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Cas clinique : Une fausse lésion méniscale

Dr Patrick Middleton (Médecin rééducateur, médecin du sport, Bordeaux)

Dossier médical

Mr J. Dut. est adressé en consultation par son médecin traitant, non pas à un athlétologue marseillais, mais à un médecin rééducateur bordelais. Âgé de 25 ans, ce patient a dû arrêter une carrière de cycliste semi-professionnel 4 ans auparavant pour des gonalgies gauches en relation avec un dysfonctionnement de son appareil extenseur. Devenu charpentier, il décide de reprendre, début 2015, une activité sportive. Sur les conseils de son médecin traitant, le Dr J. Pru., il se met à la course à pied. En mars 2015, lors d’une course en montagne, il ressent un claquement non douloureux dans le genou droit. Cela ne gêne pas sa pratique sportive, mais il présente dans les jours qui suivent, lors de son activité professionnelle, un craquement douloureux dans ce genou. Il consulte son médecin traitant qui suspecte une lésion méniscale et lui prescrit une IRM.

Quiz 1 • Quels sont les signes cliniques permettant d’évoquer une lésion méniscale interne ?

A. Une hémarthrose

B. Le signe de Cabot

C. Un blocage aigu du genou

D. Un blocage du genou lors d’un mouvement de flexion

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Le diagnostic clinique de lésion méniscale traumatique repose sur un faisceau d’arguments. Le mécanisme lésionnel peut être un traumatisme en torsion du genou ou une extension brutale du genou à partir de la position fléchie. L’existence d’une douleur de l’interligne articulaire et d’un gonflement du genou est peu spécifique. Un blocage vrai du genou traduit le plus souvent une anse de seau luxée dans l’échancrure, alors qu’un ressaut, un claquement, un accrochage ou un pseudo blocage lors de l’extension du genou traduisent plutôt une languette méniscale ou une lésion complexe. Les signes cliniques en faveur du diagnostic sont des signes de coincement du compartiment lésé. Les plus connus sont la manoeuvre de Mac Murray et le test d’Apley pour le ménisque interne et le signe de Cabot pour le ménisque externe. Dans 15 % des cas, le bilan clinique est négatif.

Réponse : A et C

Pour ce patient, le mécanisme lésionnel est un mouvement d’extension brutale du genou à partir d’une position accroupie lors de l’exercice de son métier. À distance de l’accident initial, l’examen clinique est peu contributif. Le genou est sec, l’interligne interne est peu sensible, les signes méniscaux sont négatifs. Le bilan ligamentaire et tendineux est normal. Chez ce patient suivi 4 ans auparavant pour un dysfonctionnement rotulien du genou controlatéral, le bilan de l’appareil extenseur est indispensable. Celui-ci s’avère en fait peu évocateur. Pas de signe de Smillie, pas de rabot rotulien. L’engagement rotulien contrarié ne réveille pas de douleur. Les facettes latérales de la rotule sont non douloureuses. Seule est retrouvée une hypermobilité rotulienne. D’autres diagnostics peuvent être évoqués devant la survenue de pseudo blocage, d’accrochage ou de claquement lors des mouvements du genou. Un syndrome fémoro-patellaire produit ces symptômes lors d’un mouvement de flexion du genou. L’existence de corps étrangers intra-articulaires (CEIA), une pathologie synoviale et l’existence d’un clapet cartilagineux sont également responsables de cette symptomatologie, mais dans des circonstances très variables.

Données de l’imagerie

Le patient est adressé à la consultation du fait de l’existence d’une discordance entre l’anamnèse très en faveur d’une lésion méniscale et les résultats de l’IRM demandée par le médecin traitant qui ne mettent pas en évidence l’atteinte du ménisque interne. Sur les clichés, on ne note aucune atteinte méniscale ni fémoro-patellaire. Il est noté en revanche l’existence d’une chondropathie de stade 2 du condyle fémoral interne (Fig. 1 et 2). Il est alors prescrit un arthroscanner qui va permettre de diagnostiquer l’existence d’une languette cartilagineuse aux dépens du condyle fémoral interne (Fig. 3 et 4).

Figure 1 - Chondropathie de stade 2 du condyle fémoral interne.

Figure 2 - Chondropathie de stade 2 du condyle fémoral interne.

Figure 3 - Languette cartilagineuse.

Figure 4 - Languette cartilagineuse.

Quiz 2 • Quels examens prescrire suite à un traumatisme du genou ?

A. Un bilan radiographique

B. Une arthrographie

C. Un scanner

D. Une IRM

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Devant une lésion méniscale traumatique, la radiographie peut avoir un intérêt pour éliminer un diagnostic fracturaire du massif des épines tibiales, du plateau tibial ou une fracture ostéochondrale de la rotule, témoin d’une luxation fémoro-patellaire. L’IRM permet de faire le diagnostic de la lésion et d’orienter le traitement (conservateur en cas de lésion stable, exérèse, suture si possible). Il permet également de noter l’existence d’une lésion ligamentaire associée du ligament croisé antérieur (LCA) en cas de mécanisme en torsion ainsi que l’existence d’un oedème de l’os sous-chondral. L’analyse de la synoviale ou du cartilage justifie la réalisation d’un arthro-IRM (avec gadolinium) ou d’un arthroscanner pour le bilan cartilagineux.

Réponse : A et D

Proposition thérapeutique

La prise en charge thérapeutique de ce patient a prêté à discussion. La lésion cartilagineuse est minime et pour le Dr N. Gra., la balance bénéfice/risque pour la réalisation d’une résection arthroscopique de la languette chondrale est défavorable. Les clapets cartilagineux sont souvent associés à des lésions plus profondes (grade 3) et sont souvent situés au niveau rotulien. Pour le Dr D. Rou., il y a la place pour la réalisation d’une viscosupplémentation associée à un travail de rodage articulaire. Le Dr O  Fic. milite pour l’infiltration de PRP afin d’obtenir la cicatrisation de la lésion. Enfin, pour le Dr H. Del., il n’y a aucune indication à la réalisation d’ondes de choc.
Il a été décidé, dans un premier temps, de surveiller ce patient et de le revoir d’ici quelques semaines afin de rediscuter de l’indication arthroscopique en fonction de l’évolution clinique et IRM.

MDS123-Cas clinique-Fausse lesion meniscale-Ce qu il faut savoir

La survenue d’épisodes de blocage ou de claquement dans le genou n’a pas nécessairement une origine méniscale. De nombreuses méniscectomies ont été réalisées à tort avant l’avènement de l’IRM.
L’interrogatoire permet le plus souvent de distinguer les blocages méniscaux qui se produisent pendant un mouvement d’extension du genou des blocages rotuliens qui se produisent en début de flexion du genou. L’IRM est aujourd’hui l’examen de choix. Elle permet d’analyser la lésion méniscale et d’orienter le traitement en fonction de la localisation et du type de la lésion. Elle permet également d’avoir une idée satisfaisante de l’état du cartilage et de visualiser des signes de souffrance de l’os sous-chondral. L’arthro-IRM et l’arthroscanner sont des examens de derniers recours. Ils permettent une bonne analyse de la synoviale (plutôt arthro-IRM) et du cartilage (plutôt arthroscanner). Dans le cas de notre patient, la lésion cartilagineuse avait été diagnostiquée par l’IRM, mais c’est l’arthroscanner qui a permis de mettre en évidence la lésion instable à type de languette cartilagineuse.

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