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Rugby : intérêt de l’isocinétisme dans les lombalgies

Dr Jean-Baptiste GRISOLI, entretien réalisé le 9 mars 2017

L’isocinétisme est un outil devenu indispensable en médecine du sport pour évaluer la force musculaire des sportifs. Le Dr Jean-Baptiste Grisoli, du pôle de médecine physique et réadaptation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et médecin de l’équipe de France de rugby, nous éclaire sur cette technique, très utilisée chez les rugbymen.

Comment définissez-vous l’isocinétisme ?
L’isocinétisme est le meilleur outil dont nous disposons pour évaluer les forces musculaires et les déséquilibres des chaînes musculaires dans certaines articulations en mouvement.
Cette technique a été inventée dans les années 1970 par la NASA dans le but d’évaluer la perte de forces musculaires par les astronautes après un vol gravitationnel. En effet, à l’époque il n’existait pas d’outils assez précis. Avec les tests de musculation ou les évaluations cliniques, on passait à côté d’un tiers des déficits musculaires. En pratiquant différents tests, nous nous sommes aperçus que des déséquilibres de force entre abdominaux et muscles du dos, par exemple, pouvaient entraîner des lombalgies à long terme. L’isocinétisme s’est ensuite imposé dans le sport.
L’appareil utilisé est un dynamomètre qui contrôle la vitesse du mouvement et permet d’adapter la résistance à l’effort produit par le sportif. En même temps qu’il produit l’effort, la machine analyse la force qu’il exerce.

L’isocinétisme est basé sur la réalisation de contractions excentriques et concentriques. Dans quel cas utilise-t-on l’une ou l’autre ?
Les contractions concentriques permettent d’évaluer la force d’un muscle qui se raccourcit, alors qu’avec les excentriques, on évalue la force du muscle lors d’une résistance à son étirement, c’est-à-dire la force élastique. Certains muscles sont plus voués à se raccourcir, d’autres au contraire à résister de façon élastique. L’utilisation des contractions concentriques et excentriques dépend donc de la nature du muscle et de l’effet recherché.
Pour les lombalgies, on utilise beaucoup le concentrique, l’excentrique étant stressant pour le patient, car on lui demande de résister à une force dans le dos qui le plie en deux. Ces exercices génèrent donc beaucoup d’appréhension. En général, on réserve cela uniquement à certains sportifs de haut niveau.

En pratique, comment se passe une séance ?
L’isocinétisme peut être utilisé en prévention primaire. Nous nous sommes en effet aperçus que des blessures pouvaient être évitées lorsque des déséquilibres musculaires étaient mis en évidence avant l’apparition de la douleur. La force musculaire est évaluée par un test de 30 minutes, qui comprend l’échauffement sur la machine et l’apprentissage des mouvements. On évalue ce qu’on appelle la puissance « pure » lors d’un premier test à vitesse lente, puis la force explosive et la résistance à l’effort au cours d’un second test à vitesse rapide.
L’isocinétisme a aussi un intérêt majeur en prévention secondaire. En cas de déséquilibre, un protocole de rééducation, de correction et de renforcement est mis en place. Chez des patients lombalgiques, en plus des séances de kinésithérapie « classiques » (étirements, corrections des gestes, travail d’assouplissement des cuisses, etc.), nous leur faisons travailler spécifiquement les muscles du dos ou les abdominaux.
À chaque séance, on réévalue le patient afin de voir s’il progresse et de lui proposer un protocole adapté. Une fois les défauts corrigés, l’objectif est que le sportif intègre une routine dans sa préparation physique.

Les lombalgies sont-elles fréquentes chez les rugbymen ?
Oui, car il s’agit d’un sport de poussée et de contact. Au rugby, vous poussez/levez des charges lourdes, ce qui entraîne un risque de se faire mal au dos, tout comme les exercices de musculation de travail à charge lourde. Il est classique de se coincer le dos en levant mal un carton, alors imaginez si vous devez lever 250 kg… Même en étant en forme et entraîné, des lumbagos et des crises de lombalgies peuvent survenir.

Quelles sont les spécificités dans la prise en charge des rugbymen ?
La spécificité réside dans la puissance musculaire qu’ils ont. On ne s’attend pas à la même puissance chez un nageur que chez un rugbyman. Chaque sport génère des normes de puissance à avoir.
Comme nombre de sportifs, les rugbymen sont très musclés au niveau des abdominaux, mais ont peu de force au niveau du dos : cela crée un déséquilibre, ils manquent de muscles érecteurs pour se redresser. Or, un défaut de force musculaire au niveau du dos peut être corrigé avant l’apparition de la douleur.

Tous les sportifs peuvent-ils avoir accès à l’isocinétisme ?
L’isocinétisme est devenu indispensable dans le sport de haut niveau. Toutefois, les machines sont très coûteuses. Tous les clubs professionnels n’en sont donc pas dotés, et les kinésithérapeutes de villes n’ont pas forcément les moyens d’en acquérir non plus. De ce fait, beaucoup de sportifs n’ont pas accès à l’isocinétisme, bien que son utilisation tende à se démocratiser de plus en plus.

L’isocinétisme : de nombreuses applications.

L’isocinétisme a des applications pour des traumatismes autres que les lombalgies. Citons par exemple :
• les claquages des ischio-jambiers (football…) ;
• les traumatismes des ligaments croisés (football, rugby, handball…)
• les entorses de cheville (basketball, volley-ball…) ;
• les tendinites de l’épaule (volley-ball, handball, baseball…).

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