
Dossier médical
Il s’agit d’une patiente de 41 ans, ancienne basketteuse de niveau régional, présentant des épisodes d’entorse de cheville à répétition. Le premier épisode a eu lieu il y a une vingtaine d’années et avait nécessité un traitement fonctionnel. Les comptes-rendus de suivi médical de l’époque concluaient à une entorse bénigne du ligament collatéral latéral. Par la suite, la patiente présentait des épisodes d’entorse récidivants tous les 3 à 6 mois l’obligeant à jouer avec un strapping en permanence. Elle a arrêté la compétition il y a 8 ans et continue un entretien physique hebdomadaire en salle de fitness et en course à pied. Par la suite, les épisodes traumatiques ont été de plus en plus rares, mais elle a toujours gardé une appréhension et la sensation de devoir en permanence « contrôler » sa cheville. Elle ne présente pas d’antécédents médicaux et consulte devant l’apparition de douleurs apparues progressivement il y a 3 ans. Depuis, elle a l’impression que sa cheville devient à nouveau instable avec un épisode d’entorse il y a 6 mois pour lequel elle a effectué une dizaine de séances de rééducation axées sur un travail proprioceptif. Elle est actuellement gênée dans la vie quotidienne avec un fond douloureux quasi permanent diurne et nocturne et une instabilité. Le périmètre de marche reste illimité.
Quiz 1 • D’après les données de l’interrogatoire, quels diagnostics évoquez-vous parmi ces propositions ?
A. Une instabilité latérale chronique de cheville isolée sur séquelle d’entorse
B. Une instabilité latérale de cheville compliquée d’arthrose talo-crurale post-traumatique
C. Une instabilité latérale de cheville compliquée d’une lésion ostéochondrale du dôme talien (LODA)
Réponses : B et C
Quiz 2 • Quelles imageries demanderiez-vous à ce stade ?
A. Une radiographie en charge de la cheville de face et de profil
B. Des clichés radiographiques dynamiques bilatéraux et comparatifs et en tiroir antérieur
C. Un arthroscanner de l’articulation talo-crurale
D. Une IRM de la cheville
Réponses : A, B et D

Figure 1

Figure 2

Figure 3
Proposition thérapeutique
En raison de l’instabilité douloureuse chronique et de l’absence de lésion cartilagineuse, le dossier a été discuté en staff médico-chirurgical avec relecture complète de l’imagerie par des radiologues rompus à la radio ostéo-articulaire. Malgré le caractère aspécifique de l’infiltration de la gaine des fibulaires, le diagnostic de synovite villonodulaire de la gaine synoviale a été évoqué et l’option d’un traitement chirurgical par biopsie exérèse a été retenue, associée à une ligamentoplastie du plan externe par technique d’Hémi Castaing utilisant un demi court fibulaire suturé à lui-même et passant dans la malléole externe. En peropératoire, la gaine des fibulaires était bombante et son incision retrouvait un tissu mou hématique et diffus. Les tendons fibulaires étaient sains. L’analyse anatomo-pathologique confirmait le diagnostic de synovite villonodulaire de la gaine synoviale.
L’instabilité chronique de cheville n’est classiquement pas douloureuse en dehors des épisodes d’entorse. Une douleur persistante après entorse aiguë doit faire suspecter une lésion ostéochondrale du dôme talien associée (?). L’examen de choix pour l’exploration de ces lésions ostéochondrales est l’arthroscanner. Une évolution douloureuse chronique à distance d’épisodes récidivants d’entorse de cheville oriente vers une arthrose post-traumatique et le traitement chirurgical de stabilisation n’aura que peu d’effet sur les douleurs. Lorsque l’instabilité devient douloureuse, toujours évoquer l’état du cartilage.
La synovite villonodulaire de la gaine synoviale et les tumeurs à cellules géantes des gaines sont apparentées. Cette pathologie est relativement rare et touche plus volontiers la femme de 30 à 40 ans. La localisation la plus fréquente reste les tendons fléchisseurs des doigts. Dans les formes typiques, l’IRM permet le diagnostic en retrouvant un hyposignal en T1 et en T2 en présence de dépôts d’hémosidérine. Le traitement est chirurgical et consiste en une exérèse exhaustive. La transformation maligne est exceptionnelle et la récidive locale n’est pas rare.
Pour cette patiente, le premier piège était la démarche diagnostique devant une instabilité douloureuse de cheville. Par ailleurs, la douleur rétromalléolaire externe et l’empâtement de cette région sont atypiques dans ce contexte et nous ont alertés sur le caractère singulier de ce dossier. Enfin, ces signes pouvaient également orienter vers une luxation chronique des tendons des fibulaires pouvant se présenter sous cette forme et être éliminée par un examen clinique orienté.