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Le pied du skieur

Propos recueillis par Charlène Catalifaud

Le Dr Patrice Manopoulos est chirurgien orthopédiste à Gap, spécialisé dans la chirurgie du genou et du pied. Il fait le point sur les pathologies du pied rencontrées chez le skieur.

Quels sont les risques pour la cheville et le pied lors de la pratique du ski ?

Ce sont essentiellement des problèmes de contenant et de contenu. La chaussure de ski est en effet une chaussure rigide qui, plus on fait du ski à haut niveau, plus est inconfortable.
Sur le pied du skieur, le risque traumatique est très faible. Il s’agit plutôt d’un problème de confort. Par contre sur la cheville du surfeur (snowboard), la fracture du processus latéral du talus est typique.

Des blessures peuvent-elles survenir suite à ces problèmes d’inconfort ?

Oui, des bursites (figure 1).

Figure 1 – Bursite développée sur le calcanéum.

Mais des bursites de frottement : ce sont des inflammations du tissu sous-cutané qui, sous l’effet de frottements, s’enflamme et donne des plaies cutanées voire des surinfections.
Chez le skieur, les bursites se développent au niveau des reliefs osseux du pied (calcanéum, malléoles, os naviculaire accessoire, tête de M1 et M5) (figure 2).

Figure 2 – Bursite développée sur la tête de M5.

Quelle est la prise en charge de ce type de plaies ?

Idéalement, le repos. Mais pour les sportifs de compétition lorsqu’elles surviennent en pleine saison c’est compliqué. La pleine saison dure peu de temps et ils ne peuvent pas s’arrêter.
La prise en charge est limitée.
Il faut plutôt essayer d’anticiper ce problème chez les sportifs et sportives de haut niveau pour éviter son apparition. Car la bursite est un épaississement des parties molles. Cet épaississement augmente le conflit et le conflit augmente l’épaississement en retour, formant ainsi un cercle vicieux.

Comment peut-on éviter ces frottements ?

Il y a deux façons d’appréhender le problème : déformer la chaussure ou déformer le pied en corrigeant la déformation elle-même.
La première étape est ce qu’on appelle le bootfitting : boot c’est botte en anglais, et fitting de fit, adapter. Il s’agit du thermoformage du chausson de la chaussure de ski pour l’adapter au pied.
Puis la déformation de la coque : elle est chauffée et déformée sur les points de compression.
C’est une étape essentielle. Beaucoup de moniteurs de ski et de skieurs ont recours à cette technique pour adapter au mieux la coque de leurs chaussures.

À quelle population cette technique est-elle destinée ?

Elle est destinée à toutes personnes ne se sentant pas à l’aise dans leurs chaussures de ski. Les moniteurs passent toute la journée dans leurs chaussures, il est important qu’elles soient confortables.

Où trouver ce type de service ?

Dans les magasins spécialisés des stations de ski, des professionnels sont formés et équipés pour cette technique. Il faut des outils spéciaux et de l’expérience, parce qu’en chauffant la coque vous pouvez aussi la brûler et la trouer.

Pourquoi les chaussures sont-elles aussi rigides ?

Efficacité et confort ne vont pas forcément ensemble. Plus vous voulez une chaussure efficace, plus elle va être rigide et près du pied. Pour les sportifs de haut niveau, elle est moulée et faite sur mesure dès le départ.
Mais pour le sportif de niveau moyen, faire une coque pour spécifique est difficilement réalisable.
Pour les chaussures de commerce, on achète puis on adapte, sachant que chaque pied est différent. Il y a des standards, mais beaucoup de variables (des déformations de l’avant-pied et des morphologies différentes) faisant qu’on ne peut pas toujours s’adapter à tout.

Au niveau de la pratique du ski, y a-t-il une différence en termes de risque de frottements entre le ski alpin et le ski de fond ?

Des frottements peuvent se développer essentiellement en ski alpin et en ski alpinisme, aussi appelé ski de randonnée
En ski de fond, c’est moins le cas, car la chaussure est plus confortable. La pathologie en ski de fond est anecdotique : c’est un sport doux et peu traumatique.
En ski alpin cependant, deux contraintes existent. Les skieurs ont des chaussures très rigides et également très près du pied, de façon à ressentir les moindres variations de terrain et les contraintes.
En ski alpinisme, c’est la chasse au poids. Ce sont donc des chaussures minimalistes ou en carbone, pesant moins d’un kilogramme.

Quelle est la différence entre ski alpinisme et ski de fond ?

En ski de fond, c’est un parcours sur une piste vallonnée. Il y a deux techniques : le pas alternatif et le skating ; dans les deux cas vous vous aidez de vos bâtons.
En ski alpinisme, vous avez des skis ressemblant à ceux du ski alpin, mais beaucoup plus légers, avec des fixations spéciales qui, à la montée, deviennent comme des skis de ski de fond (c’est-à-dire que le talon se libère). Vous mettez des peaux sous les skis pour pouvoir grimper comme si vous montiez une montagne avec 1 000 ou 1 500 mètres de dénivelés. Arrivé en haut, vous enlevez les peaux, changez la position de la fixation, verrouillez la chaussure, qui devient alors très rigide et vous descendez le plus vite possible.
Ce sport se démocratise. Nous avons l’une des plus grandes sportives françaises, Laetitia Roux, multiple championne du monde. Elle est la reine dans sa discipline avec une vingtaine de titres de championne de France et de nombreux titres de championne du monde. Le ski alpinisme devait rentrer aux Jeux olympiques pour les prochaines éditions.

Que peut-on faire face à des déformations du pied trop importantes ?

Quand la chaussure a été déformée et que le problème n’est pas réglé, il y a une alternative : ce que j’ai appelé le footfitting (figure 3).

Figure 3 – Avant/après un foot fitting sur un hallux valgus.

Au lieu de déformer la chaussure, on déforme directement le pied. On retire les parties saillantes de façon à retrouver du confort dans la chaussure.
La déformation du pied se fait sur des pathologies classiques déformantes du pied, retrouvées dans la chaussure de tous les jours : l’hallux valgus (déformation du premier rayon) et le quintus varus (déformation du cinquième rayon), très fréquent chez les skieurs, venant frotter sur l’extérieur de la coque (figure 4).

Figure 4 – Avant/après un foot fitting sur un quintus varus.

En fin de saison, la plaie peut être presque à l’os tellement il y a eu de frottements sur le petit doigt de pied. Il s’agit de la même déformation pour le quintus varus et l’hallux valgus : l’étalement du pied.
Cette déformation se corrige chirurgicalement par des ostéotomies, c’est-à-dire qu’on va couper l’os d’une certaine manière, puis déplacer la tête saillante au niveau de l’extérieur, pour la remettre à l’intérieur. Globalement, une fracture spéciale est créée, nous permettant de changer la forme de l’os, réparé ensuite avec une vis.
Cette chirurgie n’est pas réservée au sportif de haut niveau, c’est pour toute personne qui à un moment donné n’arrive plus à rentrer dans ses chaussures.

Historique – La chaussure de ski (figure 5)

Figure 5 – La chaussure de ski.

1948 : Création de la première chaussure de ski moderne par Robert Bob Lange (marque Lange).
1965 : Apparition des premières boucles métalliques.
1968 : Création de la première chaussure pour femme, « la compétite ».
1971 : Naissance de la première chaussure de ski de compétition.

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