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Cas clinique : une douleur de jambe rebelle

Dr Olivier Fichez (Rhumatologue, Médecin en traumatologie du sport, Saint-Raphaël)

Dossier médical

Gilles C., footballer, vient de signer un contrat « stagiaire professionnel ». Il s’entraîne de fait quotidiennement et présente lors des entraînements fonciers, et ce de manière progressive, une sensation de tension musculaire antéro-externe des deux jambes à type de striction apparaissant au bout de 5 à 6 km de course. Il est alors obligé de freiner voire d’arrêter son entraînement et cette même sémiologie s’exprime en match l’obligeant à sortir vers la 55’/60’ minute. Il n’a jamais présenté d’accident musculaire aigu. Ce tableau de claudication d’effort cède toujours au repos et se reproduit systématiquement pour le même type d’effort. L’examen clinique est normal alors que radiographie et échographie ne sont pas contributives.

Quiz 1 • Quel diagnostic envisagez-vous ?

A. Fracture de fatigue

B. Syndrome de loges chronique antéro-externe

C. Syndrome neurotronculaire du nerf fibulaire commun

D. Piège artériel

Message cle n1

Périostite et fracture de fatigue peuvent être éliminées compte tenu de l’examen strictement normal et, comme le signifie Jacques Pruvost dans son cas clinique « Une périostite très compliquée », ce tableau d’origine osseuse s’exprime toujours par une douleur palpatoire très élective, en particulier lors des fractures de fatigue.
Le syndrome neurotronculaire du nerf fibulaire va s’exprimer par des paresthésies et un déficit musculaire des éverseurs du pied. Néanmoins, on peut trouver dans les syndromes de loges chroniques, de manière temporaire, des dysesthésies et un discret déficit sensitif dans le territoire du nerf fibulaire. Reste alors les deux autres diagnostics envisagés : le syndrome de loges chronique et le piège artériel.
C’est le quiz n° 2 qui permettra de débrouiller la situation.

Réponses : B et D

Quiz 2 • Quelles investigations proposez-vous ?

A. Scintigraphie au technétium

B. Résonance magnétique nucléaire

C. Prise de pression de loges

Message cle n2

La scintigraphie au technétium n’apporte rien, par contre les scintigraphies au thallium 201 ou MIBI permettent également d’explorer les potentialités d’ischémie d’effort et montrent, en cas de syndromes de loges chroniques comme de piège vasculaire, une hypoperfusion d’effort avec reperfusion tardive (Fig. 1).
La résonnance magnétique nucléaire peut montrer certains oedèmes musculaires en hypersignal T2, mais en aucun cas une inadéquation entre l’augmentation du volume musculaire et la qualité élastique de l’aponévrose. Par contre, elle objective un piège artériel de type anatomique (Fig. 2).
De fait, cet examen ne se prête pas à une sémiologie dynamique d’effort. Seule la prise de pression de loges au repos puis une minute et 10 minutes après l’effort ayant généré la sémiologie clinique va objectiver une augmentation de la pression intratissulaire qui signe de manière formelle un syndrome de loges chronique à l’inverse d’un piège artériel qui sera certes générateur d’une ischémie par déficit de la vascularisation, mais qui n’augmente pas la pression intramusculaire (Fig. 3). Cette pression doit être inférieure à 15 mm de mercure au repos, ne doit pas dépasser 30 mm de mercure une minute après effort et doit revenir strictement à la normale une minute après effort.

Réponse : C

Figure 1 : Scintigraphie hypoperfusion posteffort.

Figure 2 : Piège artériel contre hypertrophie du gastrocnémien médian.

Figure 3 : Prise de pression au Stryker.

Quiz 3 • Le diagnostic de syndrome de loges chronique a été porté : quel traitement proposez-vous ?

A. Traitement médical

B. Traitement chirurgical par aponévrotomie

Message cle n3

La physiopathologie du syndrome de loges chronique repose sur une inadéquation entre l’augmentation du volume musculaire d’effort et l’incapacité de l’aponévrose à accepter cette augmentation de volume soit parce qu’elle est génétiquement trop exiguë soit parce qu’elle est remaniée par des traumatismes multiples entraînant une fibrose avec perte de l’élasticité. C’est ce concept contenant contenu qui explique, face à un sportif refusant de baisser sa quantité d’entraînement, les échecs fréquents du traitement médical et amène à une orientation chirurgicale par aponévrotomie (Fig. 4).
Au membre inférieur, elle peut s’effectuer à ciel ouvert ou par technique endoscopique et suppose une aponévrotomie la plus large possible de manière à éviter les récidives. Les consignes sont une hospitalisation de 48 heures, une reprise de la rééducation le plus rapidement possible et une reprise du terrain à partir de la 6e semaine (Fig. 5). Le jeune footballeur a bénéficié il y a quinze ans d’une aponévrotomie antéro-externe bilatérale et joue toujours actuellement en première division professionnelle.

Réponse : B

Figure 4 : Principe de l’aponévrotomie antéro-externe.

Figure 5 : Cicatrice postopératoire.

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