Vous êtes médecin ?
Accédez à votre espace professionnels

Douleurs d’épaule d’origine cervicale : repérer un désordre intervertébral mineur

Dr Jean-Marie Coudreuse (Unité de médecine du sport, Pôle de PMR, CHU Salvator, Marseille)

Devant une douleur d’épaule, il convient de ne pas passer à côté d’un DIM (désordre intervertébral mineur), pathologie extrêmement fréquente et parfois méconnue.

Le patient se présente en disant qu’il a “mal à l’épaule”. Quand on lui demande de localiser la douleur, celle-ci est d’une topographie tout à fait inhabituelle pour une lésion de l’épaule. En effet, le patient ne décrit pas une douleur de la partie antéro-latérale de l’épaule avec une irradiation descendante comme c’est le plus souvent le cas ou même une douleur en regard de la clavicule. Il montre très clairement la partie postérieure de l’épaule en regard de l’omoplate (Fig. 1). Dans certains cas, il vous dit même spontanément que cette douleur est déclenchée par des mouvements du rachis cervical. La douleur n’est d’ailleurs pas forcément liée ni à l’activité physique ni au mouvement, et peut apparaître de façon spontanée au repos et même parfois la nuit.

Figure 1 – Localisation de la douleur dans la partie postérieure de l’épaule.

L’examen clinique

L’examen clinique permet de confirmer le diagnostic et les différents signes sont fonction de la lésion initiale. On retrouve une douleur le plus souvent à la palpation du trapèze mais surtout au niveau de l’angulaire de l’omoplate ainsi qu’au niveau interscapulaire en regard de D5-D6 à environ 2 cm de la ligne des épineuses. Le “palper-rouler” est souvent douloureux et toujours asymétrique par rapport au côté controlatéral. Il s’agit simplement de pincer la peau et de la faire rouler sous les doigts en regard de l’omoplate et de la partie latérale du rachis dorsal. La mobilité du rachis cervical, évaluée selon le schéma en étoile de Maigne, retrouve une douleur dans certaines directions (les directions indolores donneront ultérieurement le sens de la manipulation). Les différents mouvements à explorer au niveau du rachis cervical sont la flexion, l’extension, la rotation droite, la rotation gauche, l’inclinaison droite et l’inclinaison gauche. Enfin, la troisième partie de l’examen clinique se déroule en décubitus dorsal afin de pouvoir palper le rachis cervical et on retrouvera, dans la plupart des cas, une douleur en C4-C5 et C5-C6. Parfois, ce sera en C6-C7 mais, dans ce cas, la douleur prédominera dans la région interscapulaire.

Diagnostics différentiels

Ce désordre intervertébral mineur est à bien différencier d’une névralgie cervico-brachiale. Si cette névralgie est d’origine cervicale, la localisation douloureuse est tout à fait différente avec une douleur qui irradie au niveau de l’épaule mais également au niveau du membre supérieur, ce qui n’est pas le cas dans les désordres intervertébraux mineurs. Il faudra toujours se méfier d’une douleur d’apparition brutale en interscapulaire car, dans certains cas, elle peut être suivie les jours suivants par l’apparition d’une vraie névralgie cervico-brachiale dont elle était l’étape préliminaire. L’autre diagnostic différentiel à envisager est celui d’une pathologie articulaire ou péri-articulaire de l’épaule. D’ailleurs, dans la majorité des cas, le patient vient consulter avec un diagnostic de “tendinite de l’épaule” étayé par de nombreux examens complémentaires. Même si ces examens complémentaires mettent en évidence une lésion de la coiffe par exemple, celle-ci ne peut pas expliquer à elle seule les douleurs postérieures de l’épaule.

À retenir

Le diagnostic de DIM, sans être véritablement un diagnostic d’exclusion, ne peut être posé qu’après avoir éliminé les autres étiologies en particulier celles d’origine cervicale. En effet, la manipulation qui est le traitement de choix pour un DIM, peut être formellement contre-indiquée et parfois extrêmement dangereuse dans certaines pathologies cervicales. C’est la raison pour laquelle des radiographies doivent être systématiquement effectuées avant toute manipulation et au moindre doute complétées par un scanner ou une IRM.

Examens complémentaires

Les examens complémentaires de l’épaule sont inutiles. Il faut dans ce cas demander des radiographies du rachis cervical avec des incidences de face et de profil. Ces radiographies sont indispensables avant de proposer un traitement manipulatif.

Traitement

Il repose essentiellement sur une manipulation cervicale qui doit être effectuée par un médecin diplômé en médecine manuelle et ostéopathie. Ces manipulations ne peuvent être réalisées qu’après un bilan clinique prémanipulatif complet et surtout après avoir effectué des radiographies cervicales.

Dans la plupart des cas, ces manipulations permettent de faire disparaître la symptomatologie. Ces manipulations ne doivent pas être répétées et, en général, il suffit d’une à deux, voire trois, manipulations pour obtenir une guérison complète.

On peut adjoindre à ce traitement manipulatif un programme de rééducation.

Celui-ci sera basé sur de la physiothérapie, des massages décontracturants, éventuellement des étirements axiaux doux et, surtout, un renforcement de la musculature cervicale qui doit toujours s’effectuer sur un mode statique (c’est-à-dire sans mouvement du rachis cervical). Dans le cas du sportif, il faut toujours rechercher une technopathie, c’est-à-dire un “mauvais geste” qui génère la douleur.

En conclusion

Le désordre intervertébral mineur est une étiologie fréquente de douleur d’épaule. Le diagnostic est facile et le médecin doit y penser devant une topographie de la douleur toujours postérieure, en regard de l’omoplate et confirmé par un examen clinique décrit par Maigne qui permet d’affirmer le diagnostic.

Le traitement repose sur une manipulation toujours effectuée après un bilan radiographique.

 

Merci à Pierre Requier, responsable du DU de médecine manuelle-ostéopathie à la faculté de médecine de Marseille

Revues

Médecins du sport

Cardio & sport

Vous êtes médecin ?
Accédez à votre espace professionnels