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Les douleurs de la face interne du genou : Eléments diagnostiques

Dr Jean-Marie Coudreuse (Unité de médecine du sport, pôle de MPR, CHU Salvator, Marseille)

Les douleurs de la face interne du genou sont extrêmement fréquentes. Elles se rencontrent dans deux situations bien distinctes : d’une part à la suite d’un traumatisme et, d’autre part, de façon chronique sans traumatisme déclenchant et souvent favorisées par l’activité physique, en particulier en charge.

Les douleurs de la face interne post-traumatiques

Le premier élément sur lequel il est indispensable d’interroger le sportif est le mécanisme. Un mécanisme en valgus ou en valgus-rotation externe orientera volontiers vers une lésion du ligament collatéral médial (ligament latéral interne). Il faudra également rechercher un mécanisme évoquant une rupture du ligament croisé antérieur puisque que les lésions du plan interne peuvent être associées à une lésion du LCA. L’interrogatoire recherchera également la présence d’une instabilité et surtout d’un épanchement articulaire. En effet, la présence de ce dernier orientera vers une lésion intra-articulaire alors que l’absence d’épanchement ou une tuméfaction localisée en interne orientera plus vers une lésion ligamentaire médiale. L’examen clinique sera bien sûr toujours complet avec l’étude des amplitudes articulaires en décubitus dorsal et ventral, la recherche d’un épanchement, de signes méniscaux, ostéochondraux (fémoro- tibiaux et fémoro-patellaires) et ligamentaires et les tests isométriques.

Comprendre l’étiologie de la douleur

Dans un contexte post-traumatique, si on centre l’examen clinique sur cette face interne du genou, le plus important est de faire la différence entre une douleur liée au ligament collatéral médial et une douleur liée au ménisque médial. Si la douleur est d’origine ligamentaire, elle siègera le plus souvent (dans 90 % des cas) à l’insertion haute du ligament collatéral médial et donc nettement au-dessus de l’interligne articulaire (Fig. 1) alors qu’une lésion méniscale ne peut pas donner de douleurs à cet endroit. Dans quelques cas plus rares, elle peut siéger à l’insertion basse du ligament et fera toujours rechercher une lésion du LCA associée. Si la douleur siège à la partie médiane, en regard de l’interligne interne, il n’est pas possible de faire la différence à la palpation entre une douleur méniscale et une douleur ligamentaire.

En revanche, la palpation peut être douloureuse à la partie antérieure ou postérieure de l’interligne articulaire, ce qui élimine une lésion ligamentaire et oriente plutôt vers une lésion méniscale. Les autres signes méniscaux sont systématiquement recherchés (Grinding Test, Mac Murray…). Pour avoir un argument supplémentaire en faveur d’une souffrance méniscale, il est intéressant, lorsqu’on fléchit le genou en passif, arrivé à l’angle douloureux, d’imprimer un mouvement de varus-rotation médial. Si la douleur augmente, elle est plutôt d’origine méniscale car elle comprime le ménisque et détend le ligament. Par ailleurs, lors d’un mouvement en valgus, si la douleur augmente en rotation latérale, elle est plutôt d’origine ligamentaire et, si elle augmente en rotation médiale, elle est plutôt d’origine méniscale.

 

Enfin, la recherche d’une laxité du plan interne est systématique. Dans un premier temps, elle est effectuée genou tendu. Si elle est positive, elle signe la lésion du plan ligamentaire interne et une probable lésion du LCA associée. Elle est ensuite effectuée à 30° de flexion ; si cette laxité est retrouvée, elle signe la lésion du plan ligamentaire interne. Si elle déclenche une douleur sans mise en évidence de laxité, elle oriente plutôt vers une lésion ligamentaire souvent incomplète mais, parfois, elle peut être douloureuse également en cas de lésion méniscale. Nous n’abordons pas ici la troisième cause de douleur interne du genou qui peut être liée à une fracture car le contexte est souvent différent.

Examens complémentaires et prise en charge

Il est très important de faire la différence entre une douleur d’origine méniscale et une lésion ligamentaire car les examens complémentaires ne sont pas les mêmes. La lésion méniscale indiquera la réalisation d’une IRM alors que la lésion ligamentaire nécessitera une échographie. La prise en charge thérapeutique Douleurs, Face interne du genou, Diagnostic Mots-clés sera bien sûr totalement différente. En résumé, il est “dangereux” de prendre une décision thérapeutique sur une simple IRM sans examiner le genou du patient car la situation la plus fréquente est celle d’un patient qui vient consulter avec une IRM montrant une petite lésion méniscale alors que c’est l’insertion de son ligament qui le fait souffrir et donc, dans ce cas, l’arthroscopie est contre-indiquée.

Le contexte douloureux chronique

Comprendre l’étiologie de la douleur

Il s’agit le plus souvent d’un sujet plus âgé, pratiquant une activité physique en charge comme la course à pied ou la randonnée et qui se plaint de gonalgies d’effort. Dans ce cas, les deux diagnostics principaux à différencier sont celui d’une atteinte méniscale médiale et celui d’une atteinte ostéo-chondrale. Dans le cas de l’atteinte méniscale, on retrouve les classiques signes méniscaux mais surtout la palpation sera extrêmement discriminative puisqu’une atteinte méniscale sera douloureuse en regard de l’interligne fémoro-tibiale alors que l’atteinte ostéochondrale donnera une douleur sur le rebord de cet interligne ou le plus souvent nettement en dessous, en regard du plateau tibial. Les autres diagnostics à évoquer sont, en premier lieu, une fracture de fatigue du plateau tibial, voire une tendinopathie de la patte d’oie. Cette dernière est extrêmement rare et son diagnostic est souvent posé abusivement. Pour retenir ce diagnostic, il faut avoir éliminé une atteinte méniscale et ostéochondrale et, surtout, avoir une preuve par l’imagerie de cette atteinte des tendons de la patte d’oie.

Examens complémentaires et prise en charge

La différence entre la lésion méniscale et la lésion ostéochondrale est extrêmement importante puisque, encore une fois, les examens complémentaires sont complètement différents. La lésion méniscale est objectivée par une IRM tandis que la lésion ostéochondrale nécessite tout d’abord des radiographies (en charge face, profil et en position de shuss) et, dans un deuxième temps, un arthroscanner. Là encore, la situation la plus fréquente est celle d’un patient qui vient avec son IRM montrant une atteinte méniscale alors qu’à l’examen clinique on ne retrouve pas de signes méniscaux mais une douleur en regard du plateau tibial. Les radiographies peuvent montrer éventuellement un pincement fémoro-tibial et, surtout, l’arthroscanner mettra en évidence une arthropathie fémorotibiale qui peut passer inaperçue à l’IRM. Encore une fois, les conséquences sont majeures puisque la présence d’une lésion ostéochondrale contreindique dans la majorité des cas un geste méniscal qui ne ferait qu’aggraver cette chondropathie.

 

En conclusion

Que ce soit dans un contexte traumatique ou dans un contexte micro- traumatique, il faut savoir faire la différence, d’une part, entre une lésion méniscale et une lésion ligamentaire et, d’autre part, entre une lésion méniscale et une lésion ostéochondrale. Les examens complémentaires ne sont pas les mêmes et la stratégie thérapeutique est également différente. Il faut donc toujours respecter la règle selon laquelle un examen complémentaire ne peut être choisi et prescrit qu’après un interrogatoire et un examen clinique rigoureux. Dans le cas contraire, cet examen serait au mieux inutile et, au pire, dangereux.

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