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Risques et bénéfices de la pratique d’une activité physique et sportive pendant la grossesse

Dr Clémence Portier - Médecin du sport, Briis-sous-Forges, Marcoussis

Jusqu’à la fin des années 1950, les préjugés médicaux rendaient incompatibles activité physique et sportive (APS) et féminité. De nos jours, environ 37 % des licenciés dans les fédérations sportives sont des femmes. Ces dernières ont également investi le sport de haut niveau pour représenter près de 45 % des athlètes présents aux Jeux olympiques de Rio en 2016.

La femme dans le sport devient un sujet d’étude, d’autant plus qu’il faut tenir compte des changements qui accompagnent sa vie : les règles, les grossesses, la ménopause. Aujourd’hui, de nombreuses associations recommandent l’APS aux femmes enceintes. Il est ainsi démontré que la pratique d’une APS apporte des bénéfices à la mère et au fœtus.

APS et grossesse : les idées reçues

APS et fausse couche

Trois études concluent à l’absence d’association entre avortement spontané ou problème d’implantation placentaire et la pratique d’une APS (1-3).

Selon Hjollund et al., ce risque est présent si l’exercice est intensément poursuivi pendant la période d’implantation (soit de 6 à 9 jours après l’ovulation) (4). Concernant le risque de contraction utérine, dans une étude pilote, un enregistrement tocométrique réalisé sur 10 femmes enceintes lors de la pratique d’une APS montre que les modifications de l’activité utérine sont minimes (5), voire que le nombre de faux travail diminue (6).

APS et prématurité

Les résultats de Juhl (7) confirment ceux d’études antérieures qui montrent que l’APS permet de réduire de manière significative le risque d’accouchement prématuré. Des résultats qui vont dans le sens de ceux de Leiferman (8), qui a démontré à partir de 1 699 grossesses uniques et non compliquées qu’une APS intense pendant les premier et deuxième trimestres n’augmentait pas le risque d’accouchement prématuré, mais au contraire le diminuait de 20 à 25 %.

Toutes les études indiquent donc au minimum l’absence de risque d’accouchement prématuré. Le seul élément traduisant un sur-risque est la position debout maintenue plus de 5 heures par jour et le port de charges lourdes (9).

APS et anomalies congénitales

Seule la plongée en bouteille peut être responsable d’anomalies congénitales. En effet, en cas d’accident de décompression, il est impossible de connaître l’état cérébral du fœtus. Par ailleurs, selon les recommandations de la plupart des auteurs, les femmes enceintes ne devraient pas être exposées à des températures susceptibles de faire augmenter leur température corporelle au-delà de 39 ou 39,5 °C au cours des trois premiers mois de la grossesse, car cela aurait un effet tératogène sur le fœtus. Après une revue exhaustive des écrits scientifiques sur le sujet, l’Académie canadienne de Médecine du sport statue que, chez les femmes qui ont établi leur propre rythme d’APS durant la grossesse, l’augmentation de la température n’est pas suffisamment importante pour être nuisible à l’enfant.

Les bénéfices de la pratique d’une APS chez la femme enceinte

Bien-être psychologique

Une APS régulière est importante à la fois pour la santé physique et mentale. On ne comprend pas totalement les mécanismes sous-jacents à ces effets, mais comparées à leurs homologues sédentaires, les femmes enceintes qui se sont livrées à une APS tout au long de leur grossesse sont moins sujettes au stress, à l’insomnie, à l’anxiété et à la dépression (10). Des études récentes ont également montré que le sentiment de bien-être et la satisfaction de soi étaient plus importants chez ces femmes et qu’elles avaient une meilleure qualité de vie (11, 12).

Prise de poids réduite

La pratique d’une APS permet de contenir la prise de poids, mais son influence est limitée par l’avancée de la grossesse et la durée de l’exercice. Clapp (13) démontre ainsi une moindre prise de poids et un retour plus rapide au poids antérieur dès lors que l’APS est poursuivie pendant le troisième trimestre en mettant la priorité sur la durée de l’exercice plutôt que sur son intensité. L’APS modérée et régulière pendant la grossesse permet aussi de prévenir le risque ultérieur de surpoids, voire d’obésité. Et chez la femme obèse, un gain de poids de 11 à 15 kg pendant la grossesse multiplie par quatre le risque de majorer le poids initial à un an du post-partum.

Douleurs lombaires minorées

Les lombalgies sont présentes chez 24 à 56 % des femmes enceintes. Les soulager grâce à l’APS est donc de première importance. Plusieurs études ont interrogé des femmes pendant leur grossesse après un programme d’entraînement (14-17). La pratique d’une APS (aérobic, assouplissement et renforcement musculaire, gymnastique aquatique et gymnastique douce) réduit l’intensité des douleurs lombo-pelviennes pendant le déroulement de la grossesse.

Réduction du risque de diabète gestationnel

L’APS induit une amélioration de la sensibilité à l’insuline et une meilleure tolérance au glucose. Elle permet ainsi de prévenir et de prendre en charge le diabète gestationnel (6 % des grossesses). Dans une métaanalyse de 8 études (18), il est noté une diminution de 55 % du risque relatif de développer un diabète gestationnel chez les femmes qui pratiquent une APS intense à élevée par rapport à une population de référence. Pour Davenport (19), marcher pendant 25 minutes, 3 ou 4 fois par semaine, pendant au minimum 6 semaines entraîne une réduction des glycémies à jeun et à 1 heure post prandial.

Aussi, l’exercice tend à diminuer le nombre de patientes nécessitant l’introduction d’une insulinothérapie, à retarder le début des injections et même à diminuer le nombre d’unités d’insuline nécessaires.

Le bénéfice le plus grand est rapporté pour une APS vigoureuse avant la grossesse et poursuivie durant la grossesse, au moins de façon modérée. Bien entendu, l’exercice physique reste un traitement adjuvant du diabète et sera associé à des recommandations nutritionnelles.

Risque d’anémie maternelle stable

Barakat et al. (19) ont montré que la pratique régulière d’une APS pendant les deuxième et troisième trimestres de grossesse n’augmente pas le risque d’anémie maternelle.

Moins de troubles de la libido

Dans une étude menée par Marquez-Sterling et al. (21) portant sur 15 femmes, celles ayant exercé 1 heure de renforcement musculaire avec coach, en salle, rapportaient une activité sexuelle inchangée, alors que celles, moins assidues, décrivaient une baisse de leur activité sexuelle.

Les risques et bénéfices de la pratique d’une APS sur le fœtus

APS et petit poids à la naissance

Un poids inférieur à 2 500 g est associé à des risques de retard de développement et de comorbidités.

L’étude de Orr et al. (22) présente des poids de naissance identiques entre un groupe de sportives et un groupe témoin tandis qu’une méta-analyse incluant 30 études rapporte des bébés plus petits et moins gros (de -200 à -400 g) chez les femmes pratiquant une APS, avec une perte de poids aux dépens de la masse grasse (23). Cet effet est d’autant plus important que l’APS est effectuée plus de trois fois par semaine au troisième trimestre.

Dans une autre étude, il ressort que la marche pratiquée à raison de 50 minutes par jour en début de grossesse protège contre le petit poids (24). À nouveau, le maintien de la position debout plus de 2 h 30 par jour au deuxième trimestre augmente le risque de petit poids de naissance par 3,23 (24).

Développement cérébral du fœtus

« L’exercice physique semble améliorer le développement du cerveau du fœtus », relate Élise Labonté- LeMoyne, chercheuse à l’université de Montréal, lors du meeting annuel de Neurosciences de San Diego en novembre 2013. Une recherche comparative sur la mémoire auditive, menée sur des nouveau-nés dont les mères avaient été suivies durant leur grossesse en tant qu’actives ou sédentaires, a permis de déduire que le cerveau des bébés dont les mères ont fait de l’exercice se développe plus rapidement que celui des autres.

Conclusion

Toutes ces études montrent qu’il existe un véritable bénéfice pour le fœtus et pour la mère à la pratique d’une APS pendant la grossesse. Ces résultats sont le plus souvent la conséquence de programmes d’entraînement sportif adaptés et contrôlés. Aussi, profitons de l’époque faste du coaching et de la prescription de l’APS pour adapter nos pratiques dans le but de limiter les risques liés à la grossesse.

Bibliographie

  1. Clapp JF. The effects of maternal exercise on early pregnancy outcome. Am J Obstet Gynecol 1989 ; 161 : 1453-7.
  2. Latka M, Kline J, Hatch M. Exercise and spontaneous abortion of known karyotype. Epidemiology 1999 ; 10 : 73-5.
  3. Madsen M, Jørgensen T, Jensen ML et al. Leisure time physical exercise during pregnancy and the risk of miscarriage: a study within the Danish National Birth Cohort. BJOG 2007 ; 114 : 1419-26.
  4. Hjollund NH, Jensen TK, Bonde JP et al. Spontaneous abortion and physical strain around implantation: a follow-up study of first-pregnancy planners. Epidemiology 2000 ; 11 : 18-23.
  5. Mayberry LJ, Smith M, Gill P. Effect of exercise on uterine activity in the patient in preterm labor. J Perinatol 1992 ; 12 : 354-8.
  6. Arfi JS, Pérès G. Maternal and fetal heart rates during bicycle ergometer exercise. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1986 ; 15 : 281-6.
  7. Juhl M, Andersen PK, Olsen J et al. Physical exercise during pregnancy and the risk of preterm birth: a study within the Danish National Birth Cohort. Am J Epidemiol 2008 ; 167 : 859-66.
  8. Leiferman JA, Evenson KR. The effect of regular leisure physical activity on birth outcomes. Matern Child Health J 2003 ; 7 : 59-64.
  9. Henriksen TB, Hedegaard M, Secher NJ, Wilcox AJ. Standing at work and preterm delivery. Br J Obstet Gynaecol 1995 ; 102 : 198-206.
  10. Haas JS, Jackson RA, Fuentes-Afflick E et al. Changes in the health status of women during and after pregnancy. J Gen Intern Med 2005 ; 20 : 45-51.
  11. Montoya Arizabaleta AV, Orozco Buitrago L, Aguilar de Plata AC et al. Aerobic exercise during pregnancy improves health-related quality of life: a randomised trial. J Physiother 2010 ; 56 : 253-8.
  12. Barakat R, Pelaez M, Montejo R et al. Exercise during pregnancy improves maternal health perception: a randomized controlled trial. Am J Obstet Gynecol 2011 ; 204 : 402.e1-7.
  13. Clapp JF, Kim H, Burciu B et al. Continuing regular exercise during pregnancy: effect of exercise volume on fetoplacental growth. Am J Obstet Gynecol 2002 ; 186 : 142-7.
  14. Mørkved S1, Salvesen KA, Schei B et al. Does group training pregnancy prevent lumbopelvic pain? A randomized clinical trial. Acta Obstet Gynecol Scand 2007 ; 86 : 276-82.
  15. Elden H, Ladfors L, Olsen MF et al. Effects of acupuncture and stabilising exercises as adjunct to standard treatment in pregnant women with pelvic girdle pain: randomised single blind controlled trial. BMJ 2005 ; 330 : 761.
  16. Garshasbi A, Faghih Zadeh S. The effect og exercise on the intensity of low back pain in pregnant women. Int J Gynaecol Obstet 2005 ; 88 : 271-5.
  17. Depledge J, McNair PJ, Keal-Smith C, Williams M. Management of symphysis pubis dysfunction during pregnancy using exercise and pelvic support belts. Phys Ther 2005 ; 85 : 1290-300.
  18. Tobias DK, Zhang C, van Dam RM et al. Physical activity before and during pregnancy and risk of gestational diabetes mellitus: a meta-analysis. Diabetes Care 2011 ; 34 : 223-9.
  19. Davenport MH, Mottola MF, McManus R, Gratton R. A walking intervention improves capillary glucose control in women with gestational diabetes mellitus: a pilot study. Appl Physiol Nutr Metab 2008 ; 33 : 511-7.
  20. Barakat R, Ruiz JR, Lucia A. Exercise during pregnancy and risk of maternal anaemia: a randomised controlled trial. Br J Sports Med 2009 ; 43 : 954-6.
  21. Marquez-Sterling S, Perry AC, Kaplan TA et al. Physical and psychological changes with vigorous exercise in sedentary primigravidae. Med Sci Sports Exerc 2000 ; 32 : 58-62.
  22. Orr ST, James SA, Garry J et al. Exercise and pregnancy outcome among urban, low-income, black women. Ethn Dis 2006 Autumn ; 16 : 933-7.
  23. Leet T, Flick L. Effect of exercise on birthweight. Clin Obstet Gynecol 2003 ; 46 : 423-31.
  24. Takito MY, Benicio MH, Latorre Mdo R. Maternal posture and its influence on birthweight. Rev Saude Publica 2005 ; 39 : 325-32.

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