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Le syndrome de Wolff Parkinson White – Cas d’un jeune footballeur

Dr Alain Frey (Service de médecine du sport, CHI Poissy/Saint-Germain, Saint-Germain-en-Laye)

Description du cas 

Il s’agit d’un jeune footballeur de 30 ans évoluant en National 2. Il est suivi depuis de nombreuses années avec des bilans annuels comprenant un ECG de repos réalisé régulièrement (Fig. 1 et 2).

Figure 1 – Tracé ECG 2013.

Figure 2 – Tracé ECG 2015.

Découverte

Lors de sa visite annuelle en juillet 2021, nous découvrons sur l’ECG la présence d’une pré-excitation ventriculaire de type Wolff-Parkinson-White (WPW) inconnue à ce jour et non présente sur les ECG précédents (Fig. 3).

Figure 3 – Tracé ECG 2021.

Le patient ne ressent aucune palpitation ni douleur thoracique et s’entraîne normalement. Il n’a aucun antécédent notable, est à jour sur le plan de son suivi vaccinal et dentaire. Il n’a pas eu le Covid-19 et a été vacciné en juin 2021. 

Examens complémentaires

Après avis auprès des cardiologues du sport, le bilan cardiologique a été complété par une échographie cardiaque qui est normale et par une exploration électro-physiologique (EEP) dont les résultats sont les suivants :

• AH : 95 ms HV max : -10 ms ;

• point de Luciani-Wenckebach/point de Kent antérograde : 250/430 ms ;

• période réfractaire effective antérograde du Kent : 240 ms ;

• absence de dualité nodale ;

• point de Luciani-Wenckebach rétrograde : 350 ms ;

• tachycardie inductible (avec isoprénaline) ;

• cycle : 340 ms – Ratio A/V = 1 délai VA : 101 ms ;

• activation rétrograde atriale excentrique ; oreillette hissienne dernière.

Diagnostic et prise en charge

Le diagnostic de tachycardie réentrante orthodromique sur postéro-septal droit est confirmé. 

La décision a été prise de lui proposer une ablation de cette voie accessoire réalisée en juillet 2021 avec reprise progressive de son sport en 1 mois. Actuellement, il a repris son entraînement complet et ne ressent aucun symptôme.

Le syndrome de Wolff-Parkinson-White 

Définition et épidémiologie

En 1930, Louis Wolff, Sir John Parkinson et le Dr Paul Dudley White ont publié une série de cas portant sur 11 patients présentant une tachycardie paroxystique associée à un schéma ECG sous-jacent de rythme sinusal avec un PR court et un bloc de branche/QRS large. Ce phénomène a ensuite été baptisé syndrome de Wolff-Parkinson-White.

Épidémiologie

Il s’agit d’une affection rare congénitale ayant une prévalence de un à trois pour 1 000 individus, le plus souvent asymptomatique. Elle reste une des causes de mort subite du sujet jeune sportif devant l’apparition d’une fibrillation ventriculaire. L’incidence de mort subite chez les patients présentant un faisceau accessoire est estimée à 1/1 000. 

Selon une estimation générale des experts, environ 65 % des adolescents et 40 % des personnes de plus de 30 ans présentant un tracé WPW sur un ECG de repos sont asymptomatiques. Les personnes de moins de 30 ans présentent un risque plus élevé d’arythmies potentiellement mortelles. Ce syndrome est plus fréquent chez les hommes.

Forme familiale

Une forme familiale du syndrome de WPW a été observée avec une mutation au niveau du gène PRAKAG2, entraînant une augmentation de la prévalence à 3,4 % chez les parents au premier degré. Cette situation est associée à une cardiopathie congénitale, notamment l’anomalie d’Ebstein et la cardiomyopathie hypertrophique.

Catégories de patients

Nous distinguons deux catégories de patients :

• ceux qui sont asymptomatiques avec un aspect de WPW (PR court et présence d’une onde delta) ;

• ceux qui sont symptomatiques avec un aspect de WPW et des épisodes de tachycardie par réentrée.

Définition

Une définition a été proposée par des experts européens en 2019 : le syndrome de WPW est défini par la présence d’une voie accessoire perméable entraînant une pré-excitation ventriculaire manifeste sur l’ECG, associée à des tachyarythmies généralement récurrentes. Ces tachycardies sont les suivantes :

• tachycardies atrio-ventriculaires par réentrée (Fig. 4) : accès de tachycardies paroxystiques de type tachycardie orthodromique (95 %) ou tachycardie antidromique (5 %) ;

• FA conduite avec pré-excitation. 

Figure 4 – Mécanisme de réentrée. Syndrome de Wolff-Parkinson-White, mécanismes de tachycardies réciproques (site e-cardiogram du Dr Taboulet).

Physiopathologie

La base physiopathologique est une voie de conduction anormale atrio-ventriculaire (faisceau de Kent) qui court-circuite la conduction normale nodo-hissienne. Le myocarde ventriculaire est donc dépolarisé en avance par le faisceau accessoire, ce qui explique le raccourcissement du PR et la déformation du ventriculogramme qui résulte d’une fusion entre l’activation première atrio-ventriculaire et celle qui passe par la voie nodo-hissienne. 

La fibrillation auriculaire peut être particulièrement dangereuse en cas de syndrome de WPW. La voie accessoire peut conduire les impulsions rapides vers les ventricules à un rythme beaucoup plus rapide que celui de la voie normale (à travers le nœud auriculo-ventriculaire). Il en résulte une fréquence ventriculaire extrêmement rapide et potentiellement mortelle par fibrillation ventriculaire.

Clinique

Le plus souvent asymptomatique de découverte fortuite sur l’ECG.

Mais parfois, nous retrouvons les signes cliniques suivants en fonction des catégories d’âge :

• les nourrissons peuvent être irritables et avoir des difficultés à s’alimenter ; en cas de cardiopathie structurelle ou de tachycardie prolongée, des symptômes d’insuffisance cardiaque peuvent être présents, notamment la tachypnée et la léthargie ;

• les jeunes enfants peuvent décrire des épisodes de respiration altérée ou de détresse respiratoire plutôt que des battements cardiaques rapides ;

• les enfants plus âgés et les adultes peuvent décrire un rythme cardiaque rapide ou irrégulier ou des étourdissements intermittents.

Lors d’une tachyarythmie soutenue, les symptômes peuvent inclure une gêne thoracique, des palpitations, une dyspnée, une anxiété, un malaise, une syncope, voire un arrêt cardiaque dû à une fibrillation auriculaire évoluant vers une fibrillation ventriculaire.

Bilan complémentaire

ECG

L’ECG est l’examen qui permet de dépister le WPW et, en cas de doute, de pratiquer les manœuvres vagales pour ralentir la conduction auriculo-ventriculaire. Dans le cas de notre patient, la FC des ECG de 2013 et 2015 était aux alentours de 55 alors que, pour l’ECG de 2021, la FC était à 46 ce qui pourrait aussi expliquer le fait que nous avons pu le mettre en évidence.

Exploration électro-physiologique

L’exploration électro-physiologique est fondamentale pour connaître les propriétés de la voie accessoire et permettre d’apprécier le risque rythmique (période réfractaire, intervalle RR, tachycardie par réentrée).

Les lignes directrices 2015 de l’ACC/AHA/HRS préconisent la mesure du plus court intervalle RR pré-excité (SPERRI) utilisée pour déterminer les propriétés des voies accessoires lors de l’étude invasive. Un SPERRI de 220 à 250 ms et surtout inférieur à 220 ms est plus fréquemment observé chez les patients atteints de WPW qui ont subi un arrêt cardiaque. Ainsi, un SPERRI inférieur à 250 ms peut être considéré comme une indication pour envisager une ablation comme cela était le cas chez notre sportif.

Toutes ces options doivent faire l’objet d’une évaluation des risques/bénéfices avec le patient et sa famille.

Diagnostics différentiels

Les étiologies des tachycardies avec complexes larges et étroits, régulières ou irrégulières peuvent être réparties dans le tableau 1.

D’autres causes de tachycardies peuvent être recherchées comme un syndrome coronarien aigu, une embolie pulmonaire, une hyperthyroïdie…

Traitement

Les manœuvres 

Les épisodes de tachycardie paroxystique supraventriculaire dus au syndrome de WPW peuvent être arrêtés par l’une des manœuvres qui stimulent le nerf vague et donc ralentissent le rythme cardiaque. Ces manœuvres sont plus efficaces si elles sont exécutées peu de temps après le début de l’arythmie.

Traitements médicamenteux

Lorsque ces manœuvres sont inefficaces, des médicaments, comme le vérapamil et l’adénosine, peuvent être administrés par voie intraveineuse pour arrêter l’arythmie. Des anti-arythmiques peuvent alors être pris définitivement pour prévenir de nouveaux épisodes de rythme cardiaque rapide.

Pratique du sport en compétition

Pour la pratique du sport en compétition, le traitement repose sur l’ablation par radiofréquence avec un taux de succès d’environ 95 %. Les récidives sont inférieures à 5 %. La reprise du sport s’effectue dans le mois qui suit et un suivi annuel cardiologique est préconisé, ce qui a été proposé à notre patient.

Pratique du sport loisir

Si le patient est plus âgé et qu’il ne pratique que du sport loisir et si l’exploration électro-physiologique est en faveur d’une voie accessoire bénigne, nous pouvons surseoir à l’ablation de cette voie accessoire.

Bibliographie

• Wolff L, Parkinson J, White PD. Bundle-branch block with short P-R interval in healthy young people prone to paroxysmal tachycardia. 1930. Ann Noninvasive Electrocardiol 2006 ; 11 : 340-53.

• Page RL, Joglar JA, Caldwell MA et al. 2015 ACC/AHA/HRS guideline for the management of adult patients with supraventricular tachycardia: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines and the Heart Rhythm Society. J Am Coll Cardiol 2016 ; 67 : e27-115.

• Chhabra L, Goyal A, Benham MD. Wolff Parkinson white syndrome. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing ; 2021 Aug 11.

• Gollob MH, Green MS, Tang MS et al. Identification of a gene responsible for familial Wolff-Parkinson-White syndrome. N Engl J Med 2001 ; 344 : 1823-31.

• Site ecardiogram du Dr Taboulet (www.e-cardiogram.com).

• Site du club des cardiologues du sport (www.clubcardiosport.com).

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