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Un ressaut de hanche

Dr David Petrover (Radiologue ostéoarticulaire et interventionnel, Centre imagerie Paris, Centre IMPC Bachaumont, Clinique Drouot, Paris)

Une danseuse professionnelle de l’Opéra de Paris de 29 ans se présente pour un claquement de hanche non douloureux, mais audible, lors de mouvements de rotation externe abduction de hanche répétés. Les symptômes évoluent depuis un an et se sont aggravés récemment. L’échographie (Fig. 1) permet de poser le diagnostic de ressaut antéromédial de hanche (ressaut du psoas).

Figure 1 – Échographie dynamique de la hanche.
A. Le tendon psoas (T) en position de rotation externe abduction. Notez une fine bande musculaire du psoas interposée entre le tendon et le cotyle (double flèche).
B. Lors du retour en position neutre, le genou est tendu, le tendon du psoas (T) vient brutalement claquer contre le cotyle par retrait de la fine bande musculaire (flèche pointe vers le haut). V : veine iliaque ; Tête de flèche : muscle psoas ; T : tendon psoas. 

Les ressauts de hanches

Les ressauts de hanches sont retrouvés dans la littérature sous le terme de snapping hip ou encore coxa saltans. Le terme de ressaut regroupe des phénomènes extra-articulaires dus au passage d’une structure qui peut être aponévrotique ou tendineuse au-dessus d’un relief osseux.

Ces ressauts sont constatés lors de mouvements actifs et sont facilement reproduits par les patients. Au niveau de la hanche, il peut s’agir d’un ressaut latéral ou bien d’un ressaut antérieur. Très fréquemment retrouvés, ils sont rarement responsables de douleurs, d’où l’importance d’un bilan complet afin d’éliminer toute autre pathologie de la hanche. Cependant, ces ressauts peuvent devenir douloureux, soit après un épisode traumatique, soit le plus souvent par sollicitation importante, notamment lors de la pratique sportive. Sa prévalence est difficile à chiffrer, de l’ordre de 5 à 10 % dans la population générale, mais ils sont plus fréquents et symptomatiques chez les sportifs, avec un sex ratio de 3 femmes pour 1 homme, et en particulier dans certaines activités comme la danse, la course à pied et le foot (1). Classiquement, on distingue les ressauts d’origine intraarticulaire (corps étrangers, lésions labrales, etc.) des ressauts extra-articulaires. Parmi ces derniers, deux entités doivent être connues : le ressaut latéral et le ressaut antéromédial.

Le ressaut latéral 

Le ressaut latéral est lié au passage de la bandelette iliotibiale (bandelette de Maissiat) sur le grand trochanter. Le ressaut est visible et palpable lors des mouvements actifs et n’est pas retrouvé lors des mouvements passifs. En effet, la mise en tension de la bandelette sur le grand trochanter par la contraction musculaire est indispensable à la survenue de ce ressaut. Parfois, la palpation du grand trochanter peut être douloureuse au moment du passage de la bandelette. Le diagnostic est clinique, mais les examens complémentaires sont indispensables, notamment pour éliminer d’autres étiologies à la douleur. Le bilan comprend des radiographies standard recherchant des anomalies osseuses. L’échographie est l’examen de référence de par son caractère dynamique (2-7) : le ressaut est observé dans les mouvements actifs du patient. L’examen est réalisé en décubitus latéral, sonde posée transversalement sur le grand trochanter et l’étude est dynamique. Elle permet également de rechercher une bursopathie qui pourrait expliquer la survenue de douleurs. Sur une série publiée de 7 patients, le ressaut était confirmé en échographie dans 100 % des cas, en objectivant un mouvement anormal de la bandelette iliotibiale lors de son passage sur le grand trochanter dans 5 cas sur 7. Dans 2 cas, le ressaut était lié au passage du grand glutéus. La bandelette iliotibiale était hypoéchogène dans 3 cas sur 5 et épaissie dans 1 cas (4). Une rare anomalie de la jonction myotendineuse du grand glutéus peut également favoriser ce ressaut. L’IRM peut montrer une bursite en hypersignal T2 entre la bandelette et le grand trochanter et plus rarement l’épaississement de la bandelette. Un examen IRM normal n’élimine pas le diagnostic.

Le ressaut antéromédial  (comme dans le cas de notre danseuse)

Sa description est plus récente que celle du ressaut latéral et remonte à 1951 avec les travaux de Nunziata et Blumenfeld (8). Il est moins fréquent que le ressaut latéral et de ce fait moins connu. Il se manifeste également dans la 3e décennie, volontiers chez des patients sportifs qui utilisent fréquemment des mouvements forcés d’extension, notamment lors de la pratique de la gymnastique ou encore de la danse classique. Un sex ratio en faveur des femmes est également observé. Décrit initialement comme un ressaut de la lame aponévrotique postérieure du psoas sur l’éminence iliopectinée, il s’avère que l’analyse échographique dynamique montre en fait un enroulement des différents faisceaux myotendineux.

Le tendon du psoas commence à apparaître au bord antérolatéral de la cuisse pour devenir plus postérieur et pénétrer dans la cuisse « en passant entre la partie externe de l’arcade crurale et la gouttière que présente le bord antérieur de l’os coxal depuis l’épine iliaque antéro-supérieure jusqu’à l’éminence iliopectinée. Il descend en avant de l’articulation coxo-fémorale et s’attache au sommet du petit trochanter. » (Rouvière).

C’est lors de l’extension active de la cuisse que se produit le ressaut, au moment où l’augmentation de la tension du muscle provoque son déplacement brutal au-dessus de l’éminence iliopectinée.

D’autres causes de ressaut du psoas ont été décrites :

  • ressaut du psoas sur la tête fémorale,
  • ressaut du tendon sur le petit trochanter,
  • conflit entre le psoas et la cupule cotyloïdienne d’une arthroplastie totale de hanche.

Les signes cliniques

Le ressaut antérieur est audible et ressenti, mais non visible. Il survient lors de mouvements actifs d’extension lorsqu’on approche de l’extension complète. Tout comme le ressaut latéral, le ressaut antérieur est rarement douloureux, mais la répétition des mouvements, notamment lors de la pratique sportive, peut être source de douleurs. Celles-ci tendent à limiter le pas postérieur du patient, qui peut également se retrouver gêné pour la montée des escaliers ou bien encore pour monter en voiture. À l’examen physique, le ressaut est entendu, ressenti, mais sa palpation n’est pas possible, car trop profond. Il n’est retrouvé qu’en actif. Comme pour le ressaut latéral, la difficulté est d’incriminer le ressaut dans les douleurs. Une contraction contrariée douloureuse du psoas vient étayer ce diagnostic. Il est important d’éliminer toute autre cause aux douleurs, qu’elles soient rachidiennes, inguinales ou bien situées au niveau de la hanche.

Le bilan d’imagerie objective le ressaut, élimine d’autres étiologies aux douleurs et rattache les douleurs au ressaut. L’échographie dynamique est l’examen de référence pour confirmer ce diagnostic.

L’examen consiste à placer la sonde d’échographie en regard de la hanche symptomatique, en regard de la zone de réflexion du psoas sur la branche ilio-pubienne. La jambe est placée en flexion, abduction et rotation externe (grenouille), puis, tandis que la position de la sonde est maintenue, la jambe est ramenée à sa position neutre en extension, sous contrôle échographique constant pour identifier le ressaut. On visualise donc échographiquement le tendon du psoas. En position de grenouille, il est placé latéralement avec une portion médiale du muscle iliaque piégé entre le tendon hyperéchogène et la corticale osseuse. Lors du retour en position neutre jambe étendue, le corps musculaire pris en étau entre l’os et le tendon s’enroule en se libérant et le tendon vient alors claquer contre la branche ischio-pubienne. L’échographie recherchera éventuellement des facteurs favorisants : un tendon du psoas bifide (ressaut entre les deux faisceaux) et un kyste paralabral. La même manoeuvre dynamique reproduit le ressaut audible dans ces deux cas. Une tendinose de l’ilio-psoas est parfois mise en évidence avec une bursite associée. En revanche, la présence d’un ressaut n’est pas forcement pathologique et serait mise en évidence chez un grand nombre de patients asymptomatiques. Selon une étude, ce ressaut pourrait être reproduit chez près de 40 % des hanches asymptomatiques (9, 10).

Afin d’éliminer toute autre étiologie aux douleurs, des radiographies standard sont indispensables et une IRM ou plutôt arthro-IRM est souvent nécessaire. Comme pour le ressaut latéral, affirmer la responsabilité du ressaut dans les douleurs reste le point le plus délicat. La présence de signes inflammatoires locaux sur l’échographie et/ou l’IRM ainsi que l’apparition de la douleur au moment précis où le ressaut est enregistré sur l’échographie sont des éléments forts pour incriminer le ressaut.

Le traitement

Tout comme le ressaut latéral, le traitement du ressaut du psoas ne s’envisage qu’après élimination des diagnostics différentiels et une fois que les formes « volontaires » ont été écartées. Il repose dans un premier temps sur un traitement « médical », par la réalisation d’une rééducation spécifique visant à étirer le psoas. Les infiltrations de corticoïdes sous contrôle échographique dans la bourse séreuse du psoas peuvent être utilisées en 2e intention. Le traitement chirurgical vient en dernière ligne et consiste en un allongement du psoas. Certains auteurs proposent une intervention sous anesthésie péridurale sensitive, permettant ainsi de garder le tonus musculaire et de pouvoir avoir un contrôle peropératoire de la levée du conflit.

Bibliographie

1. Lee KS, Rosas HG, Phancao JP. Snapping hip: imaging and treatment. Semin Musculoskelet Radiol 2013 ; 17 : 286-94.
2. Satku K, Chia J, Kumar VP. Snapping hip-an unusual cause. J Bone Joint Surg Br 1990 ; 72 : 150-1.
3. Larsen E, Johansen J. Snapping hip. Acta Orthop Scand 1986 ; 57 :168-70.
4. Brooker AF, Bowerman JW, Robinson RA, Riley LH Jr. Ectopic ossification following total hip replacement. Incidence and a method of classification. J Bone Joint Surg Am 1973 ; 55 : 1629-32.
5. Choi YS, Lee SM, Song BY et al. Dynamic sonography of external snapping hip syndrome. J Ultrasound Med 2002 ; 21 : 753-8.
6. Dederich R. The snapping hip. Enlargement of the iliotobial tract by Z-plasty. Z Orthop Ihre Grenzgeb 1983 ; 123 : 168-70.
7. Brignall CG, Stainsby GD. The snapping hip. Treatment by Z-plasty.J Bone Joint Surg Br 1991 ; 73 : 253-4.
8. Nunziata A, Blumenfeld I. Snapping hip; note on a variety. Prensa Med Argent 1951 ; 38 : 1997-2001.
9. Zbojniewicz AM. US for diagnosis of musculoskeletal conditions in the young athlete: emphasis on dynamic assessment. Radiographics 2014 ; 34 : 1145-62.
10. Guillin R, Cardinal E, Bureau NJ. Sonographic anatomy and dynamic study of the normal iliopsoas musculotendinous junction. Eur Radiol 2009 ; 19 : 995-1001.

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