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Les PRP ont-ils un intérêt dans les lésions musculaires aiguës ?

Dr Baptiste Coustet (Rhumatologue, médecin du sport, INSEP, Paris)

Les lésions musculaires aiguës intrinsèques concernent spécifiquement le sportif et impliquent des arrêts parfois prolongés et des risques de récidive. Le traitement médical initial avec ponction d’un éventuel hématome et la rééducation précoce sont des éléments essentiels pour une récupération plus rapide, mais qui reste tout de même longue pour un sportif de haut niveau. Trouver des traitements pouvant accélérer la cicatrisation reste un défi et les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) peuvent représenter un candidat compte tenu de leur sécurité d’emploi.

Stratégies de prise en charge des lésions musculaires aiguës

Les lésions musculaires intrinsèques représentent environ 1/3 des blessures sportives, l’atteinte des ischiojambiers représentant une complication redoutable pour un sportif de haut niveau. Les délais de reprise peuvent être longs, et la blessure compliquée d’une perte de force musculaire et de performances, de douleurs itératives, mais aussi d’un risque de récidive d’environ 40 %. Bien que de nombreux facteurs de risque aient été décrits, l’antécédent de lésion musculaire reste le principal facteur de survenue. Certaines stratégies d’entraînement et de préparation physique ont permis de réduire la survenue de ces lésions, sans les faire disparaître (1). Le traitement conventionnel de ces lésions musculaires est conservateur dans la quasi-totalité des cas, débutant immédiatement après la lésion par le protocole POLICE (Protection, Optimal Loading, Ice, Contention and Elevation). L’existence d’un hématome justifie une surveillance échographique régulière afin de dépister la phase liquidienne de l’hématome et permettre son évacuation. La rééducation précoce et prolongée durant toute la phase de cicatrisation est primordiale.

Le PRP pour accélérer la cicatrisation : des résultats expérimentaux conflictuels

Les contraintes de temps et économiques du sport professionnel ont contribué à développer des traitements pour accélérer la cicatrisation des lésions musculaires. Le Plasma Riche en Plaquettes (PRP) est un produit sanguin autologue contenant de multiples facteurs de croissance ayant des effets anti-inflammatoires et cicatrisants qui ont mené à plusieurs indications en appareil locomoteur (tendinopathies chroniques, lésions tendineuses ou aponévrotiques aiguës, chondropathies…). De par sa haute sécurité d’emploi et ses effets indésirables restant exceptionnels, le PRP, simple à obtenir par une prise de sang de faible volume, puis réinjecté localement, a logiquement été étudié en modèles animaux et chez le sportif blessé. Les résultats chez l’animal sont conflictuels. En effet, l’injection de PRP dans des modèles se rapprochant le plus des lésions traumatiques uniques sportives ne montre aucun bénéfice sur la cicatrisation, quel que soit le délai d’administration après lésion musculaire (2). Néanmoins, les impératifs sportifs ont incité plusieurs groupes à s’intéresser aux effets potentiels des injections de PRP en pratique clinique, principalement dans les lésions musculaires des ischio-jambiers.

Que peut-on retenir des études cliniques fin 2016 ?

Seules les études contrôlées ont été retenues et sont résumées dans le tableau 1.

L’étude cas-contrôle de 2013 de Rettig et al. (3) avait décrit rétrospectivement l’effet d’une injection de PRP dans les 48 h suivant une lésion des ischio-jambiers de grade 1 ou 2 en IRM chez 5 joueurs de football américain de la National Football League (NFL). Ces joueurs étaient appariés à 5 autres joueurs avec lésions similaires n’ayant pas reçu d’injection de PRP. Les délais de retour au jeu (DRJ) ne différaient pas entre les deux groupes, respectivement de 20 jours (16-30) pour le groupe PRP et de 17 jours (8-81) pour le groupe non- PRP, avec les limites méthodologiques classiques de ce type d’étude. Six études prospectives ont ensuite été publiées pour proposer une réponse quant à l’efficacité potentielle des PRP dans les lésions musculaires aiguës.

  • Hamid et al. observaient en 2014 (4) dans un essai randomisé comparé à un groupe contrôle de sportifs loisir, qu’une injection de PRP dans 14 lésions musculaires de grade 2 échographique permettait de diminuer significativement le DRJ de 42,5 à 26,7 jours. Cependant, l’absence de placebo et l’effectif faible limitaient la possibilité de conclure à une efficacité des PRP.
  • Reurink et al. (5) ont rapporté dans un essai multicentrique randomisé contre placebo (injection de sérum physiologique) que 2 injections de PRP à une semaine d’intervalle pour des lésions musculaires de grade 1 ou 2 en IRM ne modifiaient pas le DRJ, restant à 42 jours. La seule limite concernait la population sportive loisir.
  • Hamilton et al. (6) ont comparé dans une étude randomisée les DRJ de 30 sportifs de haut niveau ayant bénéficié d’une injection de PRP précoce, 30 autres traités par plasma pauvre en plaquettes (PPP) et 30 autres non injectés et servant de contrôle. Les lésions musculaires étaient de grade 1 ou 2 en IRM. Le DRJ ne différait pas entre le groupe PRP et contrôle, respectivement de 21 et 25 jours. Il existait une différence significative entre les groupes PRP et PPP, ce dernier ayant un DRJ à 27 jours, sans pouvoir affirmer cependant qu’il s’agissait d’un authentique groupe placebo. Ces 3 études ont ainsi été incluses dans une méta-analyse (1) de 2015, concluant à l’absence d’efficacité du PRP dans les lésions musculaires concernant le DRJ (HR 1,03 [0,87- 1,22]) et le risque de récidive (HR 0,88 [0,45-1,71]).
  • Il faut également signaler l’étude française non randomisée de Guillodo et al. (7) ne montrant aucune efficacité d’une injection de PRP pour lésion musculaire des ischio-jambiers de grade 3 en IRM chez 19 sportifs loisir (DRJ de 50,9 jours comparé à 52,8 jours chez 19 contrôles). Deux études parues en 2016 n’ont pas modifié les conclusions de la méta-analyse de Pas et al (1).
  • L’étude de Martinez-Zapata et al. (8) s’intéressait aux lésions du mollet ou droit fémoral avec hématome (grade 3 échographique) et randomisait 32 sujets recevant une injection de PRP tardive (14,2 jours en moyenne après la lésion) après ponction d’hématome, comparés à 28 sujets avec ponction seule réalisée 21,6 jours après la lésion. Les DRJ chez ces sportifs loisir ne différaient pas, malgré la ponction plus tardive de l’hématome dans le groupe placebo. Ce groupe est considéré placebo bien qu’il n’y ait pas eu d’injection de sérum physiologique, tous les sujets étant prélevés sanguin puis mis en aveugle au sens propre de la ponction d’hématome et de l’éventuelle injection de PRP. La limite principale de cette étude, en dehors d’une population sportive non élite, était l’injection tardive de PRP et le contexte d’hématome musculaire, considéré par certains comme un équivalent physiologique de PRP.
  • Enfin, l’étude de Rossi et al. (9) comparait dans une étude randomisée en simple aveugle sans placebo, 35 sportifs avec lésion de grade 2 non exclusivement des ischio-jambiers ayant reçu une injection de PRP précoce et corrélée au volume lésionnel échographique, à un groupe contrôle. Une différence significative de 4 jours était observée en faveur des PRP. Cependant, l’étude n’incluait pas de groupe placebo et ne portait pas uniquement sur une population de sportifs de haut niveau, ce qui laisse de nombreux doutes dans l’interprétation des résultats.
  • Il faut noter, à titre d’exhaustivité, l’étude de 2013 de Bubnov et al. (10) qui comparait 17 lésions musculaires variées traitées par une injection de PRP sous contrôle échographique et 17 contrôles. Une diminution du DRJ à 10 ± 1,2 jours dans le groupe PRP, comparé à 22 ± 1,5 jours dans le groupe contrôle, a pu être observée. Cependant, aucune conclusion ne peut être retenue, la qualité méthodologique étant faible et les lésions musculaires incluses très larges (comprenant également des ruptures) et sans description précise, notamment de la répartition des lésions musculaires dans chaque groupe, pouvant influencer le résultat.

L’ensemble de ces études amène aux mêmes limites généralement rencontrées pour ce type de travail :

– Pertinence de raccourcir le DRJ de quelques jours chez un sportif loisir pour des lésions durant en moyenne 3 à 6 semaines.

– Définition du DRJ non consensuelle et souvent très dépendante des échéances sportives et de multiples paramètres.

– Type de PRP, kit utilisé, concentration plaquettaire, activation éventuelle, délai d’injection, nombre d’injections, détermination du placebo…

Conclusion

Plusieurs études contrôlées et randomisées, dont deux contre placebo, ont été menées pour tenter de démontrer l’intérêt des injections de plasma riche en plaquettes autologue afin de raccourcir le délai de retour au jeu ou diminuer le risque de récidive dans les lésions musculaires aiguës intrinsèques chez des sportifs de haut niveau ou loisir. À ce jour, ces études ne permettent pas de recommander l’usage des PRP dans ce cadre. Le développement de traitements non dopants permettant de diminuer la durée de cicatrisation des lésions musculaires reste un défi à ce jour.

Bibliographie

  1. Pas HI, Reurink G, Tol JL et al. Efficacy of rehabilitation (lengthening) exercises, platelet-rich plasma injections, and other conservative interventions in acute hamstring injuries: an updated systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med 2015 ; 49 : 1197-205.
  2. Delos D, Leineweber MJ, Chaudhury S et al. The effect of plateletrich plasma on muscle contusion healing in a rat model. Am J Sports Med 2014 ; 42 : 2067-74.
  3. Rettig AC, Meyer S, Bhadra AK. Platelet-Rich Plasma in Addition to Rehabilitation for Acute Hamstring Injuries in NFL Players: Clinical Effects and Time to Return to Play. Orthop J Sports Med 2013 ; 1 : 2325967113494354.
  4. A Hamid MS, Mohamed Ali MR, Yusof A et al. Platelet-rich plasma injections for the treatment of hamstring injuries: a randomized controlled trial. Am J Sports Med 2014 ; 42 : 2410-8.
  5. Reurink G, Goudswaard GJ, Moen MH et al. Platelet-rich plasma injections in acute muscle injury. N Engl J Med 2014 ; 370 : 2546-7.
  6. Hamilton B, Tol JL, Almusa E et al. Platelet-rich plasma does not enhance return to play in hamstring injuries: a randomised controlled trial. Br J Sports Med 2015 ; 49 : 943-50.
  7. Guillodo Y, Madouas G, Simon T et al. Platelet-rich plasma (PRP) treatment of sports-related severe acute hamstring injuries. Muscles Ligaments Tendons J 2016 ; 5 : 284-8.
  8. Martinez-Zapata MJ, Orozco L, Balius R et al. Efficacy of autologous platelet-rich plasma for the treatment of muscle rupture with haematoma: a multicentre, randomised, double-blind, placebocontrolled clinical trial. Blood Transfus 2016 ; 14 : 245-54.
  9. Rossi LA, Molina Rómoli AR, Bertona Altieri BA et al. Does plateletrich plasma decrease time to return to sports in acute muscle tear? A randomized controlled trial. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2016 ; DOI: 10.1007/s00167-016-4129-7.
  10. Bubnov R, Yevseenko V, Semeniv I. Ultrasound guided injections of platelets rich plasma for muscle injury in professional athletes. Comparative study. Med Ultrason 2013 ; 15 : 101-5.

Revues

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