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Le certificat médical de non contre-indication : genèse de la nouvelle loi

Dr Philippe Le Van (Médecin référent de l’équipe de France Olympique)

Une réflexion a été entamée sous le ministère de Roselyne Bachelot-Narquin en 2010, avec à l’époque le projet de modifier le certificat médical de non contre-indication (CMNCI) pour essayer de simplifier l’accès au sport, le CMNCI étant vécu comme un frein par certaines fédérations. L’objectif était d’espacer les certificats en définissant un contenu d’examen. Plusieurs réunions ont eu lieu, dont une au ministère de la Santé avec les syndicats de médecins généralistes, des cardiologues, la Société française de médecine de l’exercice et du sport (SFMES) et des représentants de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Au changement de gouvernement, le projet a été enterré une première fois. Le dossier a été remis à l’ordre du jour à la demande de la direction de la sécurité sociale (DSS) du ministère de la Santé (Chantal Jouanno). Le travail initié par la DSS se faisait dans le cadre d’un programme de simplification administrative porté par le ministère de la Santé à la demande des syndicats de médecins. Les préconisations étaient alors de faire un examen plus complet, selon les recommandations de la SFMES, qui pourrait être plus espacé dans le temps. La nécessité de réaliser un ECG et de définir des sports à risque et d’autres à moindre risque avait également été discutée. Un auto-questionnaire avait également été évoqué en se basant sur ce qui existait dans certains pays comme le Canada, avec cependant le problème de sa validation scientifique et de sa valeur légale. En revanche, il était convenu que l’on ne touche pas au suivi des sportifs de haut niveau. La question s’était également posée concernant l’établissement du CMNCI pour les sports scolaires et universitaires et il avait été convenu que la pratique étant essentiellement compétitive, il était nécessaire de maintenir le CMNCI.

Après le changement de majorité, les réunions ont repris sous le ministère de Valérie Fourneyron, à la demande des syndicats des médecins libéraux. Au cours de ces réunions en comité plus restreint où le CNOSF était représenté, un questionnaire a été rédigé en s’inspirant des modèles anglosaxon et canadien en particulier.

La commission médicale du CNOSF consultée avait préconisé de laisser aux fédérations le choix de la périodicité en fonction de la connaissance de leur sport tout en recommandant un examen tous les 3 ans et en préservant la nécessité d’un certificat pour le sport scolaire compétitif.

Finalement, les législateurs ont modifié le code du sport en permettant de fixer la périodicité par décret. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est ainsi détaillée :

Art. L. 231-2. – I. « L’obtention d’une licence d’une fédération sportive est subordonnée à la présentation d’un certificat médical datant de moins d’un an et permettant d’établir l’absence de contre-indication à la pratique du sport ou, le cas échéant, de la discipline concernée. Lorsque la licence sollicitée permet la participation aux compétitions organisées par une fédération sportive, le certificat médical atteste l’absence de contre-indication à la pratique du sport ou de la discipline concernés en compétition. »
II. – « Les modalités de renouvellement de la licence, et notamment la fréquence à laquelle un nouveau certificat est exigé, sont fixées par décret. »

En revanche, il a été décidé de ne plus demander de certificat pour les scolaires, même en compétitions (UNSS, USEP, etc.), partant du principe que les scolaires sont aptes par défaut. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ainsi modifié deux articles du code de l’éducation :

Art. L. 552-1. « Composantes de l’éducation physique et sportive, les activités physiques et sportives volontaires des élèves sont organisées dans les établissements par les associations sportives scolaires. Tout élève apte à l’éducation physique et sportive est réputé apte à ces activités physiques et sportives volontaires. »

Art. L. 552-4. « Les associations sportives scolaires et les fédérations sportives scolaires sont soumises aux dispositions du code du sport à l’exception de ses articles L.231-2 et L.231-2-1 et, en outre, aux dispositions du présent chapitre. »

Les choses se sont accélérées fin mai 2016 et la première mouture du décret prévoyait un examen médical à la première licence, puis, si le sportif renouvelait sa licence, aucun examen jusqu’à l’âge de 45 ans. À partir de 45 ans, un certificat datant de moins d’un an aurait été exigé tous les 2 ans pour le renouvellement de la licence, ceci n’étant basé sur aucune recommandation médicale validée :

Art. D. 231-1-1. « Sous réserve des dispositions des articles D. 231-1-2 et D.231-1-3 :

  • jusqu’à l’âge de 45 ans, les sportifs qui sollicitent le renouvellement d’une licence ne présentent pas de certificat médical de non contre-indication à la pratique du sport ou, le cas échéant, de la discipline concernée ;
  • à partir de 45 ans, la présentation d’un certificat médical de non contre-indication datant de moins d’un an est exigée lors d’un renouvellement de licence sur deux. »

Devant la levée de boucliers d’une grande partie du monde médical sportif et d’une partie du monde sportif, le projet de décret a été complètement modifié pour arriver au décret n° 2016-1157 du 24 août 2016 relatif au certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la pratique du sport :

Article D. 231-1-3. « Sous réserve des dispositions des articles D. 231-1-4 et D. 231-1-5, la présentation d’un certificat médical d’absence de contre-indication est exigée tous les trois ans. »

L’utilisation d’un questionnaire de santé a été décidée entre l’établissement des certificats :

Article D. 231-1-4. « À compter du 1er juillet 2017, le sportif renseigne, entre chaque renouvellement triennal, un questionnaire de santé dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé des sports. Il atteste auprès de la fédération que chacune des rubriques du questionnaire donne lieu à une réponse négative. À défaut, il est tenu de produire un nouveau certificat médical attestant de l’absence de contre-indication pour obtenir le renouvellement de la licence. »

Cependant, certains sports à risque ou se pratiquant dans un environnement particulier conservent la nécessité d’un CMNCI annuel :

Article D. 231-1-5. « Les disciplines sportives qui présentent des contraintes particulières au sens de l’article L. 231-2-3 sont énumérées ci-après :

  1. Les disciplines sportives qui s’exercent dans un environnement spécifique :
    • a) L’alpinisme ;
    • b) La plongée subaquatique ;
    • c) La spéléologie ;
  2. Les disciplines sportives, pratiquées en compétition, pour lesquelles le combat peut prendre fin, notamment ou exclusivement lorsqu’à la suite d’un coup porté l’un des adversaires se trouve dans un état le rendant incapable de se défendre et pouvant aller jusqu’à l’inconscience ;
  3. Les disciplines sportives comportant l’utilisation d’armes à feu ou à air comprimé ;
  4. Les disciplines sportives, pratiquées en compétition, comportant l’utilisation de véhicules terrestres à moteur à l’exception du modélisme automobile radioguidé ;
  5. Les disciplines sportives comportant l’utilisation d’un aéronef à l’exception de l’aéromodélisme ;
  6. Le rugby à XV, le rugby à XIII et le rugby à VII. »

Nous en sommes actuellement à ce point, mais certaines choses peuvent et doivent encore évoluer. Ce qui pose problème dans l’immédiat est que le code du sport, qui est une loi, s’impose dès à présent. Ce qui veut dire qu’un certificat rédigé en 2015 serait encore valable jusqu’en 2017. Les fédérations ne sont pas prêtes matériellement pour gérer cette nouvelle périodicité qui pose en particulier le problème de la gestion des CMNCI pour chaque licencié, qui auront tous des certificats de dates différentes et pour lesquels il faudra faire un contrôle de validité forcément plus compliqué. Gageons que l’informatique pourra aider les fédérations à s’organiser.

L’autre problème est que le questionnaire de santé n’est actuellement ni rédigé ni validé et qu’il doit l’être par décret. Un chantier s’ouvre donc qui devra être rapidement achevé si l’on veut que les choses se mettent en place rapidement.

Enfin, seuls le temps et l’expérience montreront si effectivement l’absence d’examen médical chez les scolaires et universitaires pour l’établissement d’un certificat médical d’absence de contre-indication  au sport pratiqué augmentera le nombre d’effets adverses sur la santé liés au non dépistage de problèmes médicaux qui pouvaient être retrouvés lors du bilan médical, chez cette population pratiquant aussi la compétition.

Ce certificat d’absence de contre-indication sera ce que nous en ferons. Mieux vaut à mon sens un bon examen réalisé suivant les recommandations de la SFMES (www.sfmes.org/images/sfmes/pdf/Visite_NCI.pdf) tous les 3 ans, qu’un moins bon rédigé sur un coin de table, tous les ans. Retrouvons-nous dans quelques années pour faire le bilan de cette révolution et pour en tirer des conclusions objectives.

Intérêts et questionnements concernant la nouvelle réglementation du CMNCI.

Les intérêts :

  • Moins de contraintes pour les sportifs.
  • Meilleur examen médical si les médecins jouent le jeu.
  • Étalement des bilans sur toute l’année et non plus concentration entre août et décembre.
  • Remboursement des bilans ? (pas de précision du ministère de la Santé à ce sujet).
  • Possibilité d’un certificat pour plusieurs sports.

Les questions :

  • Gestion des licences et des CMNCI, plus compliquée sur une périodicité de 3 ans qu’annuelle.
  • Gestion des questionnaires (il est recommandé au sportif de garder son exemplaire).
  • Compliance des sportifs en cas de nouveau problème de santé.
  • Validité auprès des tribunaux des questionnaires et des mensonges et omissions qui y auraient été rapportés.
  • Les fédérations qui voudraient garder une périodicité annuelle seront-elles sanctionnées ?

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