre de consultation ;

• le dispositif opérationnel d’assistance médicalisée.

Les opérations d’aide médicale en mer sont menées suivant les mêmes procédures que celles utilisées pour les missions de recherche et de sauvetage en mer.

Les équipages de la Transat Jacques-Vabre embarquent avec une pharmacie complète afin de pouvoir se soigner en mer.

En cas de décision de médicalisation à bord et/ou d’évacuation par le CCMM ou le SAMU, ces derniers en informent le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui mettra à disposition les moyens nécessaires.

La prise en charge de la partie médicale (médicalisation du vecteur, accueil du patient à terre) reste sous la responsabilité du SAMU de coordination médicale maritime.

Retour d’expérience : la Transat Jacques-Vabre

Fatigués par les conditions de navigation particulièrement physiques et le manque de sommeil, les marins perdent en vigilance et se font mal. Brûlures oculaires, abcès dentaires, angines, infections urinaires, problèmes cutanés, gastro-entérites, les petits et gros bobos sont fréquents sur la Transat Jacques-Vabre.

Les équipages en mer embarquent avec une pharmacie complète qui leur permet de se soigner en mer, à condition d’avoir la bonne prescription. Une liste de médicaments repérables (A10, B23, etc.) permet au médecin, suite à l’appel des marins, de renvoyer un courriel précis avec le numéro adéquat pour soigner la pathologie.

Applications en médecine du sport

Le suivi des sportifs de haut niveau par les fédérations commence par la mise en place d’un dossier médical patient (DMP) informatisé grâce à l’acquisition de logiciels sur le web avec sécurisation des données et partages possibles entre plusieurs professionnels médicaux après accord du sportif.

Cette informatisation facilite les échanges entre les médecins, les masseurs-kinésithérapeutes des équipes de France, des Centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS) et des pôles Espoir et France lors des déplacements des sportifs aux quatre coins du monde. Il en est de même lors des épreuves internationales gérées par le Comité national olympique sportif français (CNOSF).

En cas de déplacements des sportifs français à l’étranger pour les compétitions ou stages internationaux, les besoins peuvent être les suivants :

• téléassistance médicale d’un professionnel de santé ;

• téléconsultation d’un sportif blessé ou malade (intérêt lié à la connaissance du dossier médical) ;

• téléexpertise avec un médecin du pays d’accueil de la manifestation sportive (risques juridiques en dehors des pays de la Communauté européenne et du Québec).

Il est nécessaire d’appliquer les prérequis déontologiques et réglementaires dans le respect du décret de télémédecine :

• information appropriée et recueil de consentement du sportif ;

• réalisation de l’acte médical en ayant connaissance du dossier médical et en y traçant les conclusions de l’acte ;

• établissement d’un protocole précis que les professionnels de santé concernés devront appliquer dans le respect de la confidentialité des données en santé et dans l’obligation de respecter le secret professionnel, même pour l’entraîneur s’il était amené à connaître ces données personnelles en santé ;

• être en conformité avec les règles déontologiques sur le droit d’exercice de la médecine en France (en dehors des pays de la Communauté européenne et du Québec, la téléexpertise avec un médecin du pays d’accueil se heurte à la nonreconnaissance réciproque des diplômes) ;

• obligation de contractualiser l’application de télémédecine avec les autorités sanitaires ;

• en cas de délégation de compétence (art. 51 de HPST), soumettre le protocole dérogatoire à la HAS.

En médecine du sport, la télémédecine correspond à :

la téléassistance du masseur-kinésithérapeute, en déplacement avec une équipe de France, par le médecin des équipes de France. Cette téléassistance pourrait déboucher sur la prescription d’un médicament de la réserve en pharmacie dont dispose soit le sportif, soit le groupe par l’intermédiaire d’une “trousse équipe de France” validée par le médecin d’équipe.

Il pourrait également s’agir d’une e-prescription envoyée par le réseau numérique, sans que la confidentialité de cette e-prescription ne soit entravée, grâce à une messagerie sécurisée hors de France ;

la téléconsultation directe du sportif par le médecin du pôle France ou d’équipe en l’absence d’un médecin accompagnant ;

la téléexpertise entre le médecin qui accompagne les sportifs et le médecin d’un CREPS, d’un pôle France ou d’un spécialiste en fonction du problème médical posé. En cas de téléexpertise, en urgence, avec un médecin du pays d’accueil des sportifs, il faut savoir que la télémédecine est possible dans les 27 pays de l’Union européenne (UE) en raison de l’équivalence des diplômes et que, en dehors de l’UE, il est nécessaire d’étudier, au cas par cas, cette équivalence pour pouvoir réaliser un acte de télémédecine juridiquement valable.

Conclusion

Tous ces actes de télémédecine doivent être conformes à la réglementation française en vigueur concernant la confidentialité des données de santé échangées, l’authentification des professionnels de santé concernés et la traçabilité de l’acte dans le dossier médical du sportif.

Il est nécessaire de poursuivre l’informatisation du dossier médical des sportifs de haut niveau au sein des fédérations et de développer cette télémédecine entre les différents acteurs encadrant le sportif de haut niveau.

Un cahier des charges précis devra être mis en place par les commissions médicales des fédérations et validé par le comité directeur fédéral. Il en est de même au niveau des services médicaux des établissements Jeunesse et Sports ainsi que les plateaux techniques impliqués dans la surveillance médicale réglementaire.

Des protocoles de déplacements des équipes de France à l’étranger devront être mis en place en fonction du niveau d’accompagnement médical de la délégation.

Pour en savoir plus

1. Simon S, Acker D. La place de la télémédecine dans l’organisation des soins. Rapport ministériel remis en novembre 2008.
2. Préconisations du conseil national de l’ordre des médecins (01/2009).
3. Décret de télémédecine du 19 octobre 2010.
4. 10e conférence nationale médicale interconfédérale, CNOSF, Strasbourg, 09/2013.
5. Chauve JY. Le Guide de la médecine à distance. Distance assistance, 1999.

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