Rien ne semble pouvoir arrêter Antoine Fermon, jeune kitesurfer de 21 ans. Sacré champion de France 2015, malgré une grave blessure au genou survenue 1 an auparavant, il vise désormais les championnats du monde. Rencontre.

Médecins du sport : Le kitesurf est une discipline spectaculaire, encore peu connue il y a quelques années. Comment as-tu découvert ce sport ?
Antoine Fermon: Le kitesurf existe depuis près de 25 ans et a été imaginé en Bretagne par les frères Legaignoux, qui sont ensuite partis développer le concept à Hawaï. Au début, c’était vraiment du bricolage, ils ont commencé avec une barre et un vrai cerf-volant ! Pour ma part, j’ai habité pendant 7 ans à l’île de la Réunion, et tout petit je voyais déjà beaucoup de kitesurfers sur la plage de Saint-Gilles. En revenant en France, mon cousin m’a fait essayer le kitesurf et ça m’a tout de suite plu ! J’avais 11 ans. Peu après, j’ai déménagé à Tahiti. Il y avait une école de kitesurf juste devant notre maison : un signe ! Depuis, ce sport est une véritable passion.

Qu’aimes-tu particulièrement dans ce sport ?
C’est un sport extrême, qui offre une immense liberté. Tu peux aussi bien aller te balader au large, que faire des sauts à 10 ou 15 mètres ! Ce que j’aime avant tout dans le kitesurf, c’est le fait de ne pas dépendre d’un bateau, mais seulement du vent, de la nature ! Le revers de la médaille, c’est que quand le vent a décidé de ne pas souffler, tu peux te retrouver à attendre pendant des jours qu’il revienne, sans pouvoir kiter… et là, tu lui en veux ! Il y a plusieurs disciplines dans le kitesurf, comme la vitesse, le freestyle, le foil (une planche avec un grand aileron), le surfkite et encore plein d’autres… mais ma préférence va au freestyle !
En quoi consiste ton entraînement ?
Les entraînements physiques en salle, ce n’est pas mon truc. Je m’ennuie rapidement quand je me retrouve dans une salle à lever des poids ou courir sur un tapis !
Mon entraînement consiste surtout à varier les sports. Je fais beaucoup de vélo, de skate, de paddle, de surf et de la course. Tous ces sports sont complémentaires : avec le skate, tu travailles l’équilibre, avec le vélo, les cuisses, avec le surf, les épaules, avec le paddle, les pectoraux et abdominaux… Au final, cela donne un entraînement assez complet ! J’ai plusieurs entraîneurs, un en Bretagne, Loïc Soufflet, un dans le nord de la France, Éric Watrin, et un dans le sud, Sébastien Garat, qui est l’entraîneur des sportifs de haut niveau en kitesurf en France. L’équipe de France est assez réduite, nous sommes cinq ! Mais il y a également de très bons kitesurfers qui ne s’intéressent pas forcément à la compétition.

Il y a 2 ans, tu as été grièvement blessé. Tu avais 19 ans. Que s’est-il passé ?
C’était en mars 2014, pendant le dernier jour de compétition des championnats du monde. J’étais fatigué et les conditions météorologiques n’étaient pas idéales, avec un vent rafaleux, c’est-à-dire une alternance de vents forts et de vents faibles. J’ai tenté un kiteloop, une figure freestyle où l’aile fait un tour complet pendant le saut. Mon aile a déventé et je suis tombé d’environ 12 mètres de haut. Le choc a été considérable. Je me suis écrasé la partie gauche du ménisque, sectionné le tendon rotulien, le ligament externe et le croisé antérieur, tout cela sur la jambe gauche. Avant, en kitesurf, il y avait beaucoup de problèmes de cheville. Maintenant qu’on est passé en boots comme en snowboard, on se fait plus facilement mal au genou.

Comment t’es-tu remis d’une telle blessure ?
J’ai subi une opération importante, qui consistait à reconstituer mon tendon rotulien, mon croisé et mon ligament externe, en me prenant des ischio-jambiers. Heureusement pour moi, j’ai de grosses cuisses, avec pas mal d’ischios ! Je suis resté environ 3 semaines à l’hôpital. Mais j’ai vraiment eu mal après l’opération, à cause d’un gros hématome qui me compressait toute la jambe. Je suis donc retourné une deuxième fois au bloc pour que l’on m’enlève l’hématome… et une troisième fois, 8 mois après, pour m’enlever les adhérences suite à un problème de flexion. En 8 mois, j’ai donc été trois fois au bloc ! Après ma première hospitalisation, j’ai fait 5 mois de rééducation dans des CERS. Je suis resté environ 2 mois et demi à Capbreton et le même temps à Saint-Raphaël. Pendant la rééducation, je prenais parfois mon aile de kite et mon harnais, je m’asseyais sur un paddle et allais naviguer pendant des heures ! J’étais heureux de pouvoir être à l’air libre.

Et aujourd’hui ?
Quatre mois après être sorti et avoir repris le kite, j’ai été champion de France. Une belle victoire, d’autant plus que j’ai appris a posteriori que certains médecins pensaient que je ne rekiterais plus jamais.
Aujourd’hui, je ne pense plus du tout à ma blessure, mon genou est hyper stable. En ce moment, je passe mon diplôme de professeur de kite. C’est assez motivant de voir que la plupart des gens accrochent immédiatement à ce sport, même ceux pour qui c’est vraiment compliqué au début. Quant à mon prochain objectif : les championnats du monde 2016 ! J’espère arriver dans les 9 premiers, je m’entraîne dur pour ça. Je suis motivé à bloc !

Propos recueillis par Clémentine Vignon