Les tendinopathies de la coiffe des rotateurs
Une rééducation qui dépend de la présence d’une rupture, de l’état musculaire et de la physiopathologie de la lésion
Devant une lésion de la coiffe des rotateurs, certains points sont à préciser en vue de la prise en charge de la rééducation :
• y a-t-il rupture ?
• quel est l’état musculaire ?
• quelle est la physiopathologie de la lésion ?
Coiffe non rompue
Objectifs de la rééducation
En l’absence de rupture, l’objectif est de calmer les douleurs, de favoriser la cicatrisation du tendon et de prévenir la rupture. Il n’y a aucune raison d’être confronté à un problème de dégénérescence musculaire.
Prise en charge de la douleur
La prise en charge de la douleur donne une large place au traitement médical. L’infiltration n’est justifiée qu’en cas de bursite associée et doit être réalisée sous contrôle échographique.
Les techniques de rééducation ayant pour objectif de diminuer la douleur et de favoriser la cicatrisation tendineuse sont les mêmes, quel que soit le tendon touché, membre supérieur ou membre inférieur.
Le repos relatif, le massage transversal profond (MTP) en position de dégagement du tendon (Fig. 1 et 2) ou les ondes de choc, le travail musculaire concentrique prolongé à visée vasculaire, les étirements passifs puis le travail musculaire excentrique selon le protocole de Stanish (Fig. 3) sont les techniques à privilégier.
Prévention
La prévention d’une lésion dépend de sa physiopathologie. Dans le cadre des lésions de la coiffe des rotateurs, celle-ci est discutée.
Le conflit sous-acromial
Le rôle du conflit sous-acromial, longtemps privilégié, est aujourd’hui abandonné. Le conflit serait secondaire à la rupture tendineuse. Les techniques de renforcement des abaisseurs de la tête humérale n’ont pas leur place dans ce contexte.
La laxité d’épaule serait en cause ?
L’épaule est l’articulation la plus laxe du corps humain. Le sport sollicite souvent l’épaule dans des amplitudes extrêmes, ce qui favorise la survenue d’une laxité de la scapulo-humérale. Le lien entre laxité et tendinopathie n’est cependant pas clair. Cela pourrait entraîner une hyper-sollicitation des muscles stabilisateurs de l’épaule ou bien favoriser le décentrage de la tête humérale. Il s’agit d’un décentrage antéro-supérieur et rotatoire. Il justifie des techniques de recentrage de la tête humérale qui sont passives et actives. Il est nécessaire de travailler les fixateurs de l’omoplate et notamment les adducteurs de la scapula (Fig. 4), de réaliser des exercices de décoaptation de la tête humérale et de renforcer les rotateurs latéraux.

Le déséquilibre musculaire
La pratique du sport permet de renforcer les muscles effecteurs du mouvement ou agonistes. Il est donc normal de trouver un déséquilibre chez le sportif entre le muscle agoniste et son antagoniste qui ne se renforce pas. S’agit-il d’un déséquilibre ou d’une adaptation à la pratique sportive ? Il faut cependant souligner que lorsque le muscle effecteur du mouvement travaille en concentrique son antagoniste travaille en excentrique. Les muscles antagonistes doivent donc développer une capacité de résistance à l’étirement (ou capacité excentrique) suffisante.
Le travail musculaire excentrique
Le rôle du travail musculaire excentrique dans la survenue de la lésion ne fait plus aucun doute. L’insuffisance de résistance à l’étirement de l’infra et du supra-épineux ainsi que du long biceps est la principale cause de la lésion. Plus les capacités excentriques sont importantes, plus on retarde la survenue de la lésion. La réalisation d’un travail musculaire excentrique proposée par Stanish (Fig. 3) permet de reprogrammer le tendon dans la fonction frénatrice du complexe musculo-tendineux.
Une technopathie
Un mauvais geste technique peut favoriser la survenue de la lésion tendineuse. Ce mauvais geste technique peut favoriser un conflit par décentrage de la tête humérale ou surtout être responsable d’une hyper-sollicitation excentrique.
La rééducation
La rééducation dans le cadre des tendinopathies non rompues de la coiffe des rotateurs doit proposer, en association avec les techniques à visée antalgique et cicatrisante déjà vues, un travail musculaire spécifique concentrique et excentrique du complexe musculo-tendineux concerné. Il faut également s’assurer du fonctionnement des fixateurs de l’omoplate (Encadré 1).
Coiffe rompue
La rupture de la coiffe des rotateurs ne justifie pas nécessairement une réparation chirurgicale. En effet, il existe des possibilités de suppléance et le risque de re-rupture n’est pas négligeable après chirurgie. Il faut cependant connaître les répercussions de cette décision. La lésion peut bien évidemment s’aggraver et il existe un risque de dégénérescence musculaire responsable d’une dégradation fonctionnelle.
Objectifs de la rééducation
Les objectifs de la rééducation sont :
• prendre en charge la douleur,
• éviter l’aggravation de la lésion,
• lutter contre la dégénérescence musculaire,
• prévenir l’ascension de la tête humérale,
• programmer un nouveau fonctionnement de l’épaule.
Prise en charge de la douleur
La prise en charge de la douleur est surtout médicale. La place de l’infiltration a déjà été discutée. La cryothérapie, la physiothérapie, les massages décontractants et à visée de drainage peuvent être proposés, mais la rééducation a surtout comme rôle de proposer des exercices :
• de mobilisation passive à visée de récupération des amplitudes articulaires si nécessaire ou de recentrage de la tête humérale,
• des exercices de renforcement musculaire concentrique à visée trophique des complexes musculo-tendineux lésés. L’éléctrostimulation ayant toute sa place dans ce contexte ;
• des exercices de renforcement des abaisseurs de l’épaule : travail en co-contraction du grand dorsal et du grand pectoral.
Prévention
Les exercices
La prévention passe par des exercices permettant de trouver des voies de passage lors de l’élévation du membre supérieur. Les douleurs surviennent, en règle générale, lors des mouvements d’élévation du bras coude tendu entre 80 et 120°. Il faut apprendre au patient à lever le bras en fléchissant le coude, ce qui réduit le bras de levier et diminue les contraintes mécaniques sur la coiffe des rotateurs, en y associant si nécessaire des composantes rotatoires.
Les mouvements à éviter
La prévention passe également par une information sur les mouvements à éviter :
• le port de charges lourdes
• et la réalisation d’activités prolongées les bras au-dessus du plan des épaules.
Il faut conseiller au patient d’adapter son logement en privilégiant les rangements bas pour les objets d’utilisation courante dans le salon, la chambre et la cuisine afin d’éviter de lever les bras trop souvent (Encadré 2).
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