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Le kyste poplité : Diagnostiquer et prendre en charge

Dr Jacques Parier, Dr Vincent Chassaing, Dr Dominique Lucas (Clinique Maussins-Nollet, Paris)

Le kyste poplité est une poche plus ou moins volumineuse située à la partie postérieure et interne du genou. La forme la plus largement fréquente est le kyste de Baker mais ce n’est pas la seule. C’est Dupuytren qui, en 1829, le mentionne pour la première fois. Ensuite, d’autres auteurs tels Gruber en 1845, Foucher en 1856 et enfin Baker en 1877 se sont intéressés au sujet. Ce dernier rapporte 10 cas de patients porteurs de kyste du creux poplité ou du mollet associé à un épanchement du genou.

Une étude menée en 2005 auprès de 400 orthopédistes européens a montré que la dénomination de ce kyste était “kyste de Baker” pour 60 % d’entre eux et “kyste poplité” (KP) pour 40 %.

Il correspond à une distension de la bourse commune du chef médial du gastrocnémien et du tendon du semimembraneux. Il est essentiellement postéro-interne. Il existe une communication avec l’articulation, avec un phénomène de valve. Celle-ci a la forme d’une fente transversale située à la partie supérieure de la capsule. Elle est séparée du paquet vasculonerveux par le corps du muscle gastrocnémien. Elle est fréquente, retrouvée dans près de 50 % des cas, pour les genoux sains, selon Rauschning. La communication valvulaire s’effectue seulement dans un sens avec une valve à billes constituée de fibrine ou un fonctionnement de type canalaire. L’hyperextension n’agrandit pas l’ouverture, au contraire, puisque la capsule est attirée vers le haut par le demi-membraneux, la flexion l’élargit. La bourse est souvent divisée par des cloisons.

Etiologie

Le kyste poplité est le plus fréquent des kystes synoviaux. Il représente de 6 à 19 % des kystes chez l’adulte et 6 % chez l’enfant. Il est fréquent après 50 ans, habituellement lié à un épanchement intra-articulaire chronique.

Le kyste poplité est la conséquence d’une autre pathologie : la bourse poplitée, possédant la même synoviale que l’articulation, la présence de liquide dans la bourse est la conséquence d’une synovite et révèle donc l’existence d’une souffrance articulaire. Parmi les lésions articulaires mécaniques mises en cause, on retrouve dans près de 75 % des cas une lésion méniscale, mais également des lésions dégénératives et des lésions ligamentaires, chondromatose… Les kystes poplités sont aussi fréquemment retrouvés dans les atteintes rhumatismales ou métaboliques.

Rapports entre pression articulaire et pression kystique

Ils ont été parfaitement définis par Glimet lors d’un article de 1982.

La pression intra-articulaire du genou est normalement identique à la pression atmosphérique. Elle augmente d’autant plus que le volume intra-articulaire est élevé. Elle diminue vers 30 à 40° de flexion. Habituellement la pression intrakystique est supérieure à la pression intra-articulaire. Si l’on augmente la pression intra-articulaire, on augmente en proportion la pression intrakystique. Par contre, si on diminue cette pression intra articulaire, la pression intrakystique reste élevée. La communication valvulaire s’effectue seulement dans un sens, au niveau de la valve déjà décrite.

Lors du repos prolongé, le kyste tend le plus souvent à se réduire car le liquide est naturellement réabsorbé.

Un cas reste particulier c’est celui de l’enfant

Chez l’enfant, le kyste peut être bilatéral et isolé par rapport à l’articulation avec laquelle il ne communique pas. Son évolution se fait spontanément vers la résolution et,+ à partir de l’âge de 7 ans, 73 % des kystes ont disparu. Parfois une ponction est réalisée en cas de gêne importante, elle ramène alors un liquide gélatineux.

Sur un plan thérapeutique, l’abstention chirurgicale est de règle. Les études ont montré un taux de récidive après cure chirurgicale chez l’enfant dans plus de 40 % des cas.

La clinique

Le KP est souvent asymptomatique mais il peut parfois se révéler par une gêne, une tension, une douleur postérieure, en particulier lorsque les jambes sont tendues. Il est également gênant lors d’une flexion complète, car la pression postérieure augmente et la flexion fait ressentir ce kyste, surtout s’il est volumineux.

Lors de l’inspection, en décubitus ventral, jambes tendues, on pourra noter ce kyste postéro-interne (Fig. 1).

Figure 1 – Kyste poplité bien vu en décubitus ventral.

La palpation est le meilleur examen. Elle retrouve une tuméfaction liquidienne plus ou moins volumineuse de forme variable qui n’est ni battante, ni soufflante, éliminant un certain nombre de diagnostics différentiels. Parfois, on ressent au sein du kyste des formations solides qui traduisent des corps étrangers.

Foucher aurait décrit la vidange possible du genou lorsqu’on met celui-ci en flexion avec pression importante sur le kyste.

Les examens complémentaires (Fig. 2-5)

Figure 2 – Kyste poplité, vue axiale.

Figure 3 – Kyste poplité très volumineux, vue sagittale.

Figure 4 – Ouverture de la communication entre l’articulation et le KP ; utilisation de bleu de méthylène pour repérer le pertuis.

Figure 5 – Faux kyste poplité ; kyste du ménisque interne.

La radiographie donne un état global du genou et visualise correctement les zones osseuses ou les zones calcifiées. Elle peut parfois noter des corps étrangers à l’intérieur des kystes.

L’échographie est sans aucun doute l’examen de choix. Elle permet habituellement d’effectuer le diagnostic. C’est un examen de pratique courante, non invasif et économique. Il permet l’étude phlébologique de voisinage, une association est en effet possible avec une phlébite. Elle permet de visualiser le kyste et de définir ses caractéristiques : volume, étendue, cloisons, contenu… Elle dirige la ponction éventuelle et suit son évolution. D’autres examens complémentaires pourront être effectués pour un bilan plus complet du genou, en particulier pour éliminer des diagnostics différentiels ou pour rechercher un élément étiologique.

L’IRM est sans doute un examen très performant mais plus difficile à obtenir et plus coûteux. Son utilisation rentre dans le cadre d’une démarche diagnostique. Il visualise parfaitement les parties molles intra- ou extra-articulaires. A ce titre, il permet de visualiser les lésions méniscales ou cartilagineuses. Le kyste poplité est parfaitement défini et son pertuis précisé.

Un certain nombre de kystes poplités particuliers ont été décrits

Ils peuvent en effet être cloisonnés ou contenir des corps étrangers calcifiés. Des complications existent : thrombophlébite, compression de l’artère poplitée, compression nerveuse, syndrome de loge.

La rupture du kyste poplité

Elle fait souvent suite à un mouvement de flexion ou d’extension forcée. Le sujet retrouve une douleur très vive au niveau du creux poplité et du mollet. Il le compare parfois à une crampe très violente. Le mollet augmente de volume, il est tendu, dur à la pression Souvent, une phlébite est diagnostiquée. L’ecchymose interne est un bon signe de rupture du kyste poplité. L’échographie permet de poser le diagnostic si un doute subsiste.

Les diagnostics différentiels sont nombreux

Il faut d’abord se méfier si le kyste n’est pas véritablement postéro-interne, notamment médian, voire postéro-externe.

Parmi les diagnostics les plus fréquents, on peut retrouver une synovite villonodulaire, un kyste méniscal de localisation très postérieure, des tumeurs neurologiques ou musculaires, des lésions musculo-aponévrotiques.

Traitements

Le traitement médical

Il est habituellement suffisant pour régler totalement le problème, mais il existe malheureusement de fréquentes récidives.

Il faut traiter la cause de la synovite chronique et donc de la pathologie intra-articulaire.

C’est cette pathologie chronique qui va entraîner une hydarthrose et donc l’alimentation permanente du KP. Avant tout, il faut ainsi essayer de traiter le problème intra-articulaire.

La ponction permet souvent d’améliorer la situation et de régler le problème, soit de façon définitive, soit temporairement. On utilise une aiguille de gros calibre, avec une seringue adaptée. On peut extraire soit un liquide filant soit un liquide gélatineux très dense. Certains utilisent systématiquement l’association avec une injection de produit cortisoné, soit des produits classiques retards, soit des produits fluorés, pour lesquels il faut être particulièrement soigneux pour éviter une nécrose cutanée. Ces injections doivent être limitées. En effet, il existe des risques infectieux et des risques cutanés. En règle générale on respecte le nombre de 2 ou 3 infiltrations.

Le traitement chirurgical

Il reste exceptionnel au vu de cette pathologie fréquente.

Le traitement classique constitue, par une voie postérieure, à effectuer l’ablation du kyste avec toute sa poche. Il s’agit là d’une chirurgie qui, dans un certain nombre de cas, donne lieu à des récidives, près de 63 % pour Rauschning et Lindren, de plus elle est relativement invasive. C’est pourquoi un certain nombre d’auteurs dont Sansone et De Ponti ont proposé cette même intervention sous arthroscopie, l’idée étant d’élargir la valve pour permettre une libre circulation du liquide, de la poche que représente le kyste poplité, vers la poche intra-articulaire. Cette intervention doit être réalisée par des opérateurs entraînés du fait des risques notamment vasculonerveux et du repérage parfois délicat de l’orifice du kyste. Certains auteurs nettoient également le kyste “par l’intérieur” à l’aide d’un instrument motorisé. A distance, les résultats semblent bons avec une diminution ou une disparition du kyste.

Pour en savoir plus

• Baker WM. On the formation of synovial cysts in the leg in connection with disease of the knee joint. St Bartholomew’s Hosp Rev 1877 ; 13 : 245-61.

• Calvisi V. Arthroscopic all-inside suture of symptomatic Baker’s cysts : a technical option for surgical treatment in adults Knee Surgery. Sports Traumatology Arthroscopy 2007 ; 15 : 1452-61.

• Glimet T. Le kyste poplité. Actualités rhumatologiques 1982 : 63-73.

• Fritschy D, Imbert JC. The popliteal cyst Knee Surg. Sports Traumatol Arthrosc 2006 14 : 623-8.

• Hughston JC, Baker CL, Mello W. Popliteal cyst: a surgical approach. Orthopedics 1991 ; 14 : 147-50.

• Johnson LG, Van Dyck GE, Johnson CA. The popliteal bursa (Baker’s cyst): an arthroscopic perspective and the epidemiology. Arthroscopy: The Journal of Arthroscopic & Related Surgery 1997 ; 13 : 66-72.

• Raushning W, Auschning W. Popliteal cysts and their relation to gastrocnemio- semimembranus bursa. Acta Orthop Scand 1979 ; 179 : 43.

• Sansone V, De Ponti A. Arthroscopic treatment of popliteal cyst ans associated intra-articular knee disorders in adults. Arthroscopy 1999 ; 15 : 368-72.

• Sanghun Ko, Jinhwan A. Popliteal arthroscopic excisional debridement and removal of capsular fold of valvular mechanism of large recurrent popliteal cyst. Arthroscopy 2004 ; 20 : 37-44.

• Yamakado K. Dissecting a popliteal cyst after failed unicompartmental knee arthroplasty. Arthroscopy 2002 ; 18 : 1024-8.

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