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Rencontre avec Laetitia Roux, championne de ski-alpinisme

Marianne Carrière

Avec plus de 100 médailles d’or et 17 titres de championnes du monde, Laetitia Roux est l’une des athlètes les plus titrées au monde, tous sports confondus. À 33 ans, la skieuse, originaire de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), a déjà tout gagné, et plusieurs fois. Elle se définit elle-même comme une accro aux défis, aux sports outdoor, à la montagne, à l’adrénaline et à l’aventure. Elle nous raconte son histoire, son sport et ses projets.

Quel est votre parcours ?

Laetitia Roux : J’ai commencé très jeune avec mon père. D’abord le ski alpin à l’âge de 2 ans, puis le ski de randonnée à 9 ans. En seconde, je suis partie en sport étude en ski alpin. J’ai obtenu mon premier titre de championne du monde en 2006, en montée sèche, espoir. J’ai eu la chance d’intégrer, en juin 2011, l’armée des champions, l’équipe militaire sportive de haut niveau. Ce contrat avec la gendarmerie m’a permis de pratiquer mon sport intensément. Il est très compliqué de vivre de ce sport. Plus de 100 médailles, c’est impressionnant… Laetitia Roux : Cela fait 13 saisons que je pratique à haut niveau avec un calendrier de compétitions très dense (12 coupes du Monde par saison ; championnats du Monde : tous les deux ans en alternance avec les championnats d’Europe : tous les deux ans ; championnats de France ; courses nationales, courses par équipes hors circuit fédéral). Lors de chaque championnat, je cours pour les différentes disciplines de ski-alpinisme (voir encadré), ce qui explique le nombre de titres et de médailles !

Quelles sont les contraintes de cette pratique ?

Laetitia Roux : Comme tous les sports de haut niveau, c’est une vie de contraintes ! Hygiène de vie toute l’année et entraînement intensif sont les maîtres mots. La saison se déroule sur environ 4 mois (de janvier à avril), pour 8 mois d’entraînement. La saison est très dense avec des courses tous les week-ends. C’est un sport d’endurance qui nécessite de nombreuses heures d’entraînement, 6 jours sur 7. Je m’impose un jour de repos hebdomadaire. Il faut également être attentif à l’alimentation, aux temps de récupération et savoir gérer la fatigue. On est toujours sur le fil, avec parfois des moments de grosse fatigue. Cela fait partie du sport de haut niveau, c’est un style de vie que j’adore : intense, toujours en mouvement, dans la recherche de la performance et de l’amélioration. Et il n’y a pas que l’entraînement et les compétitions, il s’agit également de gérer le matériel, la communication, les relations avec les partenaires… Cela nécessite beaucoup de travail sur soi, ce n’est pas évident de ne faire que ça et de garder la motivation tout le temps… Pendant toutes ces années, je me suis consacrée à mon sport et à ma carrière sportive en laissant de côté ma vie familiale et sociale.

En quoi consistent vos entraînements ?

Laetitia Roux : La dernière compétition a lieu fin avril. Après 3 semaines de repos complet, ce que je ne fais pas toujours…, je fais beaucoup de vélo (route, VTT) durant le printemps et l’été et de la musculation, d’autres préfèrent la course à pied. L’automne, je pratique le ski roues qui permet de retrouver le mouvement, sans être sur la neige. C’est proche du ski-alpinisme. Fin octobre, je passe au ski sur glacier, à Tignes ou en Italie sur le Stelvio, à proximité de mon partenaire Skitrab. Puis, fin novembre-début décembre, selon les conditions d’enneigement, je redescends dans la vallée, chez moi.

Vous ne vous entraînez pas dans l’autre hémisphère pour profiter d’un autre « hiver » ?

Laetitia Roux : J’ai passé un hiver en Nouvelle-Zélande. En réalité, je ne cherche pas nécessairement à skier en été (c’est plus important en ski alpin ou de fond), je préfère faire une bonne préparation physique et garder l’envie, l’excitation du ski. Et j’aime également varier les sports.

Quelles sont les blessures les plus fréquentes ?

Laetitia Roux : Nous sommes assez chanceux, il y a peu de blessures et pas de blessures typiques. En effet, le matériel est léger, en cas de chute, il casse ou déchausse. Il peut arriver des blessures au niveau des ligaments croisés ou des fractures tibia, péroné, mais cela reste assez rare. Mes dernières blessures (fracture et brûlures importantes) sont dues à une grosse chute à vélo ! Je l’ai pris sereinement et je me suis rétablie très rapidement. Quelques jours après ma chute, je recommençais l’entraînement sur le home trainer, puis j’ai repris un peu plus tard la musculation et la course sur tapis.

Et en termes de suivi médical ?

Laetitia Roux : En tant que sportive de haut niveau, le suivi médical dépend de la fédération. Il s’agit d’une prise en charge globale incluant un suivi classique avec une prise de sang semestrielle, un électrocardiogramme ainsi qu’un suivi dentaire et ophtalmologique. J’ai donc quelques rendez-vous obligatoires, ce qui est bien.

Pratiquez-vous d’autres sports ?

Laetitia Roux : Je fais beaucoup de VTT. Avant, c’était surtout hors saison de ski, pour préparer l’hiver. Aujourd’hui, je fais de plus en plus de compétitions. J’aime beaucoup cette pratique, mais les deux en même temps, c’est compliqué, cela laisse peu de temps pour les périodes de récupération indispensables.

Apparemment, il va y avoir du changement dans votre carrière professionnelle de ski-alpinisme n’est-ce pas ?

Laetitia Roux : Oui, j’ai décidé de me retirer du circuit international officiel, c’est-à-dire des coupes du monde et championnats du monde et d’Europe. Je sens que j’ai fait ce que je voulais sur ce circuit. Je sens que c’est le bon moment. J’ai envie de vivre d’autres expériences et, au fond de moi, c’est un sentiment de satisfaction et de reconnaissance qui me dit que je peux me retirer. J’ai l’impression d’avoir laissé une trace derrière moi, d’avoir apporté quelque chose à la discipline. Je pars avec beaucoup d’énergie positive, de joie intérieure, d’excitation et d’enthousiasme vers d’autres aventures. Une sensation de quiétude et de liberté.

Quels sont alors vos projets pour les années à venir ?

Laetitia Roux : Mon contrat avec la gendarmerie est arrivé à échéance en juin 2018, il n’était plus prolongeable, cependant je veux continuer à m’entraîner. Le sport fait partie de moi. Je souhaite faire encore quelques courses de ski-alpinisme, mais ce sera avec un état d’esprit différent. Il y a quelques compétitions populaires que je n’ai jamais pu faire et que j’aimerais vivre. D’autre part, je suis très motivée par le VTT, les courses à étapes par équipes m’attirent particulièrement. J’ai vraiment envie d’explorer davantage le côté humain dans ce genre de défi sportif ; l’exploration de pays et de nouveaux terrains de jeu, et même la découverte de sports outdoor. Je veux aborder le sport et la compétition sous l’angle de l’aventure, de l’évasion, de l’entre-aide, du partage, du voyage.

Je souhaite également continuer à travailler avec mes partenaires. Nous avons développé, au fil des années, une relation de confiance qui me tient à cœur. Au-delà de la communication, j’aime m’impliquer dans le marketing, le développement et la recherche des produits.

J’ai le projet de proposer des rencontres afin de partager et de faire profiter les autres de mon expérience et de mon expertise sur les skis, mais aussi en termes de développement personnel, mental et spirituel. Le haut niveau pousse à se dépasser sur le plan physique et également sur le plan psychique. J’ai toujours aimé travailler sur moi-même, c’est un domaine passionnant et infini.

Parallèlement, je suis impliquée dans le Women’s Skimo Project avec Tanya Naville. Il s’agit de réaliser une série de films pour inspirer, faire rêver et ouvrir les esprits sur la pratique du sport au féminin au travers du ski de randonnée. L’idée est de partir à la rencontre de filles qui ont osé, malgré les contraintes physiques, mentales, culturelles… s’affirmer, donner un sens à leur vie en faisant vivre leurs passions. Cela permet également de montrer d’autres horizons, d’autres paysages, où l’on ne s’attend pas à voir du ski de randonnée. Chaque épisode présente une femme dans son environnement, avec ses valeurs et ses convictions, dans un pays différent. Nous avons déjà réalisé un épisode au Japon (avec des moyens très limités), un en Islande (plus professionnel) et un en Grèce. Le développement du sport au féminin me tient vraiment à cœur. Ce projet demande beaucoup de temps et d’investissement, notamment pour la recherche de financement et de partenaires. Notre objectif est une diffusion télévisuelle.

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