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XXXIIIe Journée raphaëloise – Utilité des cellules souches dans l’arthrose : leurre ou vrai espoir ?

Dr Virginie Legré-Boyer (rhumatologue, Institut de l’appareil locomoteur Nollet, hôpital américain de Paris, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris)

Face à notre impuissance actuelle à régénérer correctement le cartilage et devant la faible efficacité des traitements dans l’arthrose, la thérapie cellulaire utilisant des cellules souches mésenchymateuses (CSM) suscite le plus vif intérêt.

Quelles actions ont les CSM ?

Transformation en cellules cartilagineuses.
Ces cellules jeunes, multipotentes, sont capables de proliférer et de se différencier en chondrocytes, en ostéoblastes ou en adipocytes, en fonction de l’environnement et des facteurs de croissance présents.
Action anti-inflammatoire (par modulation des lymphocytes T).
Action trophique pour le cartilage par la sécrétion de nombreuses substances telles que des facteurs de croissance, des cytokines, des chimiokines, et en réalisant un sauvetage des chondrocytes agonisants (apoptotiques). 

Une notion nouvelle est celle d’un déficit quantitatif et qualitatif des CSM endogènes articulaires observé dans l’arthrose, qui pourrait être à l’origine de la dégradation arthrosique (1).

Comment obtenir des CSM ?

La moelle osseuse et le tissu adipeux sont les principales sources de CSM, prélevées par ponction de moelle ou liposuccion (graisse abdominale ou au genou : hoffa). Après centrifugation, on obtient un mélange de cellules mononucléées, de facteurs de croissance, et d’un faible nombre de CSM. Les CSM sont faciles à isoler grâce à leur capacité d’adhésion au plastique (filtrages sur colonne plastique) et à leur immunotype (positif pour CD 105, CD 73, CD90).
Deux techniques sont utilisées dans l’arthrose :
Technique directe : injection intrarticulaire instantanée du mélange contenant les CSM, qui sont en faible nombre et non quantifiables.
Technique indirecte en deux temps : le mélange est préparé in vitro avec culture cellulaire des CSM. La méthode est complexe, coûteuse et longue (1 mois environ), mais permet d’obtenir de grandes quantités de CSM (entre 2 et 400 millions) bien identifiées.

Deux champs d’application des CSM

Les défects focaux du cartilage (sujets jeunes, post-traumatiques, cartilage environnant sain).
Les CSM sont injectées directement dans la lésion, le plus souvent incluses dans des biomatériaux adaptés, dans l’espoir de refaire le cartilage et d’éviter l’évolution vers l’arthrose. Les rares essais chez l’Homme tendent à montrer une efficacité au moins égale aux greffes de chondrocytes, à moindre coût, avec peut-être un cartilage hyalin de meilleure qualité, mais cela reste à prouver.
L’arthrose (cartilage malade, inflammation associée).
Les CSM sont injectées en intra-articulaire, dans le but non pas illusoire de réparer le cartilage, mais de stabiliser l’arthrose en réduisant l’inflammation et en protégeant le cartilage restant.
Il pourrait y avoir un bénéfice clinique et structural (visible en IRM ou par histologie).

Là encore, rien n’est prouvé. Les études chez l’animal sont discordantes, et les essais chez l’Homme, bien que prometteurs, sont encore insuffisants, faute d’études contrôlées valides (faibles effectifs, pas de groupe contrôle, mélange des techniques : cocktails de CSM + PRP et acide hyaluronique, association à des ostéotomies ou microfractures…).

Une grande étude randomisée européenne multicentrique, pilotée par une équipe française (ADIPOA2), testant l’injection articulaire de CSM (adipeuses, cultivées) versus placebo en double insu dans la gonarthrose est en cours de mise en place (2).

Quel est le profil de sécurité des CSM ?

L’injection de CSM semble très bien tolérée. La plupart des CSM injectées restent dans l’articulation et ne survivent pas longtemps (études de biodistribution). Il ne semble pas y avoir plus de réaction locale qu’avec la viscosupplémentation.
Les études ne rapportent pas de complication tumorale ni infectieuse, et le risque théorique de prolifération osseuse (par différenciation ostéoblastique des CSM au contact osseux) n’a pas été rapporté. Cependant, le recueil des effets indésirables laisse à désirer dans l’ensemble des essais, et le recul est encore insuffisant.

Conclusion

Malgré un mode d’action théoriquement chondroréparateur et une apparente bonne tolérance, rien ne permet d’affirmer l’efficacité clinique et structurale de l’injection articulaire de cellules souches dans l’arthrose. La réserve reste de mise, rien ne justifie leur utilisation incontrôlée, malgré ce qui s’observe déjà en France.

Bibliographie
1. Pers YM, Maumus M, Jorgensen C. Médecine régénérative de la gonarthrose : mythe ou réalité ? Rev Rhum monographie 2016 ; 83 : 162-65.
2. Chevalier X, Eymard F. Cellules souches et cartilage : leurre ou vrai espoir ? La lettre du rhumatologue 2015 ; 417 : 8-14.

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