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Le bowling : vecteur de technopathies plus que de vraies blessures

Dr Philippe Vitel - Médecin fédéral de la fédération française de bowling et de sports de quilles (FFBSQ)

Le bowling est un sport pratiqué en salle par des femmes et des hommes de tout âge. Tous les licenciés pratiquent en compétition. Au 31 décembre 2017, ils étaient 10 799, soit 2 563 femmes (23,73 %) et 8 236 hommes (76,26 %). Les vétérans de plus de 50 ans représentent 59,83 % des pratiquants, les seniors 29,49 % et les jeunes, de poussins à juniors, 10,66 %.

Le bowling sportif

Le bowling en compétition nécessite quatre qualités principales :

  • techniques d’approche, de lancer et adaptation aux conditions de jeux, liées à la formation et à l’entraînement,
  • préparation physique et mentale, liée au suivi médical et à l’accompagnement psychologique.

Du point de vue physique il s’agit d’une activité en zone aérobie, donc à considérer d’intensité modérée, mais qui nécessite de l’endurance. Les réserves d’énergie utilisées sont donc essentiellement graisseuses. Les muscles produisent peu de déchets comme l’acide lactique.

Une séance de qualification sur huit parties à deux par piste dure entre 3 h 15 et 3 h 30 environ. De 140 à 170 lancers sont effectués à 18,29 m à une vitesse située entre 30 et 35 km/h et avec une boule pesant en moyenne 6,8 kg (15 livres). La concentration doit être maximale durant la totalité de la période de jeu pour pouvoir en permanence analyser la qualité du geste de lancer, de la trajectoire de la boule, de sa zone d’impact dans les quilles et du résultat comptable obtenu.

Il convient d’adapter son jeu en temps réel en fonction des conditions changeantes de la piste liées à des critères multiples : température, hygrométrie, état initial et évolution de l’huilage et du dégraissage final des pistes, transfert d’huile générant des modifications permanentes de la trajectoire idéale de la boule. Une lucidité constante est requise de manière à faire les bons choix au bon moment : changement de boule, changement de repères de position sur l’approche, changement de point de pose de la boule, effet donné à la boule, modification de la préparation du lancer en particulier en ce qui concerne la vitesse de déplacement sur l’approche et l’amplitude du geste.

Cette lucidité est tributaire d’une préparation physique et diététique stricte et d’une préparation mentale permettant à tout moment de se détacher de l’environnement pour trouver les bonnes solutions. La sophrologie et les techniques de relaxation tiennent une place de choix dans la préparation du sportif. Par ailleurs, la répétition d’un geste unilatéral qui tend à développer la dissymétrie des chaînes musculaires doit faire l’objet d’une prise en charge de compensation lors des séances de physique. Le travail du préparateur physique doit se concentrer sur le renforcement, la posturologie et la proprioception. Enfin, le « bowler » ayant le libre choix quant au poids de la boule, il convient de choisir la boule qui correspond le mieux à sa technique et à sa morphologie sans toutefois entraîner de contraintes musculo-articulaires excessives et donc rédhibitoires.

Technopathies rencontrées

Main

Au niveau des doigts, la compression du nerf collatéral médial du pouce (Bowler’s Thumb), même si elle est en régression du fait d’une meilleure qualité des perçages, est toujours rencontrée. Elle se traduit par un oedème algique du nerf qui nécessite un arrêt de la pratique, un traitement orthopédique et, avant reprise de l’activité, une analyse méticuleuse du schéma de perçage de la boule.

Poignet

Les tendinites (Tendinite Bowler) sont fréquentes au niveau du poignet. On observe plus particulièrement des ténosynovites des extenseurs du poignet. Des trous trop larges qui obligent à serrer la boule sont souvent en cause ainsi qu’une laxité ligamentaire excessive. Leur survenue doit faire conseiller le port d’un support de poignet.

Avant-bras

Il est décrit quelques très rares cas de syndrome des loges au niveau des avant-bras (non retrouvés dans la littérature).

Coude

L’épicondylite est l’une des pathologies très fréquemment rencontrées au niveau du coude. Elle est souvent liée à un problème de perçage ou de technique, en particulier lorsque le plan Épaule-Coude-Boule n’est pas aligné. Les épicondylites sont aussi le fait d’un mauvais ou d’une absence d’échauffements avant le jeu et/ou d’étirements après.

Bras

Les tendinopathies du biceps sont fréquentes, comme dans tous les sports nécessitant des flexions répétées à partir de l’extension forcée du coude.

Épaule

Les tendinites de l’épaule et en particulier celles liées à un conflit postéro- supérieur doivent imposer un réapprentissage du geste sportif après avoir vérifié la bonne adéquation entre le matériel et la morphologie (poids de la boule). À noter que la pratique du bowling peut être thérapeutique du fait de la distraction de l’épaule qu’elle permet dans certaines pathologies où l’interligne articulaire est resserré !

Rachis

Comme dans tout sport asymétrique, des syndromes algiques peuvent survenir sur toute la hauteur du rachis avec une prédilection sur les étages cervicaux et lombaires. Ainsi, la pratique du bowling peut générer des cervico-brachialgies, des sciatalgies et des cruralgies et il convient de la déconseiller aux personnes atteintes de scoliose.

Bassin

Le territoire sacro-iliaque est d’autant plus sensible que le sujet est âgé et souvent arthrosique.

Genou

Les genoux sont à surveiller de près chez les sujets en croissance. Les pathologies vont de la tendinite, en particulier rotulienne accompagnée ou non d’un conflit fémoro-patellaire, aux entorses classiques et aux lésions méniscales. Toute algie du genou doit conduire à une étude des chaussures du sportif qui peuvent se montrer inadaptées à la pratique sur bois dur. Un examen podologique est d’ailleurs systématiquement conseillé aux pratiquants et peut conduire si besoin à la confection de semelles adaptées. L’échauffement et le stretching sont également essentiels pour prévenir les problèmes de genoux. Lors de la préparation, il est important de pratiquer des squats afin de renforcer la puissance du quadriceps.

Par ailleurs, le port d’une attelle est souvent conseillé et il en existe des spécialement conçues pour la pratique du bowling.

Conclusion

Le bowling n’est pas à proprement parler un sport très pathogène. Il convient toutefois de travailler sans relâche à la prise de conscience qu’une préparation physique rigoureuse associée à un travail mental adapté et une rigueur diététique quotidienne permet d’améliorer les performances et d’éviter les petits désagréments physiques que la pratique entraîne. Par ailleurs, la technique doit être irréprochable et le matériel adapté avec précision à la morphologie du sportif. Les vraies blessures sont rares, mais sont souvent la conséquence de petites pathologies répétitives non ou mal traitées. La formation des éducateurs, formateurs et professeurs doit inclure toutes les facettes de ces contraintes physiques et techniques, avec comme challenge de bien éduquer à ces exigences ceux qui désirent pratiquer le bowling, quel que soit leur âge. C’est à ce prix qu’ils prendront du plaisir à pratiquer avec passion cette belle activité sportive.

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