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Les capteurs d’activité : gadgets ou outils pour une santé connectée ?

Dr Jean-Michel Guy (Centre de réadaptation cardiorespiratoire de la Loire, Saint-Priest-en-Jarez)

Le podomètre et le cardiofréquencemètre nous permettaient, jusqu’à présent, de faire prendre conscience objectivement à nos patients de leur niveau d’activité physique, de les surveiller et de les conseiller. Mais, depuis quelques années, les bracelets capteurs d’activité sont apparus. Simples objets à la mode ou réels outils pour l’utilisateur ? Peuvent-ils également être une aide lors de la prise en charge « médicale » ?

Invasion des objets connectés pour la santé

Depuis 2013, les applications et les objets connectés envahissent notre quotidien. Du pèse-personne fournissant en temps réel des conseils avisés à l’utilisateur aux appareils ménagers, et bientôt les voitures, les applications concernant la santé et l’activité physique représentent sans aucun doute le début d’un changement dans nos pratiques médicales.

Ainsi, 3 millions d’objets connectés auraient été vendus en France en 2014. Et le seul marché du capteur d’activité est grandissant puisque l’on admet qu’il devrait s’en vendre 11 millions en 2016. D’abord mis sur le marché par les spécialistes du bienêtre, ils sont maintenant également fabriqués par des spécialistes du  GPS, du sport et de l’informatique. La plupart des capteurs d’activité enregistrent puis communiquent les données via un ordinateur ou un smartphone.

Le bracelet d’activité se décline sous plusieurs formes : simple bracelet « aveugle » sans écran, montre, pendentif ou encore boîtier à « clipser », à mettre dans sa poche. Il est généralement ultra léger, résistant, discret et, bien sûr, design. Son autonomie varie de quelques jours à plus d’un an en fonction des systèmes (bluetooth, low-energy, écran e-Ink) et aussi de sa capacité de stockage de mémoire.

Fonctionnalités des objets connectés pour la santé

Fonctions de base

Les bracelets d’activité proposent tous la même fonction de base (nombre de pas et distance parcourue), mais ils se distinguent aussi par des caractéristiques de plus en plus inventives. Ils sont équipés au moins d’un accéléromètre, et pour certains d’un gyromètre, d’un cardiofréquencemètre, voire d’un altimètre.

Podomètre et distance

Grâce à l’accéléromètre, le podomètre détecte en trois dimensions le type d’activité (marche, course,  montée d’escalier, etc.). Le nombre de pas effectués dans la journée et la distance approximative parcourue sont mesurés. Le bilan quantitatif et qualitatif de l’activité ainsi que les temps d’inactivité sont fournis par certains appareils. Mais les activités de type course sur tapis ou vélo d’appartement ne peuvent être mesurées.

Nombre de calories brûlées

La plupart des modèles indiquent une valeur calculée des calories dépensées à partir du nombre de pas effectués, du sexe, du poids, de l’âge et de la condition physique du sujet.

Fréquence cardiaque

Certains bracelets sont équipés d’un cardiofréquencemètre avec ceinture thoracique « classique » et d’autres, plus récents, d’un capteur optique sous le bracelet (système Pulsence) dont la précision semble satisfaisante.

Sommeil

L’enregistrement des mouvements nocturnes détermine la structure et la qualité du sommeil (temps d’endormissement, nombre de réveils, heures de repos et heures de sommeil agité).
Quelques-uns sont dotés d’une alarme permettant un réveil au moment le plus opportun du cycle de sommeil pour un lever dans les meilleures conditions.

Divers

Enfin, certaines applications tiennent compte de l’alimentation (calories, lipides, glucides, protéines, fibres et taux de sel) grâce au scan des codes-barres d’images ou d’aliments dans la base de données proposée par l’application.
D’autres proposent l’estimation de la température corporelle, la mesure du temps d’exposition solaire et également la mesure du taux d’oxygénation du sang.

Restitution des données

Ces émetteurs-récepteurs restituent secondairement les données mémorisées en les interprétant sous la forme d’un bilan plus ou moins détaillé. Un transfert vers un smartphone ou un ordinateur est donc nécessaire (USB ou système sans fil, ANT+ ou Bluetooth).
La plupart des bracelets sont compatibles avec les systèmes Android, iOS et fonctionnent sous Windows ou Mac. Ils ne peuvent donc pas être utilisés avec des téléphones un peu plus anciens.

Fiabilité des outils connectés

Techniquement, ces capteurs semblent au point même si la précision de la mesure dépend des algorithmes d’interprétation des mouvements détectés, propres à  chaque fabricant (il est parfois difficile de distinguer marche ou piétinement, avec et sans mouvement des bras).
Pour la distance parcourue, le bracelet que chacun étalonne en fonction de sa foulée sera plus fiable qu’un modèle basé sur une foulée standard en fonction de la taille. Quant au décompte de calories brûlées, il est aussi approximatif, pour les mêmes raisons que celles données pour certains appareils ergométriques utilisés dans les salles de sport.

À qui s’adressent les objets connectés pour la santé ?

Un outil pour encourager à bouger

Le bracelet d’activité a surtout été conçu pour mesurer l’activité dépensée dans les tâches courantes de la vie quotidienne 24 h/24 (courses, ménages, escaliers, jardinage, déplacements, activités professionnelles…). se prête moins bien aux activités sportives. En effet, le sportif préférera un système lui apportant d’autres données immédiates pendant son effort (vitesse maximale, vitesse moyenne, fréquence cardiaque, cadence de  pédalage…). Le bracelet est plutôt là pour encourager à bouger ! Il permet de définir un objectif quotidien et de suivre les progrès sur la durée.
Des applications sur smartphone proposent aussi de partager ses performances grâce aux réseaux sociaux en comparant son activité à celle d’une autre personne et ainsi (peut-être) d’augmenter sa propre motivation. Certains modèles génèrent des alertes pour rappeler à l’ordre en cas d’inactivité prolongée, lancent des défis et procurent des conseils avisés.
Le capteur d’activité reste sans aucun doute un objet à la mode comme toute nouvelle technologie connectée et l’on peut craindre son abandon au bout de quelques mois d’utilisation par lassitude, comme le sont souvent le cardiofréquencemètre ou le vélo d’appartement devenu poussiéreux. Par ailleurs, il nécessite des habitudes techniques, limitant certainement son utilisation.

Un outil de prévention

Bien que 30 % des Français utilisent déjà des objets connectés, le bracelet n’est peut-être pas encore à la portée de tous les sujets qui pourraient en bénéficier. Au-delà de l’utilisation individuelle, chez des sujets motivés, curieux et aguerris aux nouvelles technologies connectées et aux réseaux sociaux, on peut penser que ces bracelets représentent une réelle opportunité pour améliorer la qualité des soins et surtout les résultats parfois décevants obtenus dans le cadre de la prévention. Ils représentent un véritable outil d’aide à la  motivation pour l’activité physique et la lutte contre la sédentarité. Le simple podomètre a déjà montré l’impact de son utilisation sur la pérennité des modifications de comportement vis-à-vis de l’activité physique (1, 2). Plus précis et plus complets, ces bracelets apportent des éléments quantitatifs et qualitatifs utiles aux médecins chargés de la surveillance de sujets ou patients chez lesquels l’activité  physique représente un enjeu majeur de santé. Dans tous les cas, malheureusement, la prescription d’un bracelet connecté ne suffira pas à modifier le comportement du patient ! Elle  nécessite en plus un contact humain initiateur d’une relation incontournable à la mise en place d’un suivi et d’un parcours de soin pour un résultat favorable et durable.

Un outil pour la télésurveillance

En plus d’un support dans l’éducation thérapeutique du patient, l’utilisation des objets connectés va s’intégrer complètement dans la télésurveillance médicale. Grâce à ces outils, le suivi des paramètres cliniques et la transmission de signes d’alerte seront plus facilement envisageables. Les actimètres, comme les autres outils du type balance, tensiomètre, lecteur de glycémie ou pilulier, peuvent permettre de dépister les situations à risque, reposant sur l’identification précoce des facteurs dits de « fragilité » comme le niveau d’activité motrice.
Le concept d’actimétrie permet, en utilisant des capteurs insérés dans l’environnement ou portés par le sujet, de dépister des variations anormales de l’activité et de favoriser l’autonomie des personnes fragiles tout en leur assurant sécurité et assistance.

Conclusion

L’offre des produits connectés capables de tracer l’activité physique de chacun est importante, avec une qualité et des fonctionnalités très différentes, à adapter en fonction des objectifs fixés. Ce sont sans aucun doute des outils utiles comme l’a été le cardiofréquencemètre lors de son apparition.
L’outil connecté peut être une source de motivation pour la reprise d’une activité physique et pour concrétiser des objectifs de remise en forme. Il est déjà pour certains un élément de la relation patient/médecin même si, à cette heure, il n’y a pas encore d’évaluation scientifique permettant d’en évaluer les bénéfices.
Le champ d’utilisation dans le cadre des maladies chroniques cardiologiques et métaboliques, de la gériatrie ou de la médecine du travail est vaste.

> Bibliographie <

Revues

Médecins du sport

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