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Migraine et sport : De l’importance de la sémiologie

Dr Christian Lucas (Clinique Neurologique, Hôpital Salengro, CHRU de Lille)

La classification internationale des céphalées (International Headache Society, ou IHS) permet, grâce à des critères précis, de poser le diagnostic de céphalées primaires (migraine, algie vasculaire de la face, céphalée de tension…) ou de céphalées secondaires qui nécessitent des investigations, parfois en urgence, car certaines étiologies de céphalées secondaires sont grevées d’une morbi-mortalité.

Les migraines touchent 6 à 7 millions de Français.

MIGRAINE SANS AURA

Les critères diagnostiques de la migraine sans aura, selon l’IHS (1), sont les suivants :

● A – Au moins 5 crises (2 crises dans la migraine avec aura) répondant aux critères B à D.

● B – Crise de céphalée qui dure de 4 à 72 heures (sans traitement).

● C – Céphalée avec au moins 2 des 4 caractéristiques suivantes : localisation unilatérale, caractère pulsatile, intensité modérée (gêne fonctionnelle importante) ou sévère (décubitus), aggravation par les activités physiques de routine (comme monter les escaliers par exemple).

● D – Durant les céphalées au moins une des 2 caractéristiques suivantes :

1. nausées et/ou vomissements,

2. photophobie et phonophobie.

● E – Examen clinique normal.

Cette affection touche environ 12 à 20 % de la population adulte française soit environ 6 à 7 millions d’individus. La prévalence est estimée à 5 % chez l’enfant. Elle peut exister dès l’âge d’un an et affecte aussi bien les garçons que les filles avant la puberté. Les signes digestifs sont souvent au premier plan (“crise de foie” ou “crise d’acétone”) chez l’enfant. Le sommeil est habituellement réparateur. C’est une maladie de l’adulte jeune qui débute avant 40 ans dans 90 % des cas. La prédominance est féminine à partir de la puberté avec un sex ratio de trois femmes pour un homme (femmes : 19 %, hommes : 6 %). La prévalence est maximale entre 35 et 44 ans.

MIGRAINE AVEC AURA

Les critères diagnostiques sont les suivants :

● A – Au moins 2 crises répondant aux critères B à D.

● B – Aura avec, au moins, l’un des caractères suivants :

1. symptômes visuels totalement réversibles incluant des phénomènes positifs (par exemple lumières scintillantes, taches ou lignes) et/ou négatifs (c’est-à-dire perte de la vision),

2. symptômes sensoriels totalement réversibles, incluant des phénomènes positifs (c’est-à-dire sensation de piqûre d’épingle) et/ou négatifs (c’està- dire engourdissement),

3. troubles dysphasiques totalement réversibles.

● C – Au moins deux des caractères suivants :

1. symptômes visuels homonymes et/ou symptômes sensoriels unilatéraux,

2. au moins un symptôme d’aura se développant progressivement sur au moins 5 minutes et/ou des symptômes différents d’auras survenant successivement sur au moins 5 minutes, 3

. durée de chaque symptôme  5 et  60 minutes.

● D – Céphalée répondant aux critères B à D, définissant une migraine sans aura qui débute pendant l’aura ou fait suite à l’aura dans un délai de 60 minutes.

● E – Non imputée à une autre pathologie.

Les migraines avec aura étaient dénommées antérieurement “migraines accompagnées”. Elles sont beaucoup plus rares puisqu’elles touchent 10 à 15 % des migraineux. L’aura la plus fréquente est de type visuel, suivie par les auras sensitives puis, plus rarement, par les auras de type aphasique.

Une aura a un développement progressif tout à fait évocateur (“la marche migraineuse”) : le dysfonctionnement neurologique focal s’effectue progressivement dans le temps et l’espace, avec des symptômes survenant en 5 à 30 mn et régressant totalement en moins d’une heure. Le symptôme le plus usuel, à savoir un trouble visuel s’étendant en tache d’huile en quelques minutes et peut s’enrichir de nouveaux signes neurologiques comme des paresthésies ou une aphasie. Cette “marche migraineuse” est pathognomonique. Au décours de l’aura migraineuse, s’installe habituellement une céphalée qui est de siège controlatéral à l’aura. Chez certains patients, la céphalée peut débuter avant l’aura ou pendant l’aura ou être absente (aura isolée).

Les différents types d’aura sont les suivants.

Les auras visuelles. Ce sont les plus fréquentes, elles affectent habituellement les 2 yeux soit sous la forme d’un scotome affectant progressivement l’ensemble du champ visuel, soit sous la forme d’une hémianopsie latérale homonyme. On note également l’existence fréquente d’un scotome scintillant, avec présence de lignes brisées scintillantes s’étendant de façon concentrique vers la périphérie du champ visuel, présent les yeux fermés. Certains patients se plaignent également de phosphènes avec visualisation d’éléments lumineux colorés et mobiles.

Les auras sensitives : engourdissement ou paresthésies unilatérales, s’étendant progressivement de l’extrémité des doigts jusqu’à l’avant-bras, affectant rarement un hémicorps.

Les auras aphasiques : rares, à type de paraphasies ou de troubles de la compréhension.

Les auras motrices ou cérébello-vestibulaires (exceptionnelles).

MIGRAINE ET EFFORTS PHYSIQUES

On peut observer de véritables migraines déclenchées par l’effort. Cependant, l’effort est un facteur déclenchant relativement rare des crises de migraine contrairement aux facteurs déclenchant psychologiques (stress, contrariétés…) ou hormonaux. La gestion thérapeutique peut reposer sur l’utilisation d’AINS avant l’effort ou par l’utilisation de triptans (2) lors de la céphalée migraineuse pour les sportifs ayant une pratique très épisodique ou sur un traitement de fond de la migraine pour les sportifs réguliers. On dispose de peu d’études sur l’intérêt du sport dans la migraine mais il semble qu’une activité physique régulière réduise la sévérité, la fréquence et la durée des crises migraineuses (3, 4).

CÉPHALÉES D’EFFORT 

Trois formes cliniques

Au sein de la classification IHS (1) figurent les céphalées d’effort qui comprennent 3 formes cliniques : les céphalées liées à la toux que nous ne détaillerons pas, les céphalées liées à l’exercice physique et les céphalées liées aux rapports sexuels.

Les céphalées d’effort essentielles sont bilatérales, souvent pulsatiles, durent de 5 minutes à 24 heures et sont spécifiquement déclenchées par l’effort physique.

Le diagnostic de céphalées d’effort idiopathiques ne peut être retenu qu’après un examen clinique normal et après avoir éliminé une cause lésionnelle par les examens paracliniques appropriés. Les céphalées liées à l’activité physique sont révélatrices de pathologie intracrânienne dans 2 à 10 % des cas. Ces céphalées sont quasi constantes dans les tumeurs du IIIe ventricule. Une imagerie cérébrale s’impose si les céphalées liées à l’exercice physique sont récentes. Le phéochromocytome peut parfois s’exprimer par des céphalées exclusivement à l’effort. 

Attention à la céphalée en “coup de tonnerre”

L’important en pratique quotidienne est de dépister une éventuelle céphalée en “coup de tonnerre” (CCT) avec un maximum d’intensité de la douleur en moins d’une minute, avec un début horaire, à la seconde. Dans ce cas, lors d’un premier épisode, il peut s’agir d’une grande urgence avec hospitalisation en milieu neurologique impérative. Le premier diagnostic à évoquer est en effet l’hémorragie méningée, même si l’examen neurologique est strictement normal, nécessitant la réalisation d’un scanner cérébral sans injection en urgence.

De nombreuses autres affections vasculaires peuvent se révéler par une CCT isolée : environ 5 % des dissections artérielles cervicales et intracrâniennes, 2 à 3 % des thromboses veineuses cérébrales (TVC), de rares angéites cérébrales, maladie de Horton et nécroses pituitaires, et les angiopathies cérébrales aiguës réversibles (ACAR). Dans toutes ces causes, le scanner et la PL peuvent être strictement normaux. Une CCT à scanner et PL normaux nécessite donc systématiquement une IRM avec angiographie et veinographie. De même, la mesure de la VS est systématique après 60 ans.

L’ACAR ou syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible est l’une des causes les plus fréquentes et les plus méconnues de CCT. Il s’agit d’un syndrome associant des céphalées aiguës, parfois accompagnées de déficits focaux ou de crises d’épilepsie, à une vasoconstriction réversible des artères cérébrales. Le tableau typique comporte des CCT répétées en salve sur 1 à 4 semaines, survenant au repos, à l’effort, à la toux ou lors du coït. Dans plus de la moitié des cas ce syndrome survient spontanément, mais il peut s’observer lors du post-partum ou après prise de médicaments (inhibiteur de la recapture de la sérotonine, pseudoéphédrine, bromocriptine…) ou de toxiques vasoconstricteurs (cannabis, cocaïne). Le scanner est très souvent normal. La PL peut montrer de légères anomalies non spécifiques. Le diagnostic nécessite une angiographie par IRM, par scanner ou conventionnelle, montrant des rétrécissements artériels segmentaires et diffus, puis un contrôle montrant la normalisation des artères en 1 à 3 mois. 

Principales étiologies des céphalées en “coup de tonnerre”.

Céphalée en “coup de tonnerre” : possible grande urgence neurologique. Hospitalisation en milieu neurologique impérative.

 

Diagnostics à évoquer :

• Hémorragie méningée +++ (même en l’absence de syndrome méningé)

• Thrombose veineuse cérébrale +

• Dissection artérielle cervicale +

• Angiopathie toxique ou angéite (très rare)

• Apoplexie hypophysaire (très rare)

Les céphalées sexuelles

● Les céphalées sexuelles primaires sont bilatérales, d’apparition progressive pendant le rapport sexuel (type I, céphalée pré-orgasmique) ou brutale (type II, céphalée orgasmique) uniquement au moment de l’orgasme. Elles disparaissent à l’arrêt de l’activité sexuelle.

Pour les formes idiopathiques les plus fréquentes, on en distingue 2 types.

● Les céphalées sexuelles de type I (deux tiers des cas environ) avec céphalées à début progressif, bilatérales, diffuses au niveau de la tête ou du cou, augmentant pendant le rapport sexuel. Elles sont similaires aux céphalées de tension musculaire. En cas d’atypie, notamment de survenue unilatérale de la céphalée, des investigations sont nécessaires pour exclure, par exemple, une dissection artérielle cervicale.

● Les céphalées sexuelles de type II (moins d’un tiers des cas) sont à type de céphalées explosives, à début brutal, lors de l’orgasme (céphalées en “coup de tonnerre”). Il faut éliminer absolument une hémorragie méningée au premier épisode. Elles peuvent être idiopathiques (diagnostic d’élimination) et affectent plus l’homme de la quarantaine.

Lors d’une crise migraineuse, l’aggravation de la céphalée à l’effort physique est commune.

CONCLUSION

Au final, il est important pour tous les praticiens de bien connaître la sémiologie de ces différentes céphalées. En effet, le diagnostic repose quasi exclusivement sur l’interrogatoire et méconnaître certaines céphalées secondaires peut avoir des conséquences dramatiques aux plans médical et médico-légal.

Messages-clés

• Un 1er épisode de céphalée en “coup de tonnerre”, au décours ou pas d’un effort, est organique jusqu’à preuve du contraire.

• Même si l’examen clinique est normal, un 1er épisode de céphalée en “coup de tonnerre” impose une hospitalisation en urgence.

• Les céphalées d’effort primaires sont de 3 types : à la toux, à l’effort physique et coïtales. Les crises de migraine peuvent être rarement déclenchées par l’effort physique. En revanche, l’aggravation de la céphalée à l’effort physique lors d’une crise migraineuse est très commune.

• Effet bénéfique du sport chez le migraineux.

• Triptan : traitement de choix de la céphalée migraineuse.

Conflit d’intérêts : investigateur principal ou co-investigateur d’essais cliniques ou mission de conseils ou intervenant avec les laboratoires suivants : Allergan, Almirall, Astra Zeneca, Boehringer Ingelheim, Bouchara Recordati, GSK, Ménarini, MSD, Pfizer, Sanofi-Synthelabo, Servier. Conflit d’intérêts : investigateur principal ou co-investigateur d’essais cliniques ou mission de conseils ou intervenant avec les laboratoires suivants : Allergan, Almirall, Astra Zeneca, Boehringer Ingelheim, Bouchara Recordati, GSK, Ménarini, MSD, Pfizer, Sanofi-Synthelabo, Servier.

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