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Pratique sportive à basse température

Interview du Pr Laurent Grélot (docteur en physiologie-neurophysiologie, professeur des universités en STAPS, enseignant de physiologie à l’université d’Aix-Marseille) réalisée le 15 juin 2017

L’être humain possède de remarquables facultés d’adaptation lui permettant de pratiquer des activités sportives dans des conditions environnementales extrêmement défavorables. Le Pr Laurent Grélot nous explique ce qui se passe à basse température.

Peut-on pratiquer une activité sportive dans un environnement à basse température ?
Il faut distinguer le milieu aérien du milieu aquatique. On peut tout faire dans un air froid, voire très froid (ex. : course des 100 km de l’Antarctique). Il suffit d’adapter ses vêtements en fonction de la température de l’air, du vent relatif (effet wind chill), de son morphotype (pourcentage de masse grasse) et de l’intensité de l’activité physique qui conditionne sa propre production de chaleur.
Dans l’eau (excellent conducteur thermique), on se refroidit 25 fois plus vite. Le danger est de développer une hypothermie sévère conduisant à une noyade secondaire.

Revenons un peu sur le sport en milieu « aérien ». Quels types d’équipements conseillez-vous ?
Il convient d’appliquer le principe des trois couches (transfert, isolation et protection ; voir encadré). Si les conditions extérieures deviennent extrêmes, on augmente la couche d’isolation. Autrefois, en alpinisme par exemple, il fallait se parer de sept ou huit couches pour ne pas avoir froid. Il faut se rappeler également qu’en milieu froid, il y a une forte perte de chaleur par la tête, qu’il faudra donc couvrir. Il est par ailleurs indispensable de ne pas avoir la peau mouillée. Porter un vêtement mouillé refroidit le corps encore plus vite que de ne pas porter de vêtements (froid + humidité = danger).

Principe de couverture multicouche
En pratique on se couvre :
• d’une couche qui ne garde pas l’eau. C’est le transfert.
• d’une couche qui garde la chaleur en laissant évaporer l’eau (laine polaire ou laine). Elle agit comme tampon thermique. C’est l’isolation.
• d’une couche de protection contre le vent et les intempéries (Gore-Tex®). C’est la protection.
Ne pas oublier la protection des mains, des yeux et de la tête.

Les tenues sont-elles les mêmes avant, pendant et après l’activité ?
Au maximum d’une activité aérobie, notre production de chaleur est multipliée par 15 à 20 ; on a donc rarement froid. Mais dès l’arrêt, il faut rapidement élever la couche d’isolation sous peine de chute brutale de la température centrale. À l’inverse, il faut prendre garde à ne pas être trop couvert pendant l’activité pour ne pas risquer le coup de chaleur, qui paradoxalement n’est pas si rare en milieu froid (ex. : chez les militaires lourdement chargés marchant rapidement). Finalement, les adaptations à faire en cas de froid intense ne sont pas spécifiques à la pratique sportive. Les mêmes problématiques existent dans d’autres domaines, comme au travail par exemple.

Et en milieu aquatique ?
En fonction de la température de l’eau, de la durée et de l’intensité de l’activité physique, il est indispensable, ou à l’opposé dangereux, de porter des vêtements isolants. Prenons l’exemple du triathlon. La réglementation sportive de la fédération française est stricte : la combinaison isothermique (épaisseur maximale de 5 mm) est obligatoire quand la température de l’eau est inférieure à 16 °C et interdite quand elle dépasse 24 °C (triathlon XXL de type Ironman).

Quels sont les risques d’une pratique sportive à basse température ?
Il existe moins de dangers immédiats qu’à haute température (lire l’article). Il ne faut cependant pas négliger les risques d’une pratique sportive à basse température. Au-delà des risques d’engelures et de gelures, la perte de connaissance apparaît en deçà d’une température centrale de 32 °C, et nous plongeons dans le coma à une température centrale autour de 30-28 °C. Les autres risques sont à plus long terme : AVC et pathologies respiratoires et cardiaques peuvent intervenir dans les semaines qui suivent.
En région polaire et/ou en haute montagne, les sportifs longuement exposés au froid et insuffisamment protégés peuvent développer une hypothermie (température centrale < 35 °C). La température peut chuter rapidement. Inconscient, on ne frissonne plus et nous ne luttons plus contre le froid. Le danger mortel est évident. Pourtant, un petit garçon a survécu à une hypothermie accidentelle, avec une température centrale de 12,7 °C, un record !
Les problèmes de gelure au niveau des extrémités (risques d’amputation) sont de moins en moins fréquents. En effet, aujourd’hui, les conditions météorologiques sont connues avant le départ. Le matériel thermique est plus performant et les secours plus rapides et plus efficaces.

Qu’en est-il en milieu aquatique ?
Il faut savoir que nous nous nous refroidissons plus vite dans l’eau à 10 °C que dans l’air à 0 °C. Dans l’eau froide (moins de 15 °C), nous risquons le collapsus vasculaire. Cet effondrement observé même après sauvetage est un phénomène complexe peu prévisible (ex. : décès de nageurs en fin de traversée de la Manche).

Les risques d’une exposition au froid
• Onglée : engourdissement douloureux au bout des doigts. La phase de réchauffement est très douloureuse et peut s’accompagner de nausées.
• Engelure : papules violacées siégeant aux extrémités préférentiellement aux pieds s’accompagnant d’œdème et de prurit.
• Gelure : lésion profonde avec nécrose tissulaire par défaut de vascularisation.
• Hypothermie accidentelle centrale : les organes diminuent leur métabolisme à des degrés divers entraînant une symptomatologie riche et variée selon la profondeur de l’hypothermie et l’état hémodynamique.

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