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Risques cutanés de contact liés à la pratique de sports aquatiques : gare aux oursins !

Dr Pierre Frances (Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Davy Mampouya (Interne en médecine générale, Montpellier), Suzanne Burgers (Interne en médecine générale, Programme Hippokrates, Amsterdam, Pays-Bas), Nicolas Perolat (Externe, Montpellier)

À travers deux cas cliniques, cet article présente les conséquences au niveau de la peau de la rencontre du sportif avec les oursins.

Cas 1

Christine, 35 ans, est une touriste parisienne adepte de la planche à voile. Arrivée sur les côtes méditerranéennes, cette dernière n’a pas hésité à pratiquer son sport favori dès les premiers rayons de soleil. Elle a profité tout l’après-midi de cette pratique. Cependant, à son retour sur la terre ferme, elle a senti une vive douleur au niveau de la plante d’un des pieds.

En fait, elle a marché sur un oursin au bord de la plage, et des épines de cet animal marin se sont fichées et cassées au niveau de son pied (Fig. 1).

Figure 1 – Épines d’oursins au niveau de la base d’un orteil.

Cas 2

Christophe, 40 ans, est un plongeur passionné. Il reconnaît ne pas prendre de précautions lors de ses plongées et il lui arrive souvent de se blesser contre les rochers de la côte méditerranéenne. Ainsi, il y a 2 ans de cela, il a chuté et s’est blessé avec des oursins dont les épines ont pénétré sous la peau d’un genou. Christophe a alors extirpé certaines épines, mais en a laissé d’autres.

Il vient nous voir, car il note la présence de nombreux nodules de couleur chair au niveau de la zone de pénétration des épines (Fig. 2).

Figure 2 – Granulome au niveau d’un genou.

L’oursin : un animal marin répandu

Le nom oursin provient du grec “ekhinos” qui veut dire hérisson, terme dû à son aspect macroscopique pouvant être comparé à cet animal terrestre (Fig. 3).

Figure 3 – Oursins en bord de plage.

L’oursin appartient au règne animal, au groupe des échinodermes, dont près de 6 000 espèces sont actuellement répertoriées. C’est un invertébré très répandu dans toutes les mers du globe.

Ainsi, on peut le rencontrer au niveau des zones côtières. À cet endroit, il est attiré par la pollution (rejet d’égouts et zones d’épandage d’engrais) qui favorise le développement d’algues. De ce fait, leur présence en quantité témoigne d’un problème de pollution marine. Les oursins sont de grands herbivores qui broutent préférentiellement les algues et autres herbes qui tapissent les rochers. Il leur est possible d’absorber cette alimentation du fait de puissantes mâchoires qui constituent leur bouche.

Les oursins sont des animaux sexués. La fécondation effectuée au sein du milieu extérieur (les gamètes de chaque sexe se rencontrant en milieu aquatique) donne des œufs qui se mélangent avec le plancton.

Même si leurs zones de prédilection restent les zones de faible profondeur, il est également possible de les rencontrer dans les fonds vaseux ou sableux. Les facteurs qui limitent leur développement sont les grosses variations de salinité, le ressac important, ainsi que les variations de luminosité ou de température.

La pathologie cutanée secondaire à la pénétration d’épines

L’effraction cutanée par des épines d’oursin demeure la problématique la plus fréquente avec ces échinodermes, et constitue la rencontre de 1er type (la rencontre de 2e type est secondaire à la consommation d’oursins).

Les épines d’oursins sont fragiles. Lorsqu’un sportif marche malencontreusement sur les extrémités piquantes de cet animal, ou entre en contact avec, les épines se cassent facilement. La pénétration est favorisée par le ramollissement de la peau du fait d’un séjour en milieu aquatique.

En fait, les épines sont entourées de glandes à venin (au niveau de leurs extrémités), mais aussi de pédicellaires. Ces formations sont de fins pédoncules avec trois dents très acérées reliées à une glande à venin.

La composition chimique du venin est variable en fonction des espèces. Certains venins ont une couleur violette qui apparaît le plus souvent à l’oeil nu, et témoigne de ce fait de l’envenimation secondaire aux oursins.

Cliniquement, la pénétration de ce matériel étranger sous la peau donne souvent une vive douleur. En parallèle, il est possible de noter des manifestations locorégionales avec des œdèmes ou des rougeurs. Certaines espèces (oursin pierre ou noir) rencontrées en Méditerranée peuvent donner des brûlures, des impotences fonctionnelles centrées sur les zones d’introduction, et des malaises avec perte de connaissance. D’autres variétés d’oursins que l’on rencontre dans le Pacifique (les Tripneustes) peuvent donner en plus des malaises, des myalgies et, dans certains cas des troubles du rythme, voire des chocs cardiogéniques. Certains auteurs décrivent également des paralysies de la langue et des lèvres. Dans le cas où les muscles respiratoires sont atteints, le sujet peut décéder. Enfin, des problèmes infectieux peuvent survenir au décours de cette pénétration. Les germes les plus souvent objectivés sont les Mycobacterium marinum et Erysipelothrix insidiosa, responsable du rouget.

Les pathologies cutanées retardées

Elles apparaissent le plus souvent 2 mois après l’introduction d’épines d’oursin. Il peut s’agir de pseudo-tumeurs cutanées “à corps étrangers” :

  • Les lésions à type de granulomes qui font penser à une sarcoïdose (cas du patient n° 2).
  • Les lésions kératosiques qui donnent l’aspect de verrues au centre desquelles on note la présence d’un fragment de couleur noire (fragment d’épine).
  • Les lésions de type kystes épidermoïdes secondaires à une invagination du lambeau épidermique.

Ces lésions apparaissent au niveau histologique comme des formations contenant des cellules lymphoplasmocytaires.

Il est également possible de mettre en évidence chez certains sujets des lymphoedèmes chroniques. D’autres manifestations ostéoarticulaires peuvent être décelées. Elles surviennent à moyen ou long terme :

  • Des arthrites et des pseudopanaris inflammatoires. Ces manifestations se rencontrent surtout au niveau des doigts (zone où la peau est fine et quasiment en contact avec l’os). Dans ce cas, on objective des oedèmes des doigts, des géodes, et parfois des fistulisations chroniques.
  • Des arthrites ou ténosynovites dues aux oursins. Cliniquement, on retrouve une ténosynovite ou monoarthrite (qui peut survenir de manière précoce : 3 jours après l’introduction d’une épine) avec oedème, épanchement articulaire, douleur lors de la mobilisation, et inflammation locale. Des lyses ou géodes sous-chondrales sont observées dans le cas où les épines ont été incluses.

Enfin, certaines complications moins fréquentes peuvent être observées dans cette situation : l’algo-neurodystrophie, les neuropathies secondaires au contact de l’épine avec le nerf radial.

Le traitement de la rencontre de 1er type

Il est possible d’effectuer une extraction mécanique précoce des épines (Fig. 4).

Figure 4 – Épines d’oursins extraites.

Cette extraction est effectuée à la pince à épiler, à l’aiguille ou au bistouri. Ce geste se révèle délicat du fait de la fragilité des épines qui sont constituées à plus de 94 % par du carbonate de calcium.

Pour faciliter cette extraction, certains auteurs préconisent le recours à des pansements hydrocolloïdes et une application de lavements coliques sous cellophane. D’autres utilisent des méthodes plus empiriques comme la cire. En cas de suspicion de surinfection cutanée, il est important de prescrire une antibiothérapie. En ce qui concerne les granulomes, il est possible d’effectuer des injections intralésionnelles de corticoïdes. Lorsque l’atteinte articulaire se révèle importante avec géodes et épanchements articulaires, il est parfois conseillé (dans le cas d’une atteinte des genoux) d’effectuer une synovectomie.

Les mesures préventives sont également fondamentales pour les sportifs. À ce titre, il faut porter des vêtements en néoprène ou en caoutchouc pour éviter tout contact avec les oursins et se chausser avec des chaussures de plage. Cette pratique reste la plus importante à titre préventif, car la plupart des envenimations surviennent aux pieds et sont secondaires à une absence totale de précautions à ce niveau.

Pour en savoir plus

  • Berger L, Caumes E. Accidents cutanés provoqués par la faune et la flore sous-marines. Ann Dermatol Vénéréol 2004 ; 131 : 397- 404.
  • Rossetto AL, de Macedo Mora J, Haddad V. Case report. Sea urchin granuloma. Revista do Instituto de Medicina Tropical de São Paulo 2006 ; 48 : 303-6.
  • Rolland JM. Pathologie liée à l’oursin. http://aresub.pagespersoorange. fr/medecinesubaquatique/dangersfaune/oursins.htm
  • Crépy MN. Dermatites de contact professionnelles aux produits de la mer. http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TA%2091
  • Baden HP, Burnett JW. Injuries from sea urchins. South Med J 1977 ; 70 : 459.

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