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Thyroïde et sport : Du normal au pathologique

Dr Paule Nathan (Médecin du sport, nutritionniste, endocrinologue, Paris)

Les efforts physiques intenses affectent le niveau circulatoire des hormones thyroïdiennes. Ce sont des mécanismes adaptatifs ou préservateurs qu’il ne faut pas compenser. En revanche, les dysthyroïdies doivent être traitées car elles affectent directement les grands systèmes sollicités par le sport comme les systèmes musculosquelettique, cardiaque, digestif et nerveux. La fréquence des maladies thyroïdiennes augmentant, les soignants qui gravitent autour du sportif seront de plus en plus sollicités en cas de pathologies thyroïdiennes, qu’elles soient avérées ou infracliniques.

Introduction

Depuis le début des années 1980, la médiatisation extrême du sport de haut niveau a abouti à une intensification des entraînements, du nombre de compétitions, avec une augmentation de la charge de travail et de la pression de l’entourage vis-à-vis des athlètes… Les sollicitations intensives et répétées de l’organisme, le surentraînement et les temps de récupération parfois très courts, peuvent conduire à l’épuisement du sportif.
Dans les mécanismes physiologiques adaptatifs, la modification de l’activité de la T3 circulante joue un rôle important pour éviter la surchauffe.

Retentissement de la pratique intensive du sport sur la fonction thyroïdienne

Variation du taux d’hormones et sport

L’étude de Ciloglu et al. en 2005 (1) permet de bien comprendre la relation entre exercice physique intense, augmentation de cortisol et baisse de la triiodothyronine, relation déjà constatée dans plusieurs études.
L’effet de l’exercice aérobie aigu sur les taux des hormones thyroïdiennes circulantes a  été analysé chez 60 athlètes masculins âgés de 20 à 26 ans en bonne santé et ayant une  fonction thyroïdienne de base normale. Le test d’effort a été mené sur un vélo ergomètre  avec un effort de faible intensité (FC de 45 % max), d’intensité modérée (FC de 70 % max), ou à haute intensité (FC de 90 % max). Ces intensités ont été sélectionnées en fonction de leur fréquence cardiaque maximale (FCmax). À chaque niveau d’intensité, des mesures ont été effectuées : la fréquence cardiaque et les taux sanguins de l’acide lactique, la thyroxine totale (T4), la thyroxine libre (T4L), la triiodothyronine totale (T3), la triiodothyronine libre (T3L ou free T3), la réverse T3 (rT3) et l’hormone stimulant la thyroïde (TSH). Les résultats de cette étude montrent que les valeurs de la TSH augmentent  régulièrement (Fig. 1) entre l’exercice de faible intensité, d’intensité modérée et les niveaux d’exercice de haute intensité.
De même, les taux de T4 et T4 libre ont augmenté en continu mais avec moins d’intensité à partir de 70 % de la fréquence cardiaque maximale, moment auquel les taux de T3 totale et T3 libre ont commencé à chuter (Fig. 2 et 3). Les modifications hormonales ont perduré jusqu’à 15 min après l’arrêt de l’exercice d’intensité maximale.
L’augmentation de la TSH est le reflet de la sollicitation des sécrétions hypophysaires en réponse physiologique à la demande énergétique, vasculaire et métabolique de l’effort, surtout s’il est pratiqué intensivement.
Par exemple, tout comme la TSH, la production de GH (hormone de croissance) est augmentée et plus l’intensité de l’exercice est élevée, plus la réponse de sa sécrétion est importante. De même, les taux de l’ACTH (hormone corticotrope) sont augmentés ; ils  précèdent l’augmentation du cortisol plasmatique.

Figure 1 – Modifications des valeurs de la TSH suivant l’intensité de l’exercice.

Figure 2 – Modifications des valeurs de la T3 et T4 totales suivant l’intensité de l’exercice.

Figure 3 – Modifications des valeurs de la T3 et T4 libres suivant l’intensité de l’exercice.

Exercices intenses versus exercices d’endurance

En 2012, l’étude très détaillée et riche en physiologie hormonale thyroïdienne parue dans Hormones (2) a comparé les effets sur la fonction thyroïdienne des exercices physiques intenses versus des exercices d’endurance. Ce sont les exercices fractionnés de haute intensité qui peuvent être responsables d’un frein hyperthyroïdien transitoire. L’étude a comparé des sportifs de haut niveau effectuant des exercices fractionnés de haute intensité – périodes répétées de 90 secondes sur tapis roulant à 100-110 % du VO2max suivies de 90 secondes de récupération active à 40 % du VO2max pendant 42-47 min – avec des sportifs effectuant des exercices d’endurance en état stable (course de 45 min à 60-65 % du VO2max).
Dans le groupe effectuant les exercices de haute intensité, même 12 h après l’arrêt de la session, il a été constaté une baisse très importante de la T3 libre avec un taux de rT3 significativement plus élevé, une corrélation positive entre l’élévation du cortisol plasmatique et le dosage de la rT3, et une corrélation négative entre l’augmentation du cortisol et de la T3 libre.
Ces événements se font avec un temps de latence, avec l’augmentation du cortisol, puis la baisse du taux de la T3 libre. Cela semble être lié à l’effet inhibiteur de l’augmentation du cortisol sur la 5’-désiodase, responsable de la conversion T4/T3, d’où la baisse du taux de T3. Parallèlement, on observe une augmentation inverse de la 5’-désiodase qui catalyse les réactions de la T4 en rT3 et de la T3 en T2. On aboutit ainsi à la formation de la rT3 et de la T2, peu actives biologiquement, laquelle, associée à la baisse de la T3 libre active, induit un climat de moindre hyperthyroïdie transitoire.
On lit beaucoup dans la littérature la notion d’hypothyroïdie induite par l’exercice intense. En fait, c’est une hypothyroïdie de freination par rapport au climat hyperthyroïdien qui devrait découler de l’augmentation de la TSH et de la T4, mais il s’agit d’un état normothyroidïen par rapport à un effort moins intense (Fig. 2 et 3).
Ainsi, l’exercice physique intense inhibe la conversion périphérique de T4 en T3 et active la conversion en rT3 moins active, et donc d’action plus “douce” sur un organisme fatigué par l’effort. On peut dire que cette 5’-désiodase, en favorisant la formation d’hormones moins actives, protège l’organisme des conséquences d’une trop grande exposition à la T3 liée à l’augmentation de la production de la TSH et de la T4. C’est une sorte de court- circuit hormonal pour épargner l’organisme d’un climat hyperthyroïdien sur un organisme déjà très sollicité par l’effort intensif.

Syndrome de basse T3

La baisse de la T3 active permet d’épargner la masse musculaire déjà spoliée par l’activité physique intense – une façon aussi de garder la tête calme et de limiter le dynamisme pour éviter de passer dans la phase d’hyperexcitation puis d’épuisement.
Il est à noter sur la figure 3 que le taux de T3 libre est maintenu au niveau du taux d’un exercice effectué à 45 % de la FCmax. Cette non-hyperthyroïdie à T3 induite par le sport intense implique une période de récupération plus longue pour obtenir un retour à la normale du système thyroïdien ; elle ne peut survenir qu’après la baisse du taux du cortisol plasmatique. Force est de constater qu’il n’est pas rare qu’un athlète de haut niveau ait moins de 12 h de récupération entre deux sessions de sport intense, ce qui ne permet pas à la thyroïde de revenir à un statut normal et cela peut être source de contre-performance du fait d’un effet additif avec réduction supplémentaire d’hormones  thyroïdiennes à chaque rotation.
Ce syndrome de basse T3 provisoire peut être rapproché de cette même anomalie  retrouvée en cas de pathologies qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital comme les cancers, en cas de restriction calorique comme l’anorexie mentale et le jeûne ou dans toute pathologie pour laquelle un état d’hypométabolisme est favorable. Ce syndrome de basse T3 peut aussi être retrouvé chez les athlètes qui suivent des régimes restrictifs ou qui ont des troubles du comportement alimentaire restrictifs avec carences en zinc, fer, sélénium, iode.
Ce phénomène se normalise quand le climat est plus favorable. Il ne semble donc pas  opportun de s’opposer à cet effet protecteur mis en place par l’organisme humain et de s’adonner à compenser ce trouble induit par l’organisme. Le mieux est de le laisser  récupérer, d’autant que selon certains comme Pakarinen, ces modifications n’ont aucune  répercussion clinique (3).
Comme nous l’avons vu, l’effort intense n’induit pas une hypothyroïdie vraie, c’est plutôt  une non-hyperthyroïdie, une déconnexion de l’augmentation de la T4 induite par l’effort. Il y a juste un frein hormonal provisoire pour que l’organisme ne subisse pas les effets de  l’augmentation de la production des hormones thyroïdiennes. Ce n’est donc pas une insuffisance thyroïdienne proprement dite qui nécessite une compensation, c’est une  régulation systémique transitoire d’ajustement – une sorted’hypométabolisme d’épargne lié au frein cortisolique pour un maintien du climat thyroïdien à un niveau non délétère pour l’organisme.
On comprend qu’il ne faut surtout pas compenser la baisse de la T3 active par un apport exogène d’hormones : il s’agit d’un mécanisme physiologique d’épargne de l’organisme qu’il convient de respecter. Cet état hypothyroïdien relatif transitoire est une sorte d’économie pour ne pas aller au-delà de sa limite. Si on regarde l’étude de Ciloglu, on voit bien qu’il existe à l’effort intensif une corrélation inverse entre l’augmentation de la T4 et la baisse de la T3. L’intensité de la baisse de la T3 pourrait être imputable à un surentraînement et être un biomarqueur qui pourrait être employé pour évaluer les besoins de l’athlète au repos et pour une récupération optimale en obtenant une baisse rapide du cortisol et de la TSH en associant par exemple une baisse du stress, une éviction des excitants, sans oublier un temps de récupération suffisant entre les efforts pour un retour à la normale du bilan thyroïdien. On peut aussi se demander l’impact sur cette  récupération que peut avoir une pathologie thyroïdienne sousjacente comme une thyroïdite, une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie fruste ou une carence en iode. Il n’y a à ce jour pas d’étude dans ce sens. De ces études, on comprend bien que tout bilan  thyroïdien basal doit être effectué à distance d’un entraînement.

Compenser la baisse de T3 induite par l’effort peut être assimilé à un dopage

À ce sujet, Claire Condemine-Piron (4) réagit à la parution dans le Wall Street Journal d’une interview du Dr Jeffrey Brown, endocrinologue qui déclare supplémenter en hormones thyroïdiennes l’hypothyroïdie induite par l’effort intensif chez les athlètes de haut niveau. Il faut rappeler que la mise en avant de la répercussion de l’hypothyroïdie n’a pas lieu d’être puisque cette hypothyroïdie est transitoire. La seule intervention efficace serait de pallier le surentraînement et de veiller à corriger ou moduler la baisse du taux de T3 libre par des ingestats caloriques suffisants, pour une meilleure récupération, avec gestion du stress pour abaisser le taux de cortisol.
Il faut mettre en garde sur les possibles répercussions d’un traitement hormonal thyroïdien sur un organisme qui n’en a pas besoin et qui, sans ce frein, pourrait au contraire subir une tendance hyperthyroïdienne s’il n’y avait pas une désiodation de la T4 augmentée en rT3 inactive. Le risque de l’administration d’hormones thyroïdiennes peut induire un effet nocif chez l’athlète avec, en particulier, la destruction de protéines musculaires chez un organisme qui vient de faire un effort qui a mobilisé le muscle et l’a spolié, une sollicitation cardiovasculaire avec possibilité d’hypertrophie cardiaque et de troubles du rythme  cardiaque, une anxiété avec déséquilibre neuro-végétatif.
Certains avancent qu’en utilisant les hormones thyroïdiennes, on augmente la demande en oxygène, favorise la production d’EPO endogène (Ma) en augmentant l’HIF-1α car dans les hyperthyroïdies, le taux d’EPO augmente. Ce phénomène est théorique puisque  l’abaissement du taux sanguin de la T3 libre est provisoire et se restaure rapidement.
Un traitement par T3 exogène serait donc un surplus. Ainsi, le risque de donner des hormones thyroïdiennes sur plusieurs jours est de maintenir un climat “hyperthyroïdien”, de retarder la récupération avec la possibilité de déclencher en raison du déséquilibre une véritable pathologie thyroïdienne à terme.
Mais surtout, utiliser des hormones thyroïdiennes pour pallier une baisse à l’effort physique intense revient à initier un état d’esprit d’entrée dans le dopage. Le dopage, c’est « utiliser des substances et procédés de nature à modifier artificiellement les capacités ou à masquer l’emploi de substances ou procédés ayant cette propriété ».
Il est à noter que les hormones thyroïdiennes ne figurent pas sur la liste des produits  dopants (site de l’Agence française de Lutte contre le Dopage : https://www.afld.fr/).
Claire Condemine-Piron cite le cas de Mohamed Ali : « L’utilisation détournée d’hormones thyroïdiennes à des fins d’amaigrissement et de stimulation centrale ne date pas d’hier comme le prouve cette déclaration de Mohamed Ali au New York Times, en 1981 à l’issue d’un match perdu contre Trevor Berbick : “I took too many thyroid pills”, “Always used to double up on my vitamins. Bad idea with thyroid pills. Started training at 253, went down to 217 for the fight. Too much. People saying, ‘Oooh, isn’t he pretty?’ But I was too weak,  didn’t feel like dancing. I was dazed. I was in a dream.” On peut s’interroger sur le lien possible entre l’abus d’hormones thyroïdiennes et la maladie de Parkinson, consécutive à l’épuisement en dopamine, chez Mohamed Ali. »
En dehors d’une hypothyroïdie vraie qui nécessite une compensation hormonale, il n’y a aucune indication pour l’utilisation des hormones thyroïdiennes en vue d’un  amaigrissement qui ne sera obtenu qu’avec des doses d’hormones importantes créant un amaigrissement pathologique lié à une hyperthyroïdie iatrogène néfaste.

Les pathologies thyroïdiennes chez le sportif

Il faut savoir composer avec la thyroïde. Elle intervient dans le fonctionnement des grands systèmes de l’organisme. C’est une glande fragile soumise au stress, à l’action de perturbateurs environnementaux et sensible aux carences alimentaires (iode, zinc, sélénium). Son fonctionnement peut être aussi perturbé par des aliments comme le manioc, les crucifères, le soja, les toxiques comme le tabac et le cannabis. L’action des perturbateurs thyroïdiens s’exerce surtout s’il existe un déficit du statut en iode. Une bonne protection consiste à consommer du sel iodé (sans en abuser) et des produits de la mer et de limiter les aliments perturbateurs, surtout s’il existe des antécédents familiaux de dysthyroïdie. Des médicaments peuvent aussi avoir un impact sur la thyroïde, surtout la cordarone, les sels de lithium ou l’interféron.
Si le diagnostic et le traitement des hypo- et hyperthyroïdies avérées sont bien codifiés, la présence d’une hypo- ou hyperthyroïdie infraclinique ou fruste peut relever de l’avis et du choix du spécialiste pour évaluer la véracité d’une maladie thyroïdienne sous-jacente dont le retentissement peut être source de contre-performance alors qu’au contraire un traitement mal indiqué peut être source de perturbations délétères sur le plan de l’état général en particulier musculaire, cardiovasculaire et nerveux.
Ces deux maladies sont rarement incompatibles avec la pratique d’activités physiques. Cependant, les perturbations qu’elles induisent jouent en défaveur du sportif, donc de ses performances. Un avis spécialisé de l’endocrinologue et du cardiologue est impératif.

Le kyste : y penser en cas de choc direct

Voici l’exemple d’une adolescente pratiquant le tennis qui consulte en raison de l’apparition d’une douleur et d’une tuméfaction à la base du cou quelques jours après l’impact d’une balle de tennis. L’échographie cervicale révèle le kyste thyroïdien liquidien pur créé par l’impact de la balle. Un traitement et une simple évacuation à l’aiguille fine permettent le plus souvent de réduire ces kystes thyroïdiens. Le risque immédiat est lié à la compression des voies aériennes avec difficulté de respiration. Le risque ultérieur est la récidive. Certains traumatismes thyroïdiens peuvent survenir avec l’impact d’un objet contondant comme le cas de cet enfant de 13 ans qui a subi une rupture secondaire de la thyroïde liée au choc direct d’un bâton de hockey. Une intervention chirurgicale a été nécessaire (5).
Un choc direct sur la thyroïde doit être surveillé et exploré par une échographie en urgence au moindre doute. Il faut aussi savoir détecter une fracture du cartilage thyroïdien. La fonction thyroïdienne devra être suivie par la suite.

Certains traumatismes thyroïdiens peuvent survenir avec l’impact d’un objet contondant comme cela peut arriver avec le bâton de hockey.

Ne pas confondre sportif stressé et hyperthyroïdie

L’hyperthyroïdie est beaucoup plus gênante pour un sportif, elle peut passer facilement inaperçue au début. Le climat hyperthyroïdien, quand il est modéré avec surexcitation,  nervosité, logorrhée, quelques palpitations et perturbation du sommeil, peut être trompeur et être mis sur le compte du caractère d’un sportif un peu exalté ou d’une pratique trop intense du sport sur un terrain un peu nerveux. Une fatigue musculaire et un amaigrissement peuvent aussi être à tort rapportés à un entraînement mal conduit ou un surentraînement, voire à une anorexia athletica.
Il faut savoir dépister ces hyperthyroïdies frustes car l’organisme se fatigue, le sportif n’est pas à son niveau optimal. Dans l’hyperthyroïdie franche, les signes sont plus nets avec une hyperréactivité, une tachycardie, une nervosité excessive, une insomnie, une  hypersudation, des tremblements des extrémités.
L’hyperproduction hormonale est constante, l’organisme n’est jamais au repos et s’épuise.
Biologiquement, l’hyperthyroïdie infraclinique se traduit par un taux de TSH seulement  abaissé ou indosable ; le taux des hormones périphériques T3 et T4 est normal. En  l’absence de traitement, les patients doivent être réévalués cliniquement et biologiquement à 3 mois puis tous les 6 mois, si nécessaire, avec un dosage de la TSH couplée avec les hormones thyroïdiennes libres. Dans l’hyperthyroïdie avérée, les hormones thyroïdiennes T4 et T3 sont augmentées et la TSH effondrée. Une échographie couplée à la scintigraphie en cas de zone nodulaire peut mettre en évidence un nodule toxique ou un goitre hyperfonctionnel.
L’hyperthyroïdie est le plus souvent en rapport avec une maladie de Basedow mise en  évidence par le dosage des anticorps antirécepteurs de la TSH (TRAK). On traite en première intention par des antithyroïdiens de synthèse pendant environ 18 mois, pour éviter les rechutes.
Pour les hyperthyroïdies infracliniques, le traitement peut être plus court. Il convient de stopper une éventuelle intoxication tabagique pouvant être responsable de l’apparition d’une exophtalmie, de son aggravation ou de sa rechute. On conseille aussi d’éviter les  excitants comme le café ou le thé. La pratique de méthodes comme la relaxation ou le yoga qui permet de retrouver un calme intérieur est en revanche recommandée, tout comme la phytothérapie et le magnésium.
L’arrêt du sport peut s’imposer du fait des répercussions cardiovasculaires. La possibilité de reprise de l’entraînement devra être évaluée par l’endocrinologue et le cardiologue.

Hypothyroïdie fruste : un diagnostic souvent difficile

Il faut savoir faire un diagnostic précoce devant des signes peu spécifiques comme des acroparesthésies, un syndrome du canal carpien, des myalgies, des crampes, un ralentissement physique et psychique avec asthénie, une sensation vertigineuse ou d’instabilité. Il n’y a parfois qu’un ou deux signes discrets. Les effets sur le coeur sont infracliniques et se résument à une altération des paramètres de la fonction diastolique et des capacités contractiles à l’effort, réversibles avec un traitement substitutif. Cette hypothyroïdie fruste, encore appelée asymptomatique, occulte ou infraclinique, est définie par un taux de TSH élevé, au-delà de 4 mUI/l, sans anomalie de la concentration de la T4 libre ou de la T3 libre.
L’hypothyroïdie sera confirmée par un deuxième dosage dans le mois qui suit le premier. Un dosage des anticorps antithyroperoxydases (anti-TPO) élevé a une valeur pronostique quant au risque de conversion en hypothyroïdie patente. L’évolution d’une hypothyroïdie fruste se fait pour un tiers vers une normalisation, un tiers vers une hypothyroïdie avérée et le dernier tiers vers une hypothyroïdie stable.
Des recommandations de prise en charge de l’hypothyroïdie fruste ont été émises par l’HAS en 2007 (5).
« En dehors de la grossesse, il est recommandé de distinguer trois situations :
• Risque élevé de conversion en hypothyroïdie patente (TSH > 10 mUI/L et/ou présence d’antiTPO) : le traitement est recommandé.
• Risque faible de conversion en hypothyroïdie patente (TSH < 10 mUI/L et absence d’anticorps antiTPO) : il est recommandé de surveiller la TSH à 6 mois puis tous les ans.
• Risque intermédiaire de conversion en hypothyroïdie patente (TSH < 10 mUI/L mais présence d’anticorps anti-TPO, présence de signes cliniques d’hypothyroïdie, présence d’une hypercholestérolémie) : l’instauration d’un traitement peut se discuter (accord professionnel). »

L’hypothyroïdie franche conduit à l’épuisement

L’hypothyroïdie franche est dominée par un syndrome d’hypométabolisme qui associe un ou plusieurs signes : asthénie physique, psychique et intellectuelle, somnolence, hypothermie, accentuation de la bradycardie du sportif, frilosité récente, constipation récente, prise de poids modeste contrastant parfois avec une perte d’appétit. S’y ajoutent des atteintes neuromusculaires avec engourdissement, enraidissement, crampes, myalgies, tendinites, arthralgies.
On dose en première intention la TSH pour un premier diagnostic, puis en deuxième intention la T4 libre pour déterminer la profondeur de l’hypothyroïdie. Il faut savoir répéter les examens lorsque l’on constate une augmentation de la TSH entre deux bilans même s’ils sont dans des valeurs normales. Le titrage des anticorps permet de mieux évaluer la thyroïdite sous-jacente. Le dosage des anticorps antithyroperoxydases et antithyroglobulines permet de rechercher une thyroïdite. L’échographie thyroïdienne recherche un goitre ou un nodule thyroïdien. La scintigraphie thyroïdienne est inutile. Une ponction est nécessaire en cas de nodule supracentimétrique, hypoéchogène ou de contour irrégulier.
Pour le traitement, on utilise la T4 libre : Lévothyrox®, comprimés à 25, 50, 75, 100, 150, 175 mcg, ou L-Thyroxine® (1 goutte = 5 mcg) si la forme galénique en gouttes est nécessaire. Le générique du Lévothyrox®ne doit pas être prescrit. Si les signes d’hypométabolisme (frilosité, somnolence, acroparesthésies, crampes) persistent malgré l’apport de T4, un traitement par l’Euthyral® qui associe la T3 et la T4 permet de réduire les troubles. Il ne sert à rien de pousser les doses de T4 libre pour compenser des signes cliniques qui n’ont pas été corrigés avec le traitement substitutif. On obtient juste un surdosage de T4 avec des répercussions cliniques gênantes. Suivant les besoins et la tolérance, on peut associer Euthyral® et Lévothyrox®. L’adjonction de Cynomel® (T3) est peu probante. La production thyroïdienne moyenne est représentée par l’apport d’un demi-comprimé d’Euthyral® associé à un comprimé de Lévothyrox 50®. À chacun sa dose.
Le traitement par hormones thyroïdiennes pouvant subir des interférences, la prise doit se faire bien à jeun le matin, soit une demi-heure avant le petit déjeuner (on se lève, prend le traitement puis on se prépare et on petit-déjeune en dernier) ou le soir au coucher au moins 2 h après le dîner. Il convient de se méfier des interférences avec les sels de fer et de calcium, les yaourts au soja. On contrôle l’équilibre par des dosages sanguins tous les 2 mois dans un premier temps, et tous les 6 mois une fois l’équilibre atteint. La reprise de l’effort devra se faire sous surveillance médicale et, tests d’adaptation cardiovasculaire à l’effort. Le traitement est simple.

Conclusion

L’effort intense n’induit pas une hypothyroïdie vraie, c’est plutôt une nonhyperthyroïdie, une déconnexion de l’augmentation de la T4 induite par l’effort. Il y a juste un frein hormonal provisoire pour que l’organisme ne subisse pas les effets de l’augmentation de la production des hormones thyroïdiennes. Cette réponse physiologique d’épargne ne doit pas être compensée, elle est provisoire. Une récupération bien menée permet un retour plus rapide à une fonction normale, une récupération insuffisante peut conduire à l’épuisement. Il ne faut donc pas compenser le syndrome de basse T3 adaptatif vis-à-vis d’une dépense énergétique intense, mais il convient d’accompagner l’organisme pour limiter son stress et raccourcir le temps de récupération, récupération qui doit être complète. Le médecin doit prescrire et faire respecter le vrai repos.
En cas de suspicion clinique d’une dysthyroïdie, il faut savoir répéter les dosages hormonaux si les anomalies sont frustes. Les modalités du traitement et le maintien de l’activité physique doivent être discutés avec l’endocrinologue et le cardiologue.

Le coût d’un bilan thyroïdien (la lettre B nomenclature est de 0,27).
Nomenclature mise à jour en septembre 2014.

TSH ultrasensible : B 31 = 8,37 €
T4 libre : B 33 = 8,91 €
T3 libre : B 33 = 8,91 €
T3 libre + T4 libre : B 58 = 15,66 €
TSH + T3 libre : B 58 = 15,66 €
TSH + T4 libre : B 60 = 16,20 €
TSH + T3 libre + T4 libre : B 73 = 19,71 €

Anticorps antithyroglobuline : B65 = 17,55 €
Anticorps antithyroperoxydase : B65 = 17,55 €
Anticorps antirécepteurs de la TSH ou TRAK : B115 = 31,05 €
Thyroglobuline : B60 = 16,20 €

Échographie thyroïdienne : 37,80 €
Ponction thyroïdienne : un côté 46,42 € (ZZQX103) ; deux côtés 78,25 € (ZZQX110)
Scintigraphie thyroïdienne : 109,70 €, avec courbe de fixation de l’iode : 162,76 €

Bibliographie

1. Ciloglu F, Peker I, Pehlivan A et al. Exercise intensity and its effects on thyroid  hormones. Neuroendocrinology Letters N°6 2005 ; 26.
2. Hackney AC, Kallman A, Hosick KP et al. Thyroid hormonal responses to intensive interval versus steady-state endurance exercise sessions. Hormones 2012 ; 11 : 54-60.
3. Pakarinen A, Alén M, Häkkinen K, Komi P. Serum thyroid hormones, thyrotropin and thyroxine binding globulin during prolonged strength training. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 1988 ; 57 : 394-8.
4. Condemine-Piron C. L’hypothyroïdie en question chez les sportifs. Mai 2013. Antenne médicale de Prévention Dopage (AMPD) Languedoc-Roussillon, Hôpital Lapeyronie, service de pharmacologie médicale et toxicologie.
5. Hypothyroïdies frustes chez l’adulte : diagnostic et prise en charge. SFE-HAS (service des recommandations professionnelles). Avril 2007.

Pour en savoir plus

• Baylor LS, Hackney AC. Resting thyroid and leptin hormone changes in women following intense, prolonged exercise training. Eur J Appl Physiol 2003 ; 88 : 480-4.
• Deligiannis A, Karamouzis M, Koudidi E et al. Plasma TSH, T3, T4 and cortisol responses to swimming at varying water temperatures. Br J Sports Med 1993 ; 27 : 247-50.
• Hackney AC, McMurray RG, Judelson DA, Harrell JS. Relationship between caloric intake, body composition, and physical activity to leptin, thyroid hormones, and cortisol in adolescents. Jpn J Physiol 2003 ; 53 : 475-9.
• Jahreis G, Kauf E, Frohner G, Schmidt HE. Influence of intensive exercise on insulin-like growth factor I, thyroid and steroid hormones in female gymnasts. Growth Regulation 1991 ; 1 : 95-9.
• Koistinen P, Martikkala V, Karpakka J et al. The effects of moderate altitude on circulating thyroid hormones and thyrotropin in training athletes. J Sports Med Phys Fitness 1996 ; 36 : 408-11.
• Loucks AB, Heath EM. Induction of low-T3 syndrome in exercising women occurs at a threshold of energy availability. Am J Physiol 1994 ; 266 : 817-R823.
• Loucks AB, Callister R. Induction and prevention of low-T3 syndrome in exercising women. Am J Physiol 1993 ; 264 : R924-30.
• Lucia A, Hoyos J, Perez M, Chicharro JL. Thyroid Hormones may influence the slow component of VO2 in professional cyclists. Jpn J Physiol 2001 ; 51 : 239-42.
• Rosolowska-Huszcz D. The effect of exercise training intensity on thyroid activity at rest. J Physiol Pharmacol 1998 ; 49 : 457-66.
• Simsch C, Lormes W, Petersen KG et al. Training intensity influences leptin and thyroid hormones in highly trained rowers. Int J Sports Med 2002 ; 23 : 422-7.
• Sterling K, Lazzarus JH, Milck PO et al. Mitochondrial thyroid hormone receptor: localization and physiological significance. Science 1978 ; 201 : 1126-9.
• Zawawi F, Varshney R, Payne RJ, Manoukian JJ. Thyroid gland rupture: a rare finding after a blunt neck trauma. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2013 ; 77 : 863-5.

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