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Cas clinique : un banal traumatisme de cheville…

Dr Pierre Papon, Dr Alain Frey (Médecins du sport à l’INSEP)

Lors d’une consultation

Une femme de 26 ans vous consulte pour une douleur de cheville post-traumatique. Elle vous explique qu’il y a 10 jours au handball, sa cheville s’est tordue lorsqu’une adversaire lui est tombée dessus et elle a entendu un craquement. Elle a pu marcher sans boiterie après, mais avec une douleur modérée antéro-latérale… Elle a consulté initialement aux urgences. Un diagnostic d’entorse de cheville a été posé et elle est ressortie avec une attelle AIRCAST®. Devant la quasi-disparition de la douleur, elle a repris le sport, mais dès qu’elle court un peu vite ou sur un appui un peu fort, elle ressent de nouveau la douleur intense au même endroit. L’examen retrouve un œdème minime péri-malléolaire antéro-latéral avec une douleur élective à la palpation de cette zone. Les mobilités sont complètes. Il n’y a pas de laxité en varus. La marche est légèrement douloureuse.

Quiz 1 • Devant ce tableau clinique, à quels diagnostics principaux pensez-vous ?

A. Une lésion ostéochondrale du dôme astragalien (LODA)

B. Une entorse du ligament talo-fibulaire antérieur (LTFA)

C. Une entorse de la syndesmose tibio-fibulaire

D. Une entorse du chopart

Message cle n1

La lésion semble se focaliser sur la zone péri-malléolaire antéro-latérale. On doit logiquement penser à une entorse du faisceau antérieur du ligament latéral mais également du ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTFAI) de la syndesmose. Le ligament bifurqué du chopart latéral est situé plus bas sur le pied, sa lésion peut donc être écartée. Quant à la LODA, en aiguë, le tableau est plutôt celui d’une entorse grave avec œdème diffus et difficulté à la marche. À J10, elle doit être évoquée devant l’absence d’amélioration clinique.
Vous poursuivez donc votre examen clinique à la recherche d’une atteinte de la syndesmose tibio-fibulaire.

Réponses : B, C

Quiz 2 • Quels sont les tests cliniques à la recherche d’une atteinte de la syndesmose tibio-fibulaire ?

A. Palpation douloureuse du LTFAI

B. Squeeze test

C. Test de flexion dorsale/rotation externe de cheville

D. Test de flexion/compression de la cheville

Message cle n2

Tous ces tests peuvent être utilisés à la recherche d’une atteinte de la syndesmose tibio-fibulaire, mais avec des sensibilités différentes. Le ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTFAI) est comme le garde-fou de la syndesmose tibiofibulaire : s’il est intact, le reste de la syndesmose est intact. Sa palpation se fait entre la malléole externe et le tibia (1 cm au-dessus de l’attache du LTFA) (Fig. 1).
Le squeeze test est le test historique des atteintes de la syndesmose : il consiste à comprimer au 1/3 moyen de la jambe le tibia et la fibula pour provoquer une douleur au niveau de la syndesmose distale. Ce test semble peu sensible lorsqu’il existe une atteinte isolée du LTFAI, mais assez spécifique d’une atteinte grave de la membrane interosseuse (Fig. 2).
Le test de flexion dorsale/rotation externe consiste à mettre le LTFAI en tension : le genou est fléchi à 90° et on empaume le pied en réalisant une flexion dorsale de cheville associée à une rotation externe. La douleur reproduite en regard de la syndesmose signe sa positivité (Fig. 3).
Le test de flexion/compression se réalise en 2 étapes : on demande au patient de réaliser une flexion dorsale de cheville en charge. Dès qu’il se sent limité ou ressent une douleur au niveau de la syndesmose, il arrête sa flexion. Depuis cette position, l’examinateur comprime les malléoles entre ses mains. Si cela améliore la douleur ou permet au patient de lever sa limitation d’amplitude, le test est considéré positif (Fig. 4 et 5).

Réponses : A, B, C, D

Figure 1 : Palpation du LTFAI

Figure 2 : Squeeze test

Figure 3 : Test de dorsi-flexion-rotation latérale

Figures 4 et 5 : Test de flexion-compression

Le reste de l’examen clinique montre une douleur à la palpation du LTFAI et un test de flexion rotation externe positif. Les autres tests sont négatifs. La palpation du LTFA est indolore. En réinterrogeant la patiente sur le mécanisme, elle décrit son pied qui part vers l’extérieur, bloqué au sol alors que son adversaire tombe sur sa jambe, avec une douleur remontant dans la jambe. Tous ces arguments orientent vers une atteinte de la syndesmose. Vous décidez de réaliser une échographie qui va confirmer la rupture complète isolée du LTFAI avec un diastasis dynamique à la flexion dorsale. Le LTFA est intact. On retrouvera également un épanchement intra-articulaire.
Afin d’optimiser le bilan de l’atteinte de la syndesmose, vous prescrivez une IRM qui ne montrera pas d’atteinte de la membrane interosseuse ni du ligament tibio-fibulaire postéro-inférieur.

Quiz 3 • Quelle immobilisation proposez-vous à la patiente ?

A. Poursuite de l’attelle AIRCAST®

B. Botte de marche avec appui

C. Résine sans appui

D. Aucune

Message cle n3

Le LTFAI est mis en contrainte lors de la flexion dorsale et de la rotation externe. L’AIRCAST® limite le varus et ne sera donc pas utile dans ce cas. Le fait que la patiente ressente des douleurs à la marche et que l’échographie retrouve un diastasis en flexion dorsale ne vont pas dans le sens d’un traitement fonctionnel sans immobilisation. Enfin, la membrane interosseuse étant intacte, on peut garder l’appui. La botte de marche semble donc la plus adaptée, d’autant qu’on pourra débuter la masso-kinésithérapie dès le début de l’immobilisation. La durée d’immobilisation variera entre 3 et 4 semaines selon la clinique.

Réponse : B

Ce qu'il faut savoir

L’entorse de la syndesmose est souvent méconnue et son incidence sous-estimée (12 à 32 % chez les sportifs). Pourtant il est indispensable de la diagnostiquer, car le traitement est différent de celui d’une entorse latérale de cheville. Un traumatisme peu précis, en rotation externe et/ou flexion dorsale, ainsi qu’une douleur remontant dans la jambe sont des arguments en faveur d’une telleatteinte. Les différents tests cliniques permettent également d’orienter les diagnostics.
Au moindre doute une échographie permettra de poser le diagnostic. Des clichés de cheville de face, comparatifs, devront être réalisés à la recherche d’un diastasis tibio-fibulaire qui signera l’indication chirurgicale. On demandera également des clichés de profil à la recherche d’une fracture de la margelle postérieure du tibia. En l’absence de diastasis, la prise en charge de ces entorses n’est pas encore bien définie (appui ou non, durée d’immobilisation, etc.). Mais la réalisation d’une IRM à la recherche d’une atteinte de la membrane et/ou du ligament postérieur ou du ligament collatéral médial pourrait permettre d’affiner ce traitement. Enfin, la masso-kinésithérapie devra proscrire le travail en rotation externe des fibulaires et le travail de proprioception en charge avant la 3e semaine.

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