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Ondes de choc : état des lieux en 2016

Dr Hervé de Labareyre (Médecin du sport, clinique orthopédique des Lilas, Paris)

Les ondes de choc (ODC) sont toujours d’actualité. Elles sont utilisées en France depuis 1999, mais restent encore méconnues de nombre de médecins. On trouve actuellement plusieurs types de technologies, qu’il importe de savoir différencier. Nous rapporterons dans cet article les résultats thérapeutiques actuellement en notre possession.
Il importe de préciser que ces techniques doivent être qualifiées de mécanothérapies, mais ne doivent en aucun cas être intégrées dans les techniques dites de physiothérapie, très largement utilisées, mais d’efficacité plus que discutable.

Principes de la technique

Nous avions détaillé les modes d’action des ODC (Médecins du Sport 2011 ; 106 : 28-34). Le principe thérapeutique de base est très simple. Il s’agit de traumatiser le tendon pathologique pour stimuler une cicatrisation. Les microlésions créées par les ODC sont réputées provoquer une réaction de défense de la part de l’organisme. Il se passe la même chose au niveau tendineux qu’au plan osseux lorsqu’un chirurgien avive un os en situation de pseudarthrose, sans réparer l’os lui-même : il faudra attendre la formation spontanée du cal après l’agression qu’a représentée le burinage chirurgical. On attend donc du traitement une authentique cicatrisation tendineuse, ce qui donne une réponse mécanique cohérente face à un problème mécanique de surmenage qui a conduit à l’apparition des lésions.

Les différentes technologies

Deux grandes familles s’affrontent ou se complètent : les ODC radiales et les ODC focalisées.

Les ODC radiales

Ce sont des ODC qui sont délivrées par percussion directe sur la peau du patient. Les machines sont de véritables petits marteaux-piqueurs (qui ne creusent en principe pas…) avec propagation d’une ODC dans la profondeur des tissus à partir d’un point d’impact cutané. L’énergie est maximale au contact du nez de l’appareil et peut se propager jusqu’à un maximum de 3,5-4 cm, au-delà desquels l’énergie délivrée devient négligeable. La zone d’action a la forme d’un éventail sur le papier et d’un cône dont la pointe est sur le nez de l’appareil en 3D (Fig. 1).

Figure 1 – A. Schéma de la zone d’action des ODC radiales, en éventail, au contact du nez de l’appareil avec perte d’énergie en profondeur. B. Diffusion des ODC radiales en milieu hydrique. Les bulles de cavitation (énergie maximale) se trouvent à proximité de la tête d’émission.

Il s’agit d’une technique agressive et douloureuse, du fait de l’impact cutané. Il faut donc prévenir le patient et adapter la force des chocs à la tolérance de celui-ci. La violence des chocs est majorée par le fait que l’utilisateur appuie sur le nez de l’appareil, d’une part pour augmenter la force de ses impacts (en comprimant le ressort amortisseur) et d’autre part pour se rapprocher de la lésion visée et gagner en efficacité. Il s’agit donc d’une technique également éprouvante pour le thérapeute.

Tout en restant raisonnable, il faut considérer une séance d’ODC comme une épreuve de 4 minutes (en général) que le patient n’appréciera que rarement. De son côté, le thérapeute ne doit faire preuve d’aucune pitié… Des machines plus récentes seraient cependant moins douloureuses : nous attendons la publication des résultats.

La zone à traiter ayant été repérée précisément par la palpation, il n’est pas utile de coupler les séances à une quelconque imagerie. La séance doit être réalisée intégralement sur la zone repérée, sans balayage, qui fait perdre en efficacité par dilution du nombre des impacts sur une surface trop large.

Les ODC radiales ont des effets se condaires, toujours mineurs. Nous avons pu observer quelques très rares malaises vagaux (une séance est une vraie épreuve pour certains !), alors que l’on observe plus souvent de petites ecchymoses ou des excoriations cutanées superficielles. Une éventuelle exacerbation des douleurs après la séance est possible, mais n’empêche pas de poursuivre le traitement et elle est loin d’être systématique. Une impression de soulagement immédiat est en revanche beaucoup plus souvent mentionnée, par effet de gate control (effet d’inhibition de la douleur par stimulation des autres voies afférentes en compétition avec le message douloureux dans une zone donnée) : ce soulagement est temporaire, mais témoigne du fait que la séance a été réalisée au bon endroit.

Les ODC focalisées

Ce sont des ODC d’origine ultrasonore de très haute énergie. Il existe différentes modalités technologiques de production de ces ODC que nous ne détaillerons pas (piézoélectrique, électromagnétique, électrohydraulique). Il existe actuellement deux types d’ODC focalisées : les plus classiques agissent directement en profondeur dans les tissus, à distance de la peau ; les autres, d’apparition plus récente, agissent depuis la peau jusqu’à la profondeur désirée avec une zone d’action prenant la forme d’un cigare coupé dont la pointe est en profondeur et la base au contact de la tête d’émission (Fig. 2).

Figure 2 – Schéma de la zone d’action des ODC focalisées, en canal ou en “cigare coupé”, tête Aries (Dornier), depuis le nez de l’appareil jusqu’à la profondeur désirée.

Dans tous les cas, le thérapeute n’a en principe aucun effort de pression à effectuer à moins qu’il ne veuille légèrement augmenter la profondeur d’action de son ODC sur la lésion à traiter.

Les ODC focalisées classiques sont donc produites directement en profondeur dans les tissus. Il n’y a plus d’impact cutané. La zone d’action a une forme d’ellipse sur le papier, de cigare complet en 3D.

Figure 3 – A. Schéma de la zone d’action des ODC focalisées classiques, en ellipse, à distance constante de l’appareil. B. Diffusion des ODC focalisées en ellipse en milieu hydrique. Les bulles de cavitation sont dans l’ellipse, à distance de la tête d’émission.

La machine que nous avons utilisée (Piézoclast – EMS – Suisse) travaillait avec une ellipse de 2 cm de long sur 1 cm de large. La distance minimale entre la zone d’émission et la zone d’action était de 2 cm (avec une profondeur d’action maximale de 4 cm). Cette distance minimale d’action impose d’éloigner la tête d’émission de la peau pour atteindre une lésion située entre 0 et 2 cm de la peau. Il faut alors utiliser des coussins d’interposition en silicone, d’épaisseurs variables, en utilisant une bonne dose de gel permettant la bonne transmission des ultrasons.

En dehors des connaissances anatomiques du thérapeute, il n’est pas toujours très facile de savoir à quelle profondeur est la lésion que l’on souhaite traiter et d’utiliser le bon coussin d’interposition. S’aider de l’échographie peut s’avérer utile, mais alourdit notablement la manoeuvre.

Par ailleurs, en augmentant l’intensité de notre machine, la force de frappe devenait plus intense dans la zone d’action décrite ci-dessus, sans toutefois devenir plus profonde. Cela n’est sans doute pas vrai pour d’autres machines de ce type qui prétendent atteindre des profondeurs d’action de 10 cm. Nous avions pour habitude de rester fixés sur la zone pathologique, sans balayage.

Les séances sont sensiblement moins douloureuses que les séances d’ODC radiales, mais elles ne sont en aucun cas indolores. Les appréciations des patients sont d’ailleurs variées. Certes, il n’existe aucune percussion directe sur la peau, mais la sensation de percussion profonde est diversement ressentie. Nous n’avons jamais observé aucun effet secondaire.

Les ODC focalisées en cigare coupé agissent en faisceau dans un “canal thérapeutique focalisé” étroit et pénètrent d’autant plus profondément dans les tissus que l’on augmente l’intensité de la machine, de 0 mm jusqu’à une dizaine de cm. L’augmentation de la force des impacts diminue la fréquence des coups, ce qui allonge progressivement les séances.

Le réglage s’effectue jusqu’à réveiller une sensibilité notable du patient. La séance n’est donc pas, là non plus, indolore. Il faut néanmoins s’aider des paramètres théoriques de la machine afin de ne pas délivrer l’ODC trop profondément en ne se basant que sur une douleur réveillée (il est inutile d’aller attaquer l’os en profondeur si l’on doit s’arrêter à un tendon juxta-osseux). Il n’y a donc pas lieu d’adjoindre une échographie à la réalisation de ces ODC focalisées.

Le thérapeute n’a aucun effort de pression à faire. Le plus difficile est néanmoins de bien se positionner du fait de la taille importante de la tête émettrice, qui recouvre très largement la zone traitée et peut faire craindre une imprécision.

Nous avons pu observer un malaise et une ecchymose, phénomènes tout à fait inhabituels.

Les résultats

Nos résultats ne permettront sans doute pas de conclusions définitives. En effet, si nous utilisons notre machine à ODC radiales (Dolorclast – EMS – Suisse) depuis 1999 et que notre population de patients devient importante donc crédible, nous n’utilisons les ODC focalisées en cigare coupé (Aries – Dornier – Allemagne) que depuis 6 mois. Il est donc difficile de comparer les résultats.

Dans les deux cas, nous avons décidé de faire nos études, car ces techniques nous paraissent pouvoir apporter un bénéfice thérapeutique pour les tendinopathies. En 1999, car les ODC nous semblaient pouvoir améliorer les résultats des classiques massages transverses profonds (MTP) et bien répondre à nos souhaits de traitement mécanique, et en 2015, car la simplicité d’utilisation de la machine, associée au fait qu’il s’agit quand même d’une technique moins agressive pour le patient, nous apportait un progrès dans l’option thérapeutique “ODC”.

Il est certain que nous n’avons jamais pu récupérer tous nos dossiers, car les patients oublient de nous tenir au courant… L’expérience nous a montré que l’absence de nouvelles de leur part n’est pas plus signe de satisfaction que de mécontentement et que les relances par téléphone sont souvent infructueuses. Nous rapportons donc les données des seuls dossiers récupérés, mais cela minimise sensiblement nos chiffres et pénalise nos résultats pour les ODC focalisées, du fait de notre faible recul.

Quelle que soit la technique utilisée, les séances sont réalisées le plus habituellement au rythme d’une par semaine (initialement, les équipes allemandes travaillaient au rythme d’une séance toutes les deux semaines). Chez les patients plus pressés, il est possible de faire deux séances par semaine avec un écartement minimum de 48 heures. Les résultats ne sont pas meilleurs, mais cela permet de raccourcir la durée du protocole et d’être fixé plus vite sur la qualité du résultat. Nous ne réalisons jamais plus de 6 séances.

Les ODS radiales (Tab. 1)

Ce sont avec elles que nous avons la plus grosse expérience puisque notre population dépasse les 2 800 dossiers. Il est certain que nos résultats deviennent de plus en plus fiables avec l’accroissement de la population. Nous ne donnons néanmoins que des chiffres bruts d’évaluation d’efficacité sans prétendre comparer cette technique à un quelconque autre traitement. Il appartiendra à chacun de faire des comparaisons avec sa propre expérience d’autres traitements.

Il est étonnant de constater que nos chiffres varient peu avec le temps. La plupart sont restés stables à quelques dixièmes de point près. Parfois, nous avons sensiblement amélioré les chiffres en changeant notre manière de procéder : il existe une courbe d’apprentissage. Deux exemples sont à retenir :

  • Les résultats du tendon rotulien se sont améliorés dès que nous avons effectué les séances sur un tendon sous tension, genou fléchi à 90°, et non plus sur un tendon détendu, genou en extension.
  • Les résultats obtenus sur le coude se sont également améliorés lorsque nous avons poussé les patients à supporter des séances plus dures en augmentant la pression de percussion.

En ce qui concerne les épaules, nous n’insisterons pas sur le problème des calcifications. Les ODC ont été “inventées” pour faire disparaître les calcifications d’épaule, car il avait été prouvé qu’elles pouvaient fragmenter les calculs urinaires et jouer un rôle dans la consolidation des pseudarthroses. L’expérience a montré que si les ODC pouvaient effectivement modifier les calcifications, il s’agissait d’une éventualité rare (25 % des cas environ). Et c’est parce que les patients voyaient s’améliorer leurs épaules douloureuses tout en gardant leurs calcifications que l’on a fini par comprendre l’action des ODC sur les tissus tendineux “mous” et que leurs indications se sont ensuite étendues à tous les autres tendons, calcifiés ou non. La calcification n’est donc en aucun cas l’indication première des ODC alors que la tendinopathie au sens large l’est.

Il faut noter que parmi nos résultats insatisfaisants, 12 patients nous ont déclaré avoir été aggravés par le traitement (tendinopathies variées). Ceci traduit leur perception douloureuse, mais pas une aggravation anatomique. Ce nombre représente donc 0,04 % des patients.

Les ODC focalisées classiques, en ellipse

Nous avons utilisé les ODC focalisées classiques pendant quelques mois de façon moins rigoureuse en termes de dossiers. Nous n’avons donc pas de chiffres précis à apporter, mais nos résultats semblent manifestement très superposables à ceux que nous avons obtenus avec les ODC radiales. Il est probable ou possible que le nombre de séances nécessaires puisse être moindre, en particulier pour l’épaule. Cela demanderait des vérifications plus approfondies, mais il est certain que les résultats que l’on peut trouver dans la littérature sont très superposables à ceux obtenus avec des ODC radiales (Tab. 1).

Les ODC focalisées en cigare coupé ou en faisceau (Tab. 2)

Nous avons entamé une étude prospective comparable à celle que nous avons effectuée pour les ODC radiales, mais notre recul est considérablement plus court et certains de nos groupes de traitement sont ridiculement petits. Il est également certain que nous sommes en pleine courbe d’apprentissage (nos bons résultats deviennent plus fréquents et plus réguliers avec le temps) et que nos chiffres sont nécessairement faux. Ils permettent néanmoins peut-être d’apprécier une tendance. 

Il faut nécessairement augmenter notre nombre de patients pour se faire une idée plus fiable de l’efficacité de la technique. Les résultats pour l’épicondylite sont manifestement trop bons alors qu’ils sont actuellement décevants pour le tendon calcanéen et le tendon rotulien. Nous n’avons pu retrouver les résultats d’autres équipes.

Conclusion

Les ondes de choc apportent une réponse cohérente aux problèmes posés par les tendinopathies, quelle que soit la technologie proposée. Ces techniques sont à intégrer dans l’arsenal thérapeutique et peuvent être proposées en première intention. Les risques d’effets secondaires ou d’éventuelles aggravations sont extrêmement faibles. Les résultats d’autres équipes sont souhaitables.

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