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Problème d’excoriations chez un jeune rugbyman

Dr Pierre Frances (Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Dr Cécilia Contreras (Médecin généraliste, formation Hippokrates, Madrid)

Thomas, 14 ans, a récemment été accepté dans une section sport-étude. De ce fait, il pratique de manière intensive le rugby, sport qu’il affectionne particulièrement. Cependant, depuis quelques jours, il a noté la présence de lésions érosives au niveau de son visage, lésions qui se révèlent très inesthétiques (Fig. 1).

Figure 1 – Depuis quelques jours, des lésions érosives sont visibles sur le visage de Thomas, 14 ans.

Questions

1. Comment décririez-vous les lésions de ce patient ?

2. À quels diagnostics devez-vous penser ?

Réponses

1. Comment décririez-vous les lésions de ce patient ?

Les lésions, ovalaires pour la plupart, présentent un caractère érythémateux. Les limites de ces formations ne sont pas très bien définies. On note, par ailleurs, la présence de croûtes, mais aussi au centre de certains placards, l’existence d’un enduit de couleur jaune miel (mélicérique). La présence de ces lésions arrondies, dont la taille est variable, avec l’existence d’un enduit mélicérique, est pathognomonique d’un impétigo.

2. À quels diagnostics devez-vous penser ?

Plusieurs diagnostics différentiels se discutent :

la dermite de contact allergique. Néanmoins, cette dernière ne présente pas cet aspect mélicérique et croûteux, mais plutôt un aspect érythémato-maculeux ;

l’affection herpétique. Elle se caractérise par des lésions vésiculeuses en bouquet le plus souvent localisées au pourtour de la bouche ;

les infections à dermatophytes (dermatophytie circinée). Elles ne présentent ni cet aspect excorié ni cet enduit mélicérique ;

le pemphigus vulgaire. Il donne des lésions plus étendues, avec un aspect de bulle.

Discussion

L’impétigo est une pyodermite superficielle de la peau. L’épiderme de la peau (et plus particulièrement la couche cornée) est infecté par des bactéries : Staphylococcus aureus ou Streptococcus pyogenes. Parfois, on peut retrouver sur une même lésion les deux souches bactériennes.

Clinique

La lésion initiale est une lésion vésiculeuse sous-cornée dans laquelle se rencontrent des polynucléaires neutrophiles et des bactéries. Cette lésion devient secondairement vésiculopustuleuse. Par la suite, la vésicule se rompt et laisse apparaître une base érythémateuse, souvent suintante. Alors, une croûte se forme : elle prend un aspect jaune miel ou mélicérique à certains endroits. Les lésions peuvent se développer en donnant des placards surinfectés. L’évolution est souvent favorable, et les érosions prennent l’aspect d’une forme circinée (elle correspond à une ébauche de guérison).

Origine du développement de cette affection

Le plus souvent, cette affection se rencontre chez des enfants en période estivale (rôle de la chaleur dans la multiplication bactérienne) et ayant des conditions d’hygiène douteuses (cas des colonies de vacances).

Généralement, on observe des épidémies dans des collectivités du fait de l’importante contagiosité de cette pathologie.

Cependant, la pratique de sports de combat expose également le patient à ce risque infectieux. Ainsi, de nombreux cas d’infections et d’épidémies ont été décrits chez des judokas, des pratiquants de football américain, des lutteurs, des escrimeurs.

Plusieurs mécanismes sont généralement responsables du développement de l’impétigo :

Les traumatismes physiques. Ces derniers favorisent une atteinte de l’intégrité de l’épiderme, élément permettant un passage de microorganismes au niveau percutané. Il peut s’agir d’un traumatisme avec contact d’une surface inerte, traumatisme secondaire au port de certains vêtements, ou traumatisme par affrontement direct au niveau cutané entre deux compétiteurs. Dans ce dernier cas, les risques infectieux sont proportionnels à la durée du contact cutané.

Certains facteurs ambiants (cas de la sudation ou de l’occlusion due au port de certaines tenues). Ils favorisent ce développement bactérien.

L’échange de maillots en fin de match ou le partage de serviettes dans les vestiaires. Cela peut contribuer au développement de ces infections.

La sous-évaluation du risque infectieux par les sportifs. Une simple plaie est souvent négligée, et peut, dans le cadre de l’impétigo, se propager rapidement.

Cas particulier de l’impétigo et de la pratique du rugby

Cette affection est très fréquente. Dans le cas du rugby, le staphylocoque est retrouvé dans 90 % des cas. En effet, lors de cette activité, il existe un contact important et prolongé entre les joueurs. Ce contact a lieu le plus souvent au niveau de la face (les joues, les arcades sourcilières, le menton et la région périauriculaire). La mêlée est le moment le plus propice au développement de l’impétigo. Les Anglo-saxons ont d’ailleurs donné un nom spécifique à cette forme d’impétigo – le scrum pox dont la traduction s’apparente à la variole de la mêlée – qui peut dans certains cas devenir bulleux.

Mesures préventives et traitements

Compte tenu de l’importante contagiosité de cette pathologie, des mesures sont nécessaires pour éviter des épidémies au sein de clubs sportifs. À titre préventif, plusieurs mesures doivent être respectées :

• nettoyer le corps en fin d’activité sportive ;

• laver tous les vêtements utilisés lors de la pratique du sport avant de les réutiliser ;

• se couper régulièrement les ongles ;

• éviter de partager les vêtements entre joueurs (serviettes, maillots) ;

• nettoyer et désinfecter toute plaie secondaire à un traumatisme survenu au cours de la pratique du sport. Souvent, un traitement local est suffisant pour éviter un développement bactérien.

À cet effet, il convient de réaliser une désinfection et une détersion des lésions surinfectées au moyen de solutions antiseptiques (polyvidone iodée, chlorhexidine, solution de Dakin). Des émollients peuvent être utilisés pour ramollir les croûtes et favoriser une cicatrisation. On peut utiliser les antibiotiques locaux comme la mupirocine durant 10 jours. Cependant, dans certaines situations, l’infection est plus étendue et nécessite le recours à une antibiothérapie. Dans ce cas, nous utilisons une pénicilline M ou une association pénicilline- acide clavulanique. Dans les cas d’allergie, il est possible de recourir aux céphalosporines, aux macrolides ou à la pristinamycine.

Pour en savoir plus

1. Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Éd. Vivactis plus 2010.

2. Habif T. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. Éd. Elsevier 2008.

3. Saurat JH, Lachapelle JM, Lipsker D, Thomas L. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Éd. Masson 2009.

4. Estève E, Poisson DM. Pathologies cutanées des judokas : étude prospective d’un pôle France. Médecins du sport 2008 ; 87 : 33-4.

Revues

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